Dans un second rôle dans Elle, dans tous les plans de Victoria, elle est deux fois sensationnelle dans les deux meilleurs films de l’année.
Victoria
C’est un film que j’ai vécu comme un agrandissement. De ce que je pouvais exprimer, de mes possibilités de jeu… Et une ouverture aussi, vers des choses nouvelles, des propositions différentes. Je ne m’attendais pas à ce qu’un film qui va chercher des choses aussi intimes, et là je parle surtout du travail de Justine (Triet), puisse rencontrer un public aussi large. J’avais peur que les comédies que j’avais tournées avant me condamne à jouer des personnages en pleine santé, constitués par leur bonne humeur.
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J’étais contente que l’on pense à moi pour jouer une fille un peu dévitalisée. D’ailleurs, une fois, Justine m’a dit, comme si c’était un très grand compliment : “Mais non, t’inquiète, ça se voit que tu vas très mal.” Ah bon, OK ! (rires). Le fait est que je me sens un peu proche de Victoria, dans ses empêchements, dans une forme de cérébralité qui bloque certains élans.
Force
Toni Erdmann m’a bouleversée. La scène où elle chante du Whitney Houston, ça plonge dans un état de joie et d’émotion assez rare. J’aime beaucoup aussi les endroits de gêne, de honte, vers lesquels s’aventure le film. Et c’est très beau la façon dont le rapport entre ce père et cette fille est empêché par un mur dont le film ne cherche pas totalement à expliciter ce qui a pu l’ériger. Je trouve très fort, très tenu aussi, le premier long métrage d’Arthur Harari, Diamant noir. J’y vois une densité, un sens du mythe, proche de James Gray.
Avenir
J’ai adoré L’Avenir de Mia Hansen-Løve. Isabelle (Huppert) est géniale, sa mère, Edith Scob, aussi. J’adore la façon dont, dans la vie de cette femme, tout change et en même temps rien ne change. Il y a ce que l’on perd, que l’on ne peut pas rattraper et qui laisse de l’espace à la tristesse. Et à égalité, il y a une forme de liberté, la saisie de sa propre force, ses ressources. Quand tout semble céder dans la vie, on découvre qu’il y a toujours quelque chose qui tient. Le film apporte de la consolation. C’est très beau.
Animation
Je vois beaucoup de films d’animation avec ma fille. J’ai beaucoup aimé Le Garcon et la Bête. C’est d’un niveau philosophique, métaphysique, immense. On a vu Ma vie de courgette deux fois. Je l’ai emmenée voir La Tortue rouge et elle a voulu partir. Donc on est parties, mais après on en a beaucoup reparlé. C’est chouette de trouver des activités où toi aussi tu partages quelque chose. Donc j’essaie de trouver des films à la jonction. Mais je ne me vois pas non plus essayer de lui cacher que La Reine des neiges existe. On le regarde, et je lui montre d’autres choses à côté.
Séries
Influencée par Justine, je me suis mise à regarder des séries. Ma culture en la matière est proche du néant. J’en étais un peu restée à Twin Peaks (rires). Là, je me suis passionnée pour The Night of. C’est dément. C’est un thriller autour d’un jeune garçon intello, un peu chétif, qui prend un ecsta et va se retrouver accusé d’un meurtre abominable. C’est à la fois un récit d’un suspense fou, mais avec plein de ramifications sur la société new-yorkaise, le système juridique américain, la croyance, la vérité… Je comprends les réalisateurs qui pensent que pour faire du cinéma aujourd’hui, il faut aussi voir ça.
Musique
J’ai adoré l’album de La Femme. C’est à la fois assez brut, un peu étrange, très profond. Ils mélangent beaucoup de choses. C’est vraiment très réussi. J’ai beaucoup aimé aussi l’album de mon ami Julien Doré. Il y a quelque chose de son univers qui se précise vraiment avec ce disque. Sa voix de crooner est de plus en plus belle. Le très long morceau, De mes sombres archives, est vraiment sublime. Une amie m’a fait découvrir Har Mar Superstar, qui faisait des morceaux très soul et là a sorti un album plus electro, que j’ai beaucoup écouté. Le dernier album de Franck Ocean est super aussi. Sinon, je reviens toujours vers mes trucs à moi, Nick Drake, Elliott Smith, Stevie Wonder, Peau d’âne…
Colère
On a été bien servis cette année en motifs de colère. Ça a commencé par la déchéance de nationalité. C’est bizarre ces occasions d’en vouloir encore plus à la gauche qu’à la droite. Beaucoup d’autres choses m’ont énervée, le Brexit par exemple. Mais de manière globale, je dirais que ce qui me consterne le plus, c’est qu’avec tout ce qui s’est passé de difficile, d’inquiétant, de dramatique et dont on se doit de faire l’analyse, la sphère politique mais aussi les médias se préoccupent uniquement de répondre de façon immédiate, en faisant l’économie du temps de la compréhension.
L’espace manque où les choses se dépassionneraient pour que l’on pense non pas à aujourd’hui mais à demain, non pas à la vie mais au monde. C’est le règne de la pensée-tweet, du court terme. Les faux débats, genre le burkini, les doubles rations de frites, prennent un espace disproportionné. On vit cernés par une agitation aussi stérile que pénible.
Un vœu pour 2017
Un réveil. Et le mien d’abord. Que l’on puisse entendre quelque chose de juste. Il y a un recueil de Fitzgerald que j’aime beaucoup, L’Effondrement, où il dit : “On reconnaît une intelligence de premier ordre à la possibilité de faire exister deux idées apparemment contradictoires.” Qui seraient que le monde ne serait que solitude, désolation, et en même temps ne pas renoncer à vouloir le changer.
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