La journaliste Amélie Vasseur et la photographe Chloé Maynard, toutes deux âgées de 23 ans, sont allées tester le woofing au Portugal. Durant trois semaines, ces deux jeunes femmes nous racontent leur immersion dans une ferme autogérée. Part 1.
Parisiennes de 23 ans, nous avons voulu expérimenter le woofing au Portugal. De plus en plus courant chez les jeunes voyageurs désirant s’immerger dans leur pays de destination, le woofing -le terme provient de l’acronyme WWOOF, soit World Wide Opportunities on Organic Farms– consiste à travailler bénévolement dans une ferme d’agriculture biologique en échange d’un hébergement. Notre choix s’est porté sur une ferme reculée et, par respect pour nos hôtes et leur idéologie, nous ne donnerons pas le nom du lieu et ne publierons pas de photos exposant la maison ou les gens qui y vivent.
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Voilà maintenant sept jours que nous sommes arrivées à la ferme et six que nous travaillons. Nous commençons tout juste à comprendre le fonctionnement de la communauté et à faire connaissance avec ses occupants. Cette ferme, perdue dans la forêt, est bien différente de ce que nous connaissions du Portugal. En effet, pour y accéder, il nous a fallu prendre plusieurs bus et faire du stop à plusieurs reprises avant que nos hôtes viennent enfin nous chercher en voiture.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Animés par l’envie de mener une vie autogérée et de se tenir éloignés de la ville, ces deux-là rejettent la société de consommation.
Sortant de son break anglais rouge, le compagnon de la femme avec laquelle nous avons échangé des mails avant notre arrivée est coiffé d’une crête jaune et chaussé de rangers abîmées. Ses bras dévoilent de nombreux tatouages. Une fois parvenues à la ferme, nous rencontrons leurs enfants, un garçon et une fille âgés respectivement de sept et cinq ans. La mère, dreadlocks rouges et visage orné de piercings, nous indique la caravane qui nous servira de chambre durant notre séjour: cette dernière est surnommée Zebra, à cause des rayures peintes sur le dessus.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Nous apprenons que ce couple de punks allemands s’est exilé au Portugal pour construire un endroit qui n’appartient qu’à lui et vivre selon ses propres règles. Cet immense terrain leur est loué en échange de leur production: pain, oeufs, fromages de chèvre et légumes. Animés par l’envie de mener une vie autogérée et de se tenir éloignés de la ville, ces deux-là rejettent la société de consommation. Six ans qu’ils habitent ici: ils y ont construit, de leurs propres mains, leur maison mais aussi des aires de jeux en bois pour les enfants, des toilettes sèches et un four à pain. Autour de ces lieux centraux se trouvent deux maisons supplémentaires -l’une est d’ailleurs vouée à la location-, une poignée de caravanes, un poulailler, des cochons, quelques lapins et des cochons d’Inde. Quant au potager, il est situé dans la vallée un peu plus loin.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Notre caravane ne possède ni eau, ni électricité. À l’intérieur, les habits laissés à l’abandon, ainsi que les draps poussiéreux, pourraient laisser croire à une désertion soudaine. Durant cette première semaine, nous avons appris à connaître les autres woofers -quatre Allemands, un Norvégien, un Danois, une Hollandaise et une Australienne- qui font, pour la plupart d’entre eux, du woofing pour la première fois. Leur objectif? Découvrir un nouveau mode de vie et au passage, fuir leur quotidien. Nous qui espérions apprendre des rudiments de portugais, nous parlons ici plutôt anglais.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
En une semaine, nous nous sommes essayées à tous les “jobs”. Réveillées vers sept heures, nous enfilons un jogging ou un legging un peu terreux et nous allons préparer le petit déjeuner qui nous permettra de tenir jusqu’à midi. Et ça, qu’il vente ou qu’il fasse 30 degrés. Quand nous restons à la propriété, nous devons, en vrac, faire la vaisselle, préparer le déjeuner pour la communauté, nettoyer la maison ou encore aller chercher du bois dans la forêt afin d’alimenter la cuisinière. Quand nous descendons au jardin, nous nous occupons des plantations ou bien nous escortons les “goals” tout au long de la journée. Après la première traite de la journée, ces petites chèvres doivent se dégourdir les pattes et se remplir la panse.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Les journées de travail s’achèvent aux alentours de 16 heures, avec parfois la traite des chèvres. À partir de ce moment-là, nous sommes libres de siester, de prendre une douche ou de faire un brin de toilette pour les plus téméraires -la seule douche étant extérieure et chauffée par le soleil. Ceux qui ont encore de l’énergie peuvent aller profiter de la terrasse (et du WiFi quand il fonctionne) du restaurant, le seul commerce du village le plus proche de la ferme, qui se situe à une vingtaine de minutes à pied. À 19 heures, nous partageons un dîner avec les autres woofers, avant de se répartir les tâches pour le lendemain, une bière à la main.
“En promenant les chèvres, Chloé s’est fait piquer par une abeille au visage et a constaté qu’elle était allergique quand sa joue a triplé de volume.”
Sales et fatiguées, voilà comment nous achevons cette première semaine. Notre première douche, nous l’avons prise quatre jours après notre arrivée: nos ongles sont noirs, nos cheveux gras, et de nombreuses piqûres et égratignures recouvrent nos corps. En promenant les chèvres, Chloé s’est fait piquer par une abeille au visage et a constaté qu’elle était allergique quand sa joue a triplé de volume.
© Chloé Maynard pour Cheek Magazine
Côté hygiène, alimentation et relations avec le monde extérieur, nos habitudes ont été bouleversées. Nous nous en sommes vite accommodées. Bref, ce changement radical est éprouvant mais enrichissant. Et pour le moment, la ville ne nous manque pas encore.
Amélie Vasseur
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