Consacré à la diversité de la création documentaire, le festival Cinéma du réel s’est fini le dimanche 31 mars avec une 46e édition toujours aussi radicale et puissante.
Ce dimanche 31 mars s’est achevée la 46e édition du Cinéma du réel, un festival qui s’est donné la vertueuse mission de projeter les formes les plus innovantes du cinéma documentaire contemporain.
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La radicalité de ces films, souvent expérimentaux, devient la condition nécessaire pour faire advenir une appréhension nouvelle du monde, comme en opposition à toutes ces images que l’on voit sans les regarder, qui se laissent appréhender avec les mêmes grilles de lecture préétablies.
À ce titre, Direct Action de Guillaume Cailleau et Ben Russell (récompensé par le Grand Prix) fut l’un des films les plus puissants de la compétition. Tourné pendant deux ans dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le film présente une contre-image de la couverture médiatique sensationnaliste, qui s’est largement limitée à montrer les affrontements violents des écologistes contre les répressions policières. Composé de plans longs, souvent fixes, concentrés sur les actions quotidiennes de la ZAD, ces 3 h 30 de film nous invitent à habiter ses images, en créant un rythme méditatif et accueillant. L’action directe ne s’y réduit pas aux altercations, mais consiste aussi à inventer un nouveau partage du temps, obéissant à une unité de mesure alternative, loin de toute logique productive. En creux, Direct Action offre ainsi un démenti vigoureux des entreprises de falsification du réel, portées notamment par le discours du gouvernement qui qualifiait l’action des Soulèvements de la Terre d’“écoterrorisme”.
Un regard inédit
D’une tout autre manière, Soundtrack to a Coup d’État de Johan Grimonprez a lui aussi proposé une fabuleuse entreprise de démystification en investissant toute la richesse formelle offerte par le montage. Ce grand maelström d’images d’archives s’intéresse à l’instrumentalisation politique du jazz par les États-Unis lors de la guerre froide, en revenant plus précisément sur l’indépendance du Congo. Le jazz n’est pas uniquement le sujet et la bande originale du film, mais sert aussi de principe rythmique et critique à un montage virtuose. Syncopes et contretemps deviennent les outils du cinéma, par lesquels les images viennent se contredire les unes les autres ou créer des associations originales entre un concert de Louis Armstrong et un discours de Khrouchtchev. En empruntant aussi bien aux clips qu’à Godard, cet art du détournement désinvolte fait émerger un récit historique nouveau et exaltant.
Opposer aux discours, images et narrations consensuelles, un regard inédit sur le monde et son histoire en sollicitant notre esprit critique – c’est sans doute là, l’une des perspectives politiques les plus fertiles offertes par le cinéma.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 3 avril. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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