La personne qui se cache derrière le faux Tinder des jeunes députés, c’est elle. On a rencontré la pro de la com’ Zoé Reyners.
Si vous avez cru, l’espace d’un instant, qu’il existait une nouvelle appli de dating pour députés, c’est grâce au buzz créé par la dernière invention de Zoé Reyners. Cette communicante a fait parler d’elle le mois dernier, quand elle a publié avec son équipe un site consacré aux députés célibataires, baptisé Nos 31 de moins de 31. Un joli coup pour cette cheffe d’entreprise, elle-même âgée de 31 ans, au CV impressionnant. Associée à Irakli Katchkatchishvili, elle est aujourd’hui à la tête de sa propre boîte de communication Katch & Reyners basée à Paris. Mais avant de poser ses valises dans la capitale, sa vie professionnelle a toujours été trépidante et sa jeune carrière est celle d’une “international working girl”.
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Après avoir été assistante de presse dans l’édition à Paris puis à Londres, elle devient à 21 ans coordinatrice d’évènements à New York pour le site du Fooding avant que sa carrière en Géorgie ne commence deux ans plus tard. Elle restera cinq ans dans ce pays, découvert par hasard après des vacances entre amis. “C’est l’un des voyages qui a le plus compté dans ma vie, j’y suis allée totalement par hasard pour aller voir des copains dont l’un de mes meilleurs amis, Raphaël Glucksmann, qui était à l’époque conseiller du président.” À ce moment-là, la jeune femme tombe littéralement amoureuse du pays.
“Pourquoi se sent-on concerné par ce qui se passe dans un pays? C’est lié aux images que ce pays peut nous évoquer.”
Elle commence a travailler pour le gouvernement par l’intermédiaire de Noé, une société de communication dont elle est à l’époque la directrice médias. Son but? Faire connaître la culture géorgienne à l’étranger. “Pourquoi se sent-on concerné par ce qui se passe dans un pays? C’est lié aux images que ce pays peut nous évoquer. La Grèce, par exemple, ça peut être la moussaka, des vacances en Grèce ou encore les petits villages blancs. C’est comme ça qu’on en vient à savoir que l’une des forces politiques en Grèce, c’est Syriza. Le problème de la Géorgie, c’est qu’il n’y a rien qui vient en tête quand on évoque ce pays. L’idée, c’était de créer ça.”
Instagram / @zoereyners
Cette technique de soft power commence rapidement à porter ses fruits, et c’est ainsi que l’ambassadeur américain de Géorgie la remarque et lui propose de venir faire la même chose à Washington. Elle devient donc conseillère médias et culture pour le gouvernement géorgien aux États-Unis et se fait par la suite naturaliser géorgienne. Une année et demie outre-Atlantique que Zoé Reyners ne risque pas d’oublier: “J’ai assisté à des rendez-vous avec des personnalités comme Donald Trump, Bill Clinton, George Bush ou le général Petraeus. C’était complètement dingue, mais j’étais tout à fait consciente que c’était l’année la plus hallucinante de ma vie”, raconte-t-elle. Lors de la campagne législative géorgienne de 2016, elle revêt sa casquette de consultante médias et coordonne les relations presse avec les correspondants basés à Tbilissi et Moscou; poste qu’elle occupe depuis Paris et Tbilissi. Les législatives perdues, le président Saakachvili part en exil à New York, elle devient son assistante et le suit aux États-Unis. Seulement, la révolution ukrainienne de 2014 le rappelle en Europe, et Zoé Reyners finira aussi par rentrer en France, suite à une offre de boulot dans son secteur, la communication, qui l’incite à revenir.
“On laisse beaucoup d’informations sur Internet, et très vite, elles ne nous appartiennent plus.”
De retour à Paris, elle lance ensuite plusieurs projets qui n’aboutissent pas et finit par créer sa propre entreprise de communication Katch & Reyners, celle-là même qui a mis en ligne le site Nos 31 de moins de 31. “C’était la canicule, on n’en pouvait plus, et on a décidé de faire quelque chose qui nous amusait parce qu’on n’arrivait plus à bosser sur quoi que ce soit”, explique-t-elle. Une écriture humoristique peut-être inspirée par son ex-compagnon Nicolas Bedos?, ose-t-on lui demander. “Je n’ai clairement pas le talent de Nicolas, par ailleurs je ne suis pas toute seule à avoir écrit les textes. Il est difficile de dire que mes écrits puissent éventuellement ressembler aux siens, ses écrits sont assez supérieurs”, rétorque-t-elle.
Ce Tinder des députés aura cependant permis de mettre en avant le navigateur Internet UR Browser, premier navigateur français qui protège les données de ses utilisateurs. Persuadée que la protection des données est un enjeu primordial sur Internet, Zoé Reyners a décidé d’apporter son aide à l’entreprise pour l’aider à se développer cette année. Tous les ans, elle choisit un projet auquel elle croit et l’aide à se développer gratuitement. Elle propose même de faire un lien entre ce projet et celui concernant les jeunes députés. “Le lien est un peu tiré par les cheveux mais ce navigateur protège les données, ce qui empêche de se faire traquer. On laisse beaucoup d’informations sur Internet, alors qu’il faut quand même faire attention parce que, très vite, elles ne nous appartiennent plus.” Un constat particulièrement vrai lorsqu’on est en passe de devenir député et que certains vieux dossiers refont surface. Une fois la canicule terminée et le buzz retombé, on a posé quelques questions à la très Cheek Zoé Reyners.
Comment a émergé l’idée du site Nos 31 de moins de 31?
Depuis les élections, toutes les boîtes de communication refont leurs fichiers concernant les députés, pour avoir une meilleur idée de qui compose l’Assemblée nationale actuelle. Chez nous, par exemple, on regarde très attentivement le groupe parlementaire France-Russie, parce que dernièrement, on a travaillé pour les anciens actionnaires de Ioukos dans leurs disputes avec la fédération de Russie. Le “mapping”, c’est assez barbant et pendant qu’on le faisait, on entendait plusieurs collaborateurs dans l’open space faire des remarques comme: “Oh! Il est mignon, lui” ou “Elle a l’air pas mal”. C’est parti comme ça. On s’est rendu compte qu’il y avait énormément de choses qui restaient sur Internet, notamment concernant des personnes arrivées en politique alors qu’elles ne s’y attendaient pas il y a quatre mois. Comme on le dit souvent: les communicants sont des journalistes frustrés. On voulait écrire, on s’est lancés.
Quelle a été la réaction des députés?
La plupart en ont rigolé. L’un d’entre eux, par exemple, m’a dit “non, c’est bon, j’ai trouvé un appart”, parce qu’on avait dit que c’était un Tanguy. Il y en a un autre qui nous a informés: “Mon coeur est déjà pris.”
L’info qui t’a le plus surprise?
Le père de l’une des députées, Aurore Bergé, est la voix française de Sylvester Stallone.
Penses-tu que des députés aussi jeunes auront un réel impact sur les décisions de l’Assemblée?
Très franchement, au début j’étais un peu inquiète, car on a quand même élu des gens qui vont écrire nos lois. La question que tous les communicants se posent, c’est de savoir si ces jeunes députés vont être plus facilement influençables ou plus intègres. Le raz-de-marée En Marche fait qu’on ne s’est pas du tout attaché aux personnalités de ceux qui ont été élus. Mais maintenant, je suis assez impressionnée par ce qui se passe à l’Assemblée. Il y a quand même un certain nombre de députés qui prennent les choses très sérieusement, avec un réel dynamisme. Cependant, la surreprésentation des entreprises de communication dans l’hémicycle m’interpelle. Beaucoup de députés sont d’anciens lobbyistes ou d’anciens communicants. Pour les agences de communication, c’est plus simple de toucher un député quand on l’a eu comme ancien salarié. J’espère qu’il y aura une vigilance par rapport à ce petit risque de conflit d’intérêt.
Et toi, tu aimerais travailler pour le gouvernement français?
J’adorerais, mais je ne pense pas qu’ils me le proposeront. En France, les effectifs du quai d’Orsay changent assez peu, et c’est ce domaine qui m’intéresse tout particulièrement. Mais évidemment, j’aurais adoré travailler sur la représentation de la France à l’étranger.
Propos recueillis par Samia Kidari
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