Ce documentaire intimiste suit la sortie de prison de Chelsea Manning, la lanceuse d’alerte américaine qui a divulgué des centaines de milliers de documents sur la guerre en Irak et en Afghanistan via la plateforme Wikileaks.
Diffusé sur Showtime aux États-Unis au 1er semestre 2019, XY Chelsea de Tim Travers Hawkins sort enfin dans les salles françaises. On vous donne trois bonnes raisons de voir ce film aussi esthétisant et atmosphérique, qu’instructif et militant.
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Pour suivre au plus près l’histoire d’une héroïne de notre temps
Janvier 2010: alors qu’elle est analyste du renseignement pour l’armée américaine pendant la guerre d’Irak, Chelsea Manning -née homme et encore appelée Bradley Manning à l’époque- rentre chez elle en permission et se retrouve seule, désoeuvrée dans une maison vide. La guerre a débuté en 2003 et elle se rend compte que la population américaine est désormais indifférente à ce conflit qui s’étire et continue pourtant de faire des milliers de morts. Pour réveiller les consciences, elle télécharge sur la plateforme Wikileaks plus de 750 000 documents confidentiels, dont certains témoignent des bavures de l’armée américaine. Balancée quelques mois plus tard par Adrian Lamo, un hacker auquel elle s’est confiée sur un chat en mai 2010, Chelsea Manning est arrêtée dans la foulée et condamnée à 35 ans de prison en août 2013, à l’âge de 26 ans. Finalement graciée par Barack Obama en 2017, elle sort de prison cette année-là. Le documentaire XY Chelsea suit les premiers pas depuis sept ans de la lanceuse d’alerte dans sa vie de femme libre, et les premiers pas dans sa vie de femme trans.
Pour célébrer la vérité de soi
Née Bradley Manning en 1987, Chelsea Manning a fait son coming out trans au lendemain de sa condamnation, ce qui ne l’a pas empêchée d’être placée en détention avec des hommes. En prison, elle passera son temps à tenter de faire valoir sa transidentité -plainte contre le Pentagone, grèves de la faim, tentatives de suicide…- et obtiendra finalement le droit de changer de prénom en 2014, l’autorisation de suivre un traitement hormonal en 2015 et celle de subir une chirurgie de réattribution sexuelle en 2016. Mais c’est véritablement à sa sortie de prison et, du coup, sous nos yeux, que Chelsea Manning complète sa transition. On la voit se métamorphoser de manière flagrante pendant cette heure et demie et aborder comme elle le peut une féminité très ritualisée: devant la caméra, elle apprend notamment à se maquiller, à penser à ses tenues et à la taille de ses décolletés pour les photos officielles. La question de la transidentité est abordée sans détour. Chelsea Manning explique par exemple le nombre disproportionné de personnes transgenres dans l’armée américaine: “Quand on a 20 ans et qu’on essaie de fuir ses problèmes d’identité, de se sentir viril·e, on s’engage pour se fondre dans le moule.” XY Chelsea montre une héroïne en quête de vérité pour le monde, mais aussi pour elle-même.
© Septième Factory
Parce que le documentaire trouve un écho dans l’actualité
Aux États-Unis, le film a reçu un accueil mitigé en raison de son côté esthétisant et de son incapacité à cerner Chelsea Manning, qui semble rester, au yeux du réalisateur, un personnage insaisissable. Qu’importe si le documentaire est un peu à côté de son sujet, l’actualité, ainsi qu’une BO superbe, dark et bruitiste signée Johnny Hostile et Jehnny Beth -respectivement producteur et leadeuse du groupe Savages-, donnent un excellent prétexte à son visionnage. Julian Assange, fondateur de Wikileaks, a été arrêté par les autorités britanniques en avril -il était réfugié depuis 2012 dans l’ambassade d’Équateur à Londres après avoir fait l’objet de poursuites en Suède pour viol-, et vient de comparaître devant le tribunal de Westminster en attendant une possible extradition vers les États-Unis. Chelsea Manning, quant à elle, est retournée en prison pour avoir refusé de témoigner dans l’enquête sur Julian Assange. Dans l’attente de sa libération en septembre 2020, elle continue de tweeter -très sporadiquement- de sa cellule.
Faustine Kopiejwski
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