« Everybody wants some » de Richard Linklater ressuscite l’âge d’or des films de campus : ses rites de bizutage, ses jeunes gens obsédés par l’idée de tirer un coup, sa vie en communauté dans une ambiance de vannage permanent. Retour sur un genre qui a su se combiner à d’autres (jusqu’au film d’horreur) et, qui bien que typiquement US, a su s’exporter (jusqu’à la Sorbonne).
1) American graffiti de George Lucas (1973)
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Avant de créer la franchise Star wars, le THX et LucasFilm, George Lucas avait signé ce petit film bien senti sur la dernière journée de lycée d’un groupe d’amis, dans une petite ville en 1962, dernier moment d’innocence avant la fac et la guerre du Vietnam. L’atmosphère early sixties est remarquablement rendue, la bo vintage est d’enfer et le film a donné lieu à une petite mythologie ainsi qu’au revival du rock des origines. Surtout, Lucas traduit bien l’angoisse de quitter l’enfance et d’aborder l’âge adulte, thème récurrent des campus movies.
2) Elephant de Gus Van Sant
Revenant sur le fait divers de la fusillade au lycée de Columbine, Van Sant en livre sa vision ultra poétisée, très éloignée de l’analyse politique ou sociologique de l’évènement. Adoptant tour à tour le point de vue des victimes et des bourreaux, il stylise la tuerie comme une longue chorégraphie somnambulique à coups de longs travelling langoureux. Rarement le Mal n’avaient paru aussi doux, sensuel, vénéneux, aussi inexplicable, et donc aussi brutal et effrayant. Le massacre est vu comme un trip où des ados américains tuent leurs semblables, ce qui fait toute la beauté visionnaire et dérangeante de ce film.
3) Will Hunting de Gus Van Sant
Et hop! deux Gus Van Sant pour le prix d’un. Logique, le cinéaste de Portland étant l’un des plus doués pour filmer la jeunesse. Will Hunting n’est pas strictement un campus movie, plutôt une réflexion sur la transmission réversible entre un adulte et un post-ado. Il n’est pas question ici de sexe et de frat parties mais de ce qui fait l’essence de l’université, le passage du savoir entre générations. Un des premiers grands rôles de Matt Damon, encore tout poupon.
4) Scream de Wes Craven
Inspiré des franchises telles que Vendredi 13, Freddy ou Halloween, Scream est l’un des meilleurs films du genre, croisant campus movie et slasher. Les personnages sont consistants, le suspens et l’angoisse sont tenus du début à la fin et les références esthétiques sont sophistiquées, d’Hitchcock au peintre Edward Munch (le masque du tueur est copié sur le célèbre tableau, Le Cri). Les proies sont de belles et beaux étudiants, dans la lignée des contes ancestraux où les enfants sont particulièrement recherchés par des ogres qui « aiment la chair fraîche ». Toute ressemblance allégorique avec l’univers hollywoodien n’est bien sûr pas que pure coïncidence.
5) Les lois de l’attraction de Roger Avary
Adapté du roman de Bret Easton Ellis, ce film de l’ex-grand pote de Tarantino dépeint la vie de campus pour ce qu’elle en grande partie : un immense baisodrome. Passer de l’adolescence à l’âge adulte, c’est notamment découvrir le sexe, définir sa propre sexualité, jouer le grand jeu de la séduction et répondre aux « lois de l’attraction ». Cette morale de la jeunesse, très éloignée de la conjugalité sage régissant la société, est filmée par Avary avec beaucoup d’énergie et de sensualisme.
6) Damsels in distress de Whit Stillman
Le campus en version féminine, bourgeoise, wasp, “ivy league”. Dans ce film très finement et richement dialogué, les héroïnes tentent d’échapper à la mélancolie. Entre Rohmer et Woody Allen, une vision évidemment beaucoup plus délicate et sophistiquée que les potacheries à la American pie.
7) Kaboom de Gregg Araki
Cinéaste pop et punk, Araki filme avec appétit la vie de campus, ses beaux jeunes gens, ses expériences sexuelles, son hédonisme et enjolive le tout de couleurs bien pétantes, Almodovar’s style. Il fait aussi basculer ce genre vers d’autres genres comme le fantastique et l’horreur, faisant de Kaboom une dragée au poivre, un bonbon acide explosant de saveurs pop et rock.
8) Social network de David Fincher
Excellent biopic consacré à Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, le film rappelle que cette aventure technologique et capitaliste est née dans un campus et que son déclencheur fut une situation typique de la vie universitaire – en l’occurrence, une histoire de cœur (ou de cul). Jaloux de la fille qui vient de le larguer, Zuckerberg créé un site interactif pour élire la fille la plus sexy du campus. Et Facebook fut ! Le film montre les liens consanguins entre créativité capitaliste et université, à tel point que les sièges de ces nouvelles multinationales s’apparentent à des campus, comme le désormais fameux Google Campus.
9) Spring breakers de Harmony Korine
Le “spring break” (en vf, les vacances de printemps) est un ritual immutable de la vie de campus, le moment où les étudiants de toute l’Amérique émigrent vers les plages ensoleillées de Floride pour se lâcher avant les examens finaux. Sexe, drogues, alcools et rock’n’roll (ou rap) sont au programme de ces TP festifs. Harmony Korine s’est emparé de ce matériau pour en faire un trip pop inspiré, éclatant de couleurs, d’énergie et de sensualité, mais également infusé de noirceur anxiogène et d’une légère dose de commentaire social.
10) Une jeunesse chinoise de Lou Ye
https://www.youtube.com/watch?v=HiJDGDtuDGQ
Le campus movie n’est pas uniquement américain. Pour preuve, cette déclinaison chinoise, beaucoup moins potache et plus grave que les fleurons anglo-saxons du genre. On y suit l’histoire d’amour retorse entre un étudiant et une étudiante ainsi que les soulèvements politiques réclamant plus de liberté et de démocratie, dans un mix sensible entre l’intimisme et le grand vent de l’histoire.
11) Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) de Arnaud Desplechin
https://www.youtube.com/watch?v=4bfcMPyEIec
Le campus movie en vf. Comme on est ici en France, et particulièrement à Paris, il n’y a pas de campus stricto sensu mais une vie universitaire disséminée dans la ville et ses environs (de la Sorbonne à Nanterre), ses apparts et cafés. Plutôt qu’aux étudiants, Desplechin s’intéresse surtout aux profs, thésards, chargés de TD, à leurs rivalités amoureuses et professionnelles. Cet écosystème sorbonnard peut sembler à première vue très éloigné de Spring break, Scream ou autres Kaboom et pourtant, le film est imprégné de dialogues cul et de désir sexuel, alors que les règlements de comptes entre universitaires peuvent s’avérer presqu’aussi violents qu’un gunfight ou un coup de lame, même si les blessures infligées sont affectives et psychologiques plutôt que physiques.
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