Recension de la façon dont la sublime iguane du rock’n roll a traversé le cinéma sous des formes diverses : seconds roles inattendues, caméos incongrus, personnages de fiction inspirés par lui, et bien sûr ses chansons mythiques, avec ou sans les Stooges, utilisés sur les B.O
Dans Gimme Danger (sorti le 1er fevrier), Jim Jarmusch célèbre le plus grand groupe de rock, The Stooges. Son âme (damnée) fondatrice, l’unique survivant de la formation originelle, Iggy Pop, est un phœnix, mort et ressuscité de ses cendres de nombreuses fois, qui a connu les pires hauts et bas du métier de musicien, la drogue, la souffrance, la gloire. Sa carrière post-Stooges a subi d’intenses variations. Au cinéma, il a suivi la loi non écrite selon laquelle aucune pop star qui se respecte n’a eu une carrière d’acteur marquante (sauf Sinatra). Pas même le grand ami d’Iggy, David Bowie, qui a tout de même un peu mieux géré sa filmographie. Aucun rôle majeur pour Iggy, pas mal de nanars, mais aussi des caméos parfois savoureux. En restant très optimiste, on pense entrevoir un mieux grâce aux deux prochains projets de l’Iguane : Song to Song de Terrence Malick, où il n’est certes pas en tête d’affiche, et Sandman de Dario Argento où il devrait jouer un monstre cruel (si le film se fait). En attendant, faisons un petit tour dans la carrière hétérogène d’Iggy au cinéma et citons quelques emplois percutants de ses morceaux dans des films.
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Les Prédateurs de Tony Scott – 1983
Cette histoire de vampires moderne, premier film du petit frère de Ridley Scott, incarné par Catherine Deneuve et David Bowie, sorte de satire décadente du nightclubbing et de la branchitude années 1980, eut son petit impact à l’époque. Dans la scène citée en extrait, un jeune homme danse dans un sous-sol sur la chanson Funtime de Iggy Pop. Chose cocasse, il est attaqué par David Bowie, en prédateur à bout de souffle, qui était dans le civil le producteur et compositeur du morceau en question. On reconnaît sa voix dans les chœurs. Funtime est tiré du premier album solo de Pop qui marquera sa renaissance musicale, et dont le titre, The Idiot, a une tonalité dostoïevskienne qui lui va comme un gant.
Cry Baby de John Waters – 1990
Peut-être pas le meilleur film de Waters ni de Johnny Depp. Celui-ci joue le rôle principal de cette parodie rock’n’roll de Roméo et Juliette, où l’on découvre un Iggy Pop aux cheveux courts, qui incarne le beau-père (frappé) de Depp, nommé Belvédère. Dans l’extrait présenté, on le retrouve dans une étrange scène de nu, se frottant et se contorsionnant dans une bassine. La version présentée en espagnol ajoute à la cocasserie du contexte.
Dead Man de Jim Jarmusch – 1995
Le compagnonnage d’Iggy et Jarmusch débute avec cette participation du chanteur à l’étrange western du cinéaste, Dead Man, dont on se demande a posteriori s’il n’a pas donné des idées à Tarantino. Iggy y tient un rôle bref mais pour le moins biscornu, celui d’un travesti cannibale (style vieille femme à lorgnon), acoquiné(e) avec deux dingues de son espèce qui menacent Johnny Depp. Dans l’extrait choisi, Iggy flaire son futur repas avec une délicatesse comique dissimulant la sauvagerie sous-jacente du contexte.
https://www.youtube.com/watch?v=CctH0iAyqYs
The Crow : la cité des anges de Tim Pope – 1996
Dans le sequel de The Crow, où le Suisse Vincent Perez reprend le rôle titre créé par le fils de Bruce Lee, Brandon, absent pour cause d’assassinat, Iggy Pop joue le méchant Curve, avec une animosité qui ne lui ressemble pas vraiment. On peut le constater dans cet extrait, néanmoins remarquable parce que pour une fois le chanteur y dépasse le simple caméo.
Trainspotting de Danny Boyle – 1996
On pensera ce qu’on voudra de Danny Boyle – qui n’est certes pas notre cinéaste préféré –, mais sa scène d’ouverture de Trainspotting pulsée par Lust for Life d’Iggy Pop reste une magistrale et irrésistible fuite vers l’intérieur fracassé de cette entreprise de déglingue. Tellement réussi que Danny Boyle a repris la même chanson comme gimmick pavlovien, cette fois remixée par the Prodigy, dans son sequel T2 – Trainspotting, qui sort prochainement.
Velvet Goldmine de Todd Haynes – 1998
Hommage extrêmement sophistiqué au glam-rock, dont deux des personnages principaux sont des transpositions manifestes de David Bowie et Iggy Pop. Ce dernier, rebaptisé Curt Wild dans le film, est incarné par Ewan McGregor, qui se tire plutôt correctement de l’exercice, comme on le voit dans cette reprise enfiévrée de TV Eye des Stooges, qui bénéficie de la présence à la guitare solo d’un des créateurs du morceau, Ron Asheton.
https://www.youtube.com/watch?v=soL35GD04Gs
Star Trek – Deep Space Nine (série) – 1998
Qu’allait faire Iggy dans cette galère avec un déguisement aussi incongru ? Sans doute sa présence dans cette série est-elle due à son goût pour l’incongruité, qui est un de ses vices évidents. Mais il y a tout simplement le fait que le producteur de cette troisième série de Star Trek était un de ses fans. Toujours est-il qu’en jouant Yelgrun, émissaire plutôt cérébral et statique du peuple Vorta, affligé d’étranges protubérances sur les oreilles, le chanteur a un air de lémurien constipé.
Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch – 2003
Nouvelle collaboration avec Jarmusch pour un film à sketches où diverses célébrités du rock ou de Hollywood dialoguent à bâtons rompus, assises à une table, à propos des vertus et des inconvénients du café et des cigarettes, et autres sujets divers et variés. Aucun rôle de composition ici : Iggy Pop au naturel discute avec Tom Waits. Ils dévient vite sur leur sujet de prédilection : la musique.
La Vie aquatique de Wes Anderson – 2004
Sans doute la plus galvanisante utilisation de Search and Destroy des Stooges. Dans une séquence tintinesque mais efficace, Bill Murray alias Steve Zissou (personnage inspiré du Commandant Cousteau), prisonnier de pirates philippins, se libère de ses liens et part en peignoir bleu ciel dézinguer au pistolet ceux qui ont envahi son bateau.
Arthur : la guerre des deux mondes de Luc Besson – 2010
Iggy Pop prête sa voix au méchant Darkos, qui chante avec un groupe dans cette parodie de clip animée. Sans être un fan de Luc Besson, et sans même avoir vu sa trilogie Arthur et les Minimoys, reconnaissons que cette reprise outrée de Rebel Rebel de Bowie par Iggy Pop, qui clôt le troisième volet, ne manque pas d’humour.
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