Channing Tatum libéré, Jonah Hill impeccable… Le duo comique fonctionne à merveille.
Affirmer que la comédie américaine entre dans un nouvel âge méta (ou pop,
si l’on préfère) serait négliger qu’une part substantielle de celle-ci n’a jamais vraiment quitté les rivages escarpés de la parodie et du second degré (Tonnerre sous les tropiques ou Rien que pour vos cheveux par exemple), même lorsque tout le monde n’avait d’yeux que pour les pitreries (plus ou moins) réalistes d’Apatow et de son crew.
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Si les tendances ne sont jamais parfaitement nettes, il faut reconnaître que les dix dernières années furent plutôt dévolues à un comique nu, au sens où il se passait de masques et de postiches. Quand bien même la culture pop était massivement convoquée, faisant office de flèche ou d’étendard (façon d’offenser l’autre ou de se regrouper entre semblables), elle demeurait une somme de références, un terreau commun, rien de plus. Sauf exception, le quatrième mur, celui qui sépare le spectateur des protagonistes, tenait bon.
Or de plus en plus, celui-ci semble se fissurer, et les comiques passer à travers l’écran pour nous faire des high five. Avec 22 Jump Street, encore plus qu’avec son prédécesseur 21 Jump Street, se confirme cette tendance que C’est la fin (Evan Goldberg et Seth Rogen) et La Grande Aventure Lego (des mêmes réalisateurs qu’ici, Phil Lord et Christopher Miller) avaient déjà amorcée. La comédie se moque désormais allègrement d’elle-même, dans un geste spéculaire proche de celui opéré par Scream sur le cinéma d’horreur.
Après un prologue d’emblée parodique (bourrin mais non dénué de bravoure burlesque), Jenko et Schmidt (Channing Tatum et Jonah Hill) reprennent leur service incognito, non plus au lycée mais à la fac. Et comme l’explique leur supérieur (le toujours très drôle Nick Offerman), “vu le succès de leur précédente opération, la hiérarchie (leur) alloue plus de moyens et (leur) demande juste de rééditer la formule, à l’identique”. Clin d’œil. D’autres suivront, nombreux, jusqu’au générique de fin, dément.
De fait, le film va suivre pendant une bonne demi-heure exactement la même voie que le précédent, répétant l’intrigue, le décor, les scènes, inversant seulement la réussite des personnages. Cette fois-ci, c’est Hill/Schmidt qui se colle à la lose et à l’exclusion (ce qui donne lieu à un phénoménal slam improvisé), tandis que Jenko/Tatum accomplit enfin son destin de popular guy crypto gay.
Leur duo comique fonctionne à merveille, mieux encore que dans 21 Jump Street, grâce au jeu plus fluide et complètement débloqué de Tatum – Jonah Hill, comme d’habitude, est impeccable. L’écriture dans son ensemble s’est d’ailleurs libérée, et la paire de réalisateurs déploie son comique, aussi visuel que verbal, avec une frénésie qui n’a aujourd’hui pas d’égale à Hollywood. Comme dans le fabuleux La Grande Aventure Lego (sorti il y a à peine six mois), Lord et Miller font tourner leur moteur pop à toute allure, ne tolérant aucune baisse de régime, glissant de nouveaux gags dans chaque interstice – au risque du trop-plein. Malin sans être roublard, furieux sans être creux, 22 Jump Street confirme en tout cas que la comédie US a encore de beaux jours devant elle.
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