Elle a été à l’affiche de quatre films, dont les formidables Elle et L’Avenir. Elle a encore une fois brûlé les planches dans Phèdre(s). La rumeur parle d’elle pour les prochains oscars. 2016, une année hyper-Huppert.
Elle
Le succès de Elle n’était pas forcément évident à anticiper. Mais dès le Festival de Cannes, on a bien vu que le film déclenchait un certain enthousiasme qui s’est prolongé avec son succès en salle. Là, il vient de sortir aux USA et tout se passe à nouveau très bien. La bonne surprise, c’est que le film a été pris par le bon bout, sans que ne soit nié son potentiel de complexité et de perturbation. Il ne s’agit pas de faire croire que le film est facile. Mais il y a eu beaucoup de malentendus autour de l’œuvre de Verhoeven et Elle a bénéficié d’un contexte particulier où tous ces malentendus sont en train de se dissiper, où Showgirls par exemple a été récemment réhabilité, où tout ce qui dans son œuvre avait été brouillé, mal compris, devient tout à coup intelligible.
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Oscars
Je suis très embarrassée de parler de ça. Les pronostics citent énormément d’actrices susceptibles d’être nommées, et pas des moindres. Je me tiens à distance de ces rumeurs. Il y a une sorte de frénésie qui s’agrège autour de ça dont on peut être autant l’heureux bénéficiaire que la malheureuse victime. Je préfère en rester à ce qui est acquis aujourd’hui, à savoir que le film représente la France dans la catégorie du meilleur film étranger.
Travail
Je n’ai jamais le sentiment de la difficulté de ce que je fais. Même quand je joue Phèdre(s), trois heures sur scène, avec un texte gigantesque à retenir, je ne me dis jamais que c’est difficile. Et pourtant, ça l’est ! Le théâtre, ça peut être assez violent. La réponse est immédiate. Au cinéma, elle est différée. Mais j’arrive toujours à trouver un chemin, un accès qui me permet de faire les choses assez facilement.
Ce n’est pas pour autant que je suis dans un état de perpétuelle béatitude. C’est plutôt que j’ai un rapport à mon métier assez peu émotionnel. J’aime bien son aspect routinier. J’ai une relation assez dépassionnée à ce que je fais. Je considère ça comme un travail. Du coup, rien ne me pose véritablement de problèmes.
Jeu
L’Avenir ou Elle sont des films très proches de moi. Dans le film de Verhoeven, il fallait davantage appuyer sur une distance ironique, et dans celui de Mia Hansen-Løve trouver plutôt une forme de douceur.
Mais dans l’un comme dans l’autre, j’ai rarement eu aussi peu le sentiment de jouer. J’avais l’impression que les films étaient des documentaires sur moi dans une fiction. Mais même dans Souvenir, où j’interprète une ancienne chanteuse de l’Eurovision devenue ouvrière, j’ai aussi l’impression que c’est moi au fond – même si ça ne l’est pas du tout, évidemment.
Fin du monde
Parmi les films que j’ai vus cette année, j’ai adoré Julieta de Pedro Almodóvar, j’ai trouvé le film aussi émouvant, parfois même bouleversant, que mystérieux.
J’ai aimé Ma Loute de Bruno Dumont.
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J’ai été touchée par Juste la fin du monde de Xavier Dolan. Je suis très sensible à cette chose très libre dans les ruptures de ton, dans les enchaînements, qui trouve dans ce film – plus encore que dans Mommy – son accomplissement. On sent dans son montage, dans sa façon de faire durer un gros plan sur un visage, quelque chose de très spontané et vraiment assez inspiré. Et les plans du passé qui reviennent sont vraiment très beaux. On est saisi par une émotion très forte dont on ne sait pas d’où elle vient.
Et puis deux films du passé. A l’occasion d’une soirée hommage à René Féret, j’ai découvert son film Baptême, une pépite. Un film extraordinaire, son chef-d’œuvre. Bouleversant. Et j’ai revu Les Raisins de la colère de John Ford au Christine 21. Un grand film politique…
Proust, Shakespeare
Au théâtre, j’ai aimé Les Français, le spectacle de Krzysztof Warlikowski autour de La Recherche du temps perdu. Il restitue des moments, des situations, des atmosphères piochées chez Proust.
Et j’ai énormément apprécié Antoine et Cléopâtre par Tiago Rodrigues. Ça faisait longtemps que j’avais envie de découvrir le travail de ce jeune metteur en scène portugais. C’est un travail minimaliste qui finit par toucher à l’essence même de ce qu’est un acteur et de l’opération consistant à s’emparer d’un personnage.
Et j’ai vu aussi 2666, l’adaptation du roman de Bolaño par Julien Gosselin. C’est très prenant. On est projeté dans un temps qui n’a plus rien à voir avec la durée réelle du spectacle (douze heures). C’est le propre du théâtre de modifier ce rapport à l’écoulement du temps, où la question de savoir si c’est long ou pas n’entre plus en ligne de compte.
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