Problème d’écriture, de direction d’acteurs, de montage et d’audace, 100 % cachemire de Valérie Lemercier affiche tous les stigmates de l’accident industriel.
1. Le sujet
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Aleksandra et Cyrille ont a priori tout pour être heureux. Elle est rédactrice en chef d’un magazine féminin, une sorte d’Anna Wintour française, aussi puissante que détestable ; lui est un galeriste célèbre. Ils sont épanouis, beaux, friqués, arrogants, et envisagent pour parfaire leur bonheur d’adopter l’enfant que la nature leur refuse depuis toujours. Seul problème : ils héritent malgré eux d’un vrai boulet, un gamin russe qui ne parle pas un mot de français, qui tire la tronche en permanence, casse la vaisselle et risque de mettre en péril le petit confort bourgeois du couple. Faudra-t-il que les deux happy few se débarrassent du gosse indésirable, ou qu’à l’inverse ils apprennent enfin les vertus de la tolérance ? C’est le dilemme 100 % prévisible de 100 % cachemire, le quatrième film incarné et réalisé par Valérie Lemercier, qui fait suite au beau succès de Palais royal !
2. Le souci
Voilà quelques mois déjà que la rumeur circulait : réécriture du scénario, projection-test désastreuse et remontage de dernière minute, tout semblait indiquer une sérieuse déconvenue. De fait, 100 % cachemire ressemble à un cas typique d’accident industriel : c’est un objet bizarre, informe, jamais sûr de son propos, lesté de nombreuses scories d’écriture et d’une direction d’acteurs nonchalante (Gilles Lellouche y mène toujours son œuvre de nuisance dans le cinéma français). Entre la comédie romantique, la fable et la satire publicitaire tendance Etienne Chatiliez, le film souffre surtout d’un manque de point de vue qui le fait naviguer d’une idée à l’autre dans un faux rythme mortel, épinglant ici le cynisme de son antihéroïne, moquant là le ridicule du petit peuple qu’elle tyrannise…
3. Le symptôme
100 % cachemire aurait pu, à la rigueur, tirer un certain bénéfice comique de l’antipathie que suscite son personnage de mère indigne, rire de sa morgue et de son racisme de classe (tous les petits employés sont à ses yeux des pantins grotesques). Il aurait pu creuser davantage la veine sale gosse de Valérie Lemercier, en faire une sorte de monstre burlesque incorrecte façon Jane Lynch (l’entraîneuse des cheerleaders de Glee), viser l’inconfort et la gêne. Mais ce pari de l’insolence était visiblement trop risqué pour l’actrice-réalisatrice, qui lui préfère les conventions normatives de la comédie populaire, réprimant ses élans de méchanceté par quelques bons sentiments, jusqu’à un finale œcuménique indigeste où tout le monde – vieux, jeunes, Français, étrangers, homos, hétéros – finit par s’enlacer sans trop y croire. C’est l’échec de Valérie Lemercier de n’avoir pas su exploiter ce qu’elle réussit le mieux : jouer la connasse.
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