BOF génération. La réédition de grands classiques hollywoodiens rend justice à cet art intensément suggestif. Comme n’importe quel adolescent, la musique de film a connu ce que les psychanalystes nomment le stade du miroir : un jour, elle s’est mise à se regarder le nombril. Elle a pris conscience qu’elle existait. Ce moment critique peut […]
BOF génération. La réédition de grands classiques hollywoodiens rend justice à cet art intensément suggestif.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Comme n’importe quel adolescent, la musique de film a connu ce que les psychanalystes nomment le stade du miroir : un jour, elle s’est mise à se regarder le nombril. Elle a pris conscience qu’elle existait. Ce moment critique peut être arbitrairement situé à l’époque où Elmer Bernstein a débarqué à Hollywood et a commencé à composer des musiques fondées sur son amour de maîtres tels Herrmann ou Waxman. Dès lors, à Hollywood, la musique est devenue un art instruit, doublé d’un objet d’étude : à cette époque naquit toute une génération de fans des gens un peu timbrés pour qui Mahler est un excellent musicien de film, presque aussi bon que John Williams , consommateurs assidus de BO dont la fringale n’allait cesser de croître et que diverses collections allaient venir abreuver. En 1974, Bernstein lui-même lançait sa fameuse série Filmmusic Collection qui allait faire date. L’année précédente, le producteur George Korngold avait entamé pour RCA une passionnante collection dont les jaquettes grises continuent d’orner la plupart des discothèques cinéphiles. Série à laquelle cette nouvelle collection RCA fait implicitement allégeance. Le principe est le même, et le bien-fondé de l’entreprise est d’autant plus avéré aujourd’hui que les compositeurs de LA (Horner, Isham et consorts) semblent avoir abandonné toute velléité de faire œuvre, au profit d’une production déliquescente dont Max Steiner n’aurait pu avoir l’idée dans ses pires cauchemars. Retour, donc, aux anciens, aux vétérans. Si une nouvelle version d’Ivan le Terrible ne s’imposait pas et si les musiques de Karl-Ernst Sasse pour Lubitsch se résument à un bric-à-brac de citations et de clins d’œil peu convaincant, le reste appartient de plein droit à l’histoire. Le Nosferatu d’Erdmann (« une symphonie de l’horreur ») vaut le détour, étant entendu que l’aspect symphonique de l’affaire l’emporte assez largement sur le caractère strictement horrifique. Le volume Tiomkin est assez glorieusement conforme à l’image de ce musicien épique, flamboyant, qui composait ses musiques de western comme des cantates, avec ouverture, airs, bataille et chœur final (Alamo) mais était aussi capable de perles prébarryennes comme l’inattendu Cyrano de Bergerac. Si vous êtes de ceux qui versaient une larme en entendant le générique de Cinémas, cinémas, l’album Waxman est pour vous la sublime partition d’A Place in the sun y figure en bonne place. Le disque, empli d’inédits (Hemingway, Sayonara), permet surtout de prendre la pleine mesure de ce musicien qui savait distiller une poésie trouble et utiliser les instruments de l’orchestre comme personne, si ce n’est Herrmann. Gage de qualité, la présence d’Elmer Bernstein au pupitre est aussi la preuve que, décidément, les créateurs d’Hollywood n’ont pas fini de se pencher amoureusement sur leur passé.
Dimitri Tiomkin, High noon, Cyrano de Bergerac, The Alamo, Days of Peking ; Franz Waxman Sayonara, Taras Bulba, A Place in the sun, Hemingway’s adventures of a young man ; Hans Erdmann Nosferatu ; Karl-Ernst Sasse The Lubitsch touch ; Sergei Prokofiev Ivan le Terrible (RCA « 100 years of film music »/BMG)
Jacques-Emmanuel Fousnaquer
{"type":"Banniere-Basse"}