Cette année, la Biennale du cinéma japonais d’Orléans présentait un intérêt particulier : confirmer après les Palme et Lion d’or reçus par Imamura et Kitano la résurrection d’une cinématographie nationale. Elle présentait aussi ce danger inévitable de dresser par l’accumulation des films un tableau sociologique du pays, chargeant chacun d’entre eux d’un fastidieux poids de […]
Cette année, la Biennale du cinéma japonais d’Orléans présentait un intérêt particulier : confirmer après les Palme et Lion d’or reçus par Imamura et Kitano la résurrection d’une cinématographie nationale. Elle présentait aussi ce danger inévitable de dresser par l’accumulation des films un tableau sociologique du pays, chargeant chacun d’entre eux d’un fastidieux poids de témoignage. Impossible d’ignorer malgré tout qu’il existe aujourd’hui deux types de films japonais : l’un citadin, l’autre de province profonde.
Parmi les premiers, tous voués plus ou moins à la description de la violence urbaine, ce sont les films de yakusas qu’on préfère. Shinji Aoyama a la figure d’un ange, Rokuro Mochizuki celle d’un voyou, mais leurs films Chimpira et Onibi se ressemblent. Ils sont essentiellement des actes de résistance. Résistance politique à la société japonaise comme résistance artistique au genre qui sert ici de métaphore pour l’ensemble de cette société (dixit Aoyama). Les affaires de meurtre et d’argent sont poussées hors champ au profit d’histoires d’amitié et d’amour défiant les codes établis. Dans une scène exemplaire de Chimpira, c’est seulement au terme d’un long affrontement filmé en plan-séquence que Yoichi parvient à enlever la fiancée de son supérieur hiérarchique. Comme Kitano, Aoyama et Mochizuki substituent un filmage soigneusement cadré, voire contemplatif, au style heurté des films de yakusas traditionnels.
Dans le cinéma japonais contemporain, il y a très souvent fuite hors des villes. C’est le cas dans Le Testament du soir. De leur propre aveu, les cinéphiles ne connaissent pas grand-chose de Kaneto Shindo. C’est l’auteur de L’Ile nue, grand succès de 1960. Il a aujourd’hui 85 ans et Le Testament du soir est, résolument, un film de vieux. Mais Shindo n’est pas Rohmer, il filme les vieilles dames et c’est merveilleux. Car Shindo veut donner une autre image du troisième âge. Un troisième âge qui ne se divertit pas, au sens pascalien du terme, qui sait regarder la mort en face et même, s’il le faut, devancer son appel. Partageant avec l’essentiel des films présentés à Orléans une obsession de la mort comme fuite ultime, Le Testament du soir est sans doute de tous le plus concerné (dans la mesure où Shindo, fatalement, n’a pas l’espérance de vie d’un jeune cinéaste), mais aussi le plus gai, le plus optimiste. Ainsi peut-on dire que Le Testament du soir, dans un geste sublime de grande tradition japonaise, se moque de la mort.
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