Redécouverte de Bo Widerberg, cinéaste suédois des sixties au style vigoureux et charnel.
Alors qu’ils connurent une vraie reconnaissance en leur temps, les films de Bo Widerberg étaient devenus des trésors inaccessibles du cinéma suédois, cités ici et là par quelques cinéphiles pas franchement remis de leur découverte. On les comprend.
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Il est probable que la place écrasante occupée sur le terrain du cinéma nordique par le maître Bergman y est pour quelque chose. Il faudra d’ailleurs à Widerberg tuer le père (il lui reprochera notamment son orientation métaphysique) alors qu’il est encore jeune critique de cinéma.
Comme les cinéastes de la Nouvelle Vague, qu’il admire, c’est mû par un désir farouche de liberté et de changement qu’il fait ses premiers pas derrière la caméra. Dans son premier long métrage, Le Péché suédois (1963), produit par Pierre Braunberger, cette liberté formelle s’articule subtilement avec la liberté recherchée par son héroïne, véritable petite sœur de la Monika d’Ingmar (pas totalement répudié !), issue d’un milieu modeste, qui quitte le père de son enfant.
Apparaît déjà dans ce sublime portrait de femme tout ce qui fait la richesse du cinéma de Widerberg et se déploiera pleinement dans ces deux chefs-d’œuvre que sont Elvira Madigan (1967) et Adalen 31 (1969) : l’art de faire des sentiments une matière première, lumineuse et vibrante, une force autonome, à partir desquelles le cinéaste regarde le monde, en extrait sa beauté la plus pure et sa violence (sociale) la plus folle. D’où une mise en scène jamais psychologique, des plans habités et un montage audacieux, toujours prompts à saisir des états, des émotions au fil de motifs, d’éclats poétiques incroyablement charnels et vivants.
Pas étonnant que le nom de Pierre-Auguste Renoir soit répété inlassablement par le jeune garçon d’Adalen 31, comme un credo, au moment où il découvre les reproductions de ses tableaux, car le cinéma
de Widerberg reste on ne peut plus fidèle à cette idée de la peinture comme art du jaillissement.
Dans Adalen 31, où les premiers émois adolescents sont bouleversés par l’ordre social et les conséquences sanglantes d’une importante grève d’ouvriers (qui marqua la Suède en 1931), aussi bien que dans Elvira Madigan, qui retrace le destin tragique (réel) au XIXe siècle d’un couple adultère formé par une célèbre funambule et un lieutenant déserteur, tout se vit comme si c’était la première et la dernière fois, comme une ultime et intense expérience de vie et de mort, inoubliable.
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