Premier film maniéré, tape-à-l’oeil et truqué de l’acteur Jalil Lespert.
Ce premier long métrage réalisé par Jalil Lespert, dont nous avons toujours apprécié le talent d’acteur (Ressources humaines de Laurent Cantet, Le Petit Lieutenant de Xavier Beauvois, Pas sur la bouche d’Alain Resnais, etc.), est une déception. S’y trouvent hélas réunis tous ces petits effets de mode qui nous désespèrent depuis longtemps, d’une part dans les films affreux d’Alejandro González Iñárritu (Babel, 21 grammes) et de ses épigones, d’autre part dans ceux, hideux, de Jacques Audiard, pour pouvoir aujourd’hui les saluer. Du cinéma à la Iñárritu, Lespert reprend ces enchevêtrements de fils scénaristiques, montages alternés venus tout droit de la littérature de gare, du bon vieux thriller grand public anglo-saxon, qui se veulent habiles parce qu’ils tiennent le lecteur-spectateur en haleine avec des sempiternels allers-retours temporels. Mais c’est au-dessus du vide qu’ils le suspendent, le spectateur en haleine, rendu aveugle par son essoufflement, par sa curiosité, par un suspense sec. Au-dessus du vide, de la vanité, de la vacuité de sens. Du cinéma à la Jacques Audiard, 24 mesures possède un goût complaisant pour le glauque, un dégoût du monde, de l’humanité, qui passe étrangement, c’est justement là le problème, par un filmage joli, suiveur, à l’épaule, avec ses clairs-obscurs, ses gros plans clichés sur les visages baignés de désespoir de personnages sans vie, réduits à leur statut de maillons d’une chaîne narrative mais condamnés quand même à périr, parce que c’est écrit, parce qu’il a été écrit entre la poire et le dessert, en toute innocence, qu’ils devaient disparaître de la surface de la terre. Comme si faire mourir un personnage était un acte anodin.
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Un cinéma figé dans son propos, d’ailleurs nébuleux, voilà ce que nous propose ce film, jusqu’au titre qui fait sens : 24 mesures, comme deux fois le blues, comme 24 images par seconde, comme le 24 décembre, nuit pendant laquelle le film se déroule. Il y a pourtant une partie du film qu’il faudrait sauver, parce qu’elle laisse entrevoir ce que Lespert aurait pu réussir, parce que de l’air, de la vie y circulent enfin, dans une échappée soudaine et bienvenue au sens : la scène où Sami Bouajila écoute le jazzman Archie Shepp jouer. Tout à coup, parce que nous ne savons pas ce que nous faisons là, parce que le film et les personnages échappent un instant à leur destin, il se passe quelque chose qui a à voir avec le cinéma, et non plus avec la manipulation sans imagination de pauvres créatures de papier condamnées à s’aimer, à s’entredéchirer, à la misère de baiser et de périr les uns à côté des autres. Vas y, Jalil, c’est là qu’est la voie !
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