Luc Moullet, terre de contrastes : les courts et moyens métrages de ce facteur Cheval du cinéma sont tous au rendez-vous du Festival de Pantin. Luc Moullet décourage la critique. Il tourne à tort et à travers et quand ça lui chante des films courts, moyens, longs. Allez vous y retrouver ! Luc Moullet, sa […]
Luc Moullet, terre de contrastes : les courts et moyens métrages de ce facteur Cheval du cinéma sont tous au rendez-vous du Festival de Pantin.
Luc Moullet décourage la critique. Il tourne à tort et à travers et quand ça lui chante des films courts, moyens, longs. Allez vous y retrouver ! Luc Moullet, sa vie, son uvre, ça ne sera pas encore pour cette fois. De toute façon, il s’en charge très bien lui-même. Donc, le festival Côté court célèbre les formats réduits de la filmographie moullettienne. Cette partie conséquente est essentiellement constituée de documentaires comiques. Pas toujours très drôles pour leurs calembours vaseux (« J’essuie (la vaisselle) donc je pense »), mais parfois inquiétants par leur jusqu’au-boutisme absurde. Moullet est à la fois la star, le laborantin et le cobaye de ses expériences. Il dit les commentaires et paie de sa personne dans les situations périlleuses où il se plonge masochistement.
Ses courts métrages sont en général des monographies, des micro-explorations raisonnées d’une topique. Barres : les portillons du métro. L’Empire de Médor : les chiens. Essai d’ouverture : la bouteille de Coca-Cola. Imphy, capitale de la France : la capitale en question. La Cabale des oursins : les terrils. Toujours plus : les hypermarchés. Etc.
On pourrait dire que Moullet est un flic du réel si dans Barres il ne répertoriait toutes les façons de frauder dans le métro ; on pourrait le taxer de taxinomiste dérangé ou de réac de gauche s’il ne composait dans La Cabale des oursins une ode infiniment poétique aux montagnes noires du Nord charbonnier (ne vante-t-il pas « la sveltesse mozartienne » de son terril préféré ?). Tantôt, il est follement rationnel, comme dans Toujours plus, radiographie perçante, digne d’une thèse de sociosémiologie, des grands centres de la distribution ; une étude de marketing consumériste digne du Capital. Tantôt il est franchement irrationnel, de mauvaise foi, fou dangereux, comme dans Essai d’ouverture où il échafaude les façons les plus dingues de dévisser le bouchon d’une bouteille de Coca.
C’est dans cette obstination que Moullet est grand, l’égal des surréalistes, prêt à souffrir pour les besoins de sa démonstration de Géo Trouverien (il fait bouillir le Coca, le gèle, brûle le capuchon au chalumeau, mange du verre, se coupe).
Mais je n’ai pas parlé des touches décalées qui font le charme des courts de Moullet et les rendent aériens et magiques : les ailerons de la capsule de Coca comparés à la moustache de Dali, les couves de Positif (?!) dans l’enquête sur les supermarchés, la photo de vache sacrée (?!) dans le réquisitoire anti-chiens-chiens. Tout cela participe de la pseudo-logique de cet anar sentencieux qui semble avoir décidé de détourner les docuculs lénifiants qui minaient sa jeunesse cinéphile.