Projeté au 78e Festival international du film de Venise en 2021, le film de Peter Kerekes nous plonge dans le quotidien d’une prison pour femmes en Ukraine.
Cinéaste venu du documentaire, Peter Kerekes tient le début de son film sur un fil. Un jeu d’équilibriste qui brouille les pistes et dans lequel la caméra exhibe volontiers la porosité entre le réel et la fiction, quitte à imiter de manière assez scolaire une grammaire habituellement associée au documentaire (fixité des cadres, étirement des scènes, image teintée d’une gris pastel).
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De ce tissage entre fiction et documentaire, 107 Mothers n’en sort pas vraiment vainqueur dans sa première moitié. Censé ramener de la vie, ces blocs de vérités sont rigidifiés par l’immobilité léthargique des cadres. Cette solennité forcée imprime une gravité écrasante dont le film aurait pu se passer. À trop vouloir préserver la vérité de ses scènes, le film de Kerekes manque d’un véritable souffle romanesque. Grâce aux outils de cette vérité falsificatrice qu’est le cinéma, il saisit avec une respectueuse distance la vie de l’établissement pénitentiaire, tout en étant incapable de le transfigurer et donc de l’élever au-delà de l’observation. Passé ce lent tâtonnement, le film trouve sa voie (hélas un peu tardivement pour pleinement nous emporter) lorsqu’un véritable personnage de cinéma naît devant la caméra : la gardienne de prison (Maryna Klimova), simultanément figure d’autorité et alliée (une double identité résumée dans une très belle scène où elle lit et éventuellement rature des lettres d’amour envoyées aux détenues).
Communauté de femmes
À elle seule, le visage de Klimova déploie et densifie le film en l’entraînant hors du programme annoncé. Se dresse par ses yeux, le portrait d’une communauté de femmes, complexe et attachante, qu’enfin les rayons du soleil pourront attendre. Et ce, jusqu’au très beau plan final en mouvement sur l’escalier d’Odessa, comme une retranscription gorgée d’espoir de la mythique scène du Cuirassé Potemkine. Le massacre et la guerre ont fait place à l’espoir. Une conclusion rayonnante censée agir comme un négatif du film d’Eisenstein, mais déjà cruellement rattrapé par le réel et l’invasion du sol ukrainien par la Russie en février dernier.
107 Mothers de Peter Kerekes avec Maryna Klimova, Iryna Kiryazeva – en salle le 14 septembre
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