Quelques pépites et les diamants de grands anciens tels Pialat, Resnais et Marker : de quoi rehausser le maigre butin de Clermont-Ferrand 2001.
Une nuit, un hôtel dépeuplé en bordure d’autoroute : drôle d’endroit pour une rencontre qui peut-être n’aura pas eu lieu entre ce quinquagénaire, célibataire de circonstance, et cette serveuse en mal d’amour. Tout en nuances et violence tapie, L’Etape proposée par Eric Pinatel et ses deux excellents comédiens, Agnès Sourdillon et Georges Peyrou ne fut pas la moindre des raisons de fréquenter le xxiiie Festival du court métrage de Clermont-Ferrand.
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D’une compétition plutôt terne, outre L’Etape, se détachèrent Chagrin de l’Israélienne Hadar Friedlich, suivant sans pathos un chauffeur de taxi pendant quelques heures après l’enterrement de son fils suicidé, le Poste restante expédié de Russie par Anna Melikian, film bancal et flottant mais plein de cet irrésistible charme propre au jeune cinéma des années 60, ou encore le Page de garde d’Eric Mahé, qui observe avec une tendre subtilité les réactions d’un corps adolescent mâle plongé dans une classe (de sténodactylos) entièrement composée de filles comment n’en ressortirait-il pas trempé d’amour ? Sables mouvants, premier film net et abrupt, très consistant bien qu’un peu confiné dans ses vingt-trois minutes, de Stéphane Gisbert mérite également d’être signalé, de même qu’Animal, remarquable film d’animation de l’Espagnol Miguel Diez Lasangre virevoltant du noir et blanc à la couleur autour de l’imaginaire profus d’un habitant de nos savanes modernes.
Si un festival est le lieu idéal où parier sur l’avenir, il peut être aussi le moment adéquat pour cultiver cette mémoire qu’il vaut mieux, lorsqu’on aime le cinéma, précisément ne pas avoir courte. Sous ce rapport, Clermont 2001 fut à la hauteur de son rang, en accumulant les pépites historiques : de Toute la mémoire du monde (1956) d’Alain Resnais, Les Veuves de quinze ans (1966) de Jean Rouch et L’Amour existe (1961) de Maurice Pialat, tous trois renversants, en passant par Nice Time (1957), vibrante incursion d’Alain Tanner et Claude Goretta au c’ur du Swinging London, ou Un monde morcelé (1948) du Suédois Arne Sucksdorff, huit minutes dédiées à la nature d’une scintillante beauté, le cinéphile ne savait plus où donner de l’admiration. Enfin, s’il est un cinéaste rêvé pour opérer la permanente jonction entre passé, présent et futur, c’est bien Chris Marker, bénéficiaire d’un hommage mué en carte blanche suite au rejet par l’auteur de Level 5 des propositions des organisateurs. On put ainsi (re)voir six films de Marker, parmi lesquels La Jetée (1961), merveille des merveilles, La Sixième Face du Pentagone (1967), film-tract en prise directe sur les campus américains, daté de 1999, Une journée d’Andreï Arsenevitch, magnifique portrait de Tarkovski à travers son uvre surhumaine, porté à incandescence par un montage ahurissant d’intelligence. Chris Marker prend deux plans, les frotte et en fait jaillir des étincelles poétiques.
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