Et pourtant il tourne… toujours. L’ami des jardins et de la symétrie poursuit son petit bonhomme de chemin avec ses plans graphiquement parfaits et tirés au cordeau. Cette fois, il s’est un peu foulé sur la psychologie des personnages : un jeune homme distrait son père, sexagénaire éploré, dévasté par la mort de sa femme, […]
Et pourtant il tourne… toujours. L’ami des jardins et de la symétrie poursuit son petit bonhomme de chemin avec ses plans graphiquement parfaits et tirés au cordeau. Cette fois, il s’est un peu foulé sur la psychologie des personnages : un jeune homme distrait son père, sexagénaire éploré, dévasté par la mort de sa femme, en organisant une sorte de bordel chicos et privé dans leur manoir familial. Evidemment, même si les personnages ont une certaine densité, tout ça n’est qu’un pur prétexte aux délires snob de ce réalisateur expérimental qui dispose de budgets pharaoniques ceux du cinéma de fiction en comparaison de ses pauvres collègues cantonnés au minimalisme. Mais ce décorum luxueux et cette relative débauche de moyens contrastent désagréablement avec le simplisme des concepts. D’abord, une sorte de provoc agaçante et gratuite purement british consistant à mettre ses personnages masculins à poil à tout bout de champ. Exemple : le père qui arrive tout en blanc à l’enterrement de sa femme et, agacé par les reproches, se déloque sur-le-champ pour endosser des vêtements noirs. Ensuite, il y a la galerie de stéréotypes féminins : la businesswoman, la femme fatale, la geisha, la bonne soeur, la femme animale, la servante, la mère et la pute au coeur d’or. Répertoire pittoresque qui ne produit qu’une série de scènes de genre imitant la peinture. Et encore, Greenaway ne dépasse pas le stade des intentions. Quand il dit que le « rapport de Béryl la femme animale avec la truie évoque l’eau-forte de Félicien Rops, Pornocratès« , au lieu de reproduire la gravure en question, il se contente de disposer la truie au premier plan, et la geisha à l’arrière-plan vêtue en rouge, qui se détachent sur un élément de décor vert. C’est très joli, mais cette manie de figer la vie en tableaux très composés est tout bonnement une négation du terme « cinéma » du grec kinêma, qui signifie « mouvement ». Du cinématographe Greenaway n’a retenu que le suffixe « graphe ». Quant à la référence à 8 1/2, c’est une pose cultureuse. Le père assiste à la projection du film en question, mais ne regarde pas l’écran et parle d’autre chose. Autrement, il y a le cheptel féminin et quelques vannes récurrentes sur Fellini. Mais quand Greenaway s’amuse à faire dire à l’un de ses personnages que « Fellini n’était qu’un maquereau italien », il prend le risque de passer pour un rustre pédant.
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