La plateforme de la Cinémathèque française Henri a mis en ligne quatre courts métrages de Jacques Rozier. L’occasion de replonger dans les prémices de son cinéma dont le charme et la fraîcheur restent toujours intacts.
Jacques Rozier s’est éteint ce vendredi 2 juin. Il était sûrement le plus discret et mystérieux des réalisateurs de la Nouvelle Vague. Ses premiers courts métrages réalisés il y a plus de soixante ans ont été récemment restaurés par la Cinémathèque française avec le soutien du CNC.
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Les courts métrages sélectionnés par la Cinémathèque française nous permettent de remonter l’air du temps. Blues Jeans, Dans le vent et Paparazzi révèlent déjà le style singulier du cinéaste. Avec son sens de la durée, son gout du syncrétisme et du mélange de la fiction et du documentaire ainsi que son affection généreuse pour la jeunesse insouciante, le cinéma de Jacques Rozier nous procure cette sensation joyeuse mâtinée de mélancolie, de grâce et de fragilité de l’instant.
Blue Jeans
Blue Jeans, réalisé en 1958, est le deuxième court métrage de Jacques Rozier, dans lequel le réalisateur définit déjà son style et explore les thématiques qui jalonneront toute son œuvre. Il propose sa vision de la joie à travers la dérive, comme la pratiqueront les héroïnes d’Adieu Philippine. Jean-Luc Godard décrivait ce film comme “un court métrage frais, jeune et beau comme les corps de vingt ans dont parlait Arthur Rimbaud”.
Le court métrage chronique les vacances estivales de Dany et René, qui brûlent de désir sur la Croisette mais sans argent, ils se découragent de ne jamais conclure. Leur beauté n’a d’égal que leur insouciance et leur malchance. En oscillant constamment entre les prises de vue quasi documentaires sur la Croisette et une page estivale de L’Éducation sentimentale, Blue Jeans se prélasse au rythme des capriccios cubains et se présente par de longs travelings à bord des Vespas comme une ode à l’insouciance.
Dans le vent
Avec Dans le vent, Jacques Rozier documente les tendances de la mode française de l’année 1962. Réalisé la même année qu’Adieu Philippine, le court métrage à l’esthétique pop art capture en huit minutes, au moyen des techniques du cinéma-vérité, l’atmosphère du Paris moderne.
Avec une photographie léchée en noir en blanc de Willy Kurant – collaborateur régulier de toute la Nouvelle Vague – et une partition jazzy de Serge Gainsbourg dans le style du mouvement yéyé, le cinéaste nous offre une interview de trois Parisiennes sur leur rapport à la mode. L’expression “dans le vent” signifie ce qui est dans l’air du temps et le court métrage, entrecoupé de séances photo et d’images du magazine Elle, adhère énergiquement aux vêtements et objets en vogue.
Paparazzi
Paparazzi compose avec Le Parti des choses un diptyque fictionnel sur le tournage du Mépris de Jean-Luc Godard en 1963, dans lequel Jacques Rozier enregistre les rapports conflictuels de Brigitte Bardot avec les photographes chasseurs d’images. Il filme avec de gros objectifs l’actrice traquée par les gros objectifs des paparazzis, puis les autres comédiens du film, Michel Piccoli, Jack Palance et Fritz Lang, comme des silhouettes furtives.
À l’instar de la séquence d’ouverture du film, Jacques Rozier filme également la caméra de Raoul Coutard puis les décors rocailleux de Capri et la maison Malaparte. Ce court métrage demandé amicalement par Jean-Luc Godard est le moyen pour Jacques Rozier de poser son regard personnel et fictionnel sur le tournage du film. La mise en scène au moyen de longs champs et contrechamps entre Bardot et trois photographes, opérés par un montage dynamique, offre au film une modernité toujours intacte. La bande musicale signée par le compositeur phare de la Nouvelle Vague Antoine Duhamel rythme les plans du film et participe à sa vivacité.
Oh, oh, oh, jolie tournée !
À la suite du succès surprise de la chanson Jolie poupée, Jacques Rozier décide de suivre la tournée de Bernard Menez en 1984. Le cinéaste documente l’envers du décor à travers Oh, oh, oh, jolie tournée !, post-produit en 2001 sous la supervision du réalisateur à l’occasion de sa rétrospective au Centre Pompidou. Il filme à l’aide d’un support vidéo timecodé les coulisses, les réactions du public et la dernière du Podium Europe 1.
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