Dans Women’s Power: les nouveaux féminismes, la documentariste Charlotte Bienaimé part à la rencontre des féministes françaises. Toute la semaine sur France culture.
Après Nasawiyat, la série de portraits de jeunes militantes féministes du monde arabe qu’elle avait réalisée pour France Culture dès 2014, et le livre Féministes du monde arabe paru aux Arènes l’an passé, la documentariste Charlotte Bienaimé est de retour avec Women’s Power: les nouveaux féminismes.
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Cette passionnante série de documentaires radiophoniques, diffusée tous les jours à 9h depuis ce matin et jusqu’au vendredi 22 sur France Culture, souhaite faire “entendre les acquis et les enjeux d’avenir des luttes et des pensées féministes en cinq volets mêlant documentaires, analyses, archives et débats, au fil des thèmes qui traversent les rapports entre les hommes et les femmes (politique, travail, sexualité, colonialisme…).”
Au programme, cinq épisodes de près de deux heures chacun, pour partir à la rencontre de celles qui font les féminismes d’aujourd’hui en France, et s’immerger à leurs côtés. Explications avec Charlotte Bienaimé.
Quelle est l’idée de Women’s Power: les nouveaux féminismes?
C’est un peu le prolongement de Nasawiyat!, mes émissions de l’année dernière. La chaîne m’a proposé de faire une Grande Traversée (Ndlr: format d’émission estival de France Culture) et en discutant, j’ai suggéré de faire quelque chose sur le féminisme actuel en allant plus loin que des témoignages seuls, pour donner un peu d’ampleur à tout ça.
Il ne s’agit pas d’une émission sur “le féminisme” mais sur “les féminismes”. Pourquoi?
Depuis le départ, il fallait à mon sens que le mot soit employé au pluriel. Parce que j’ai le sentiment, après avoir travaillé longuement sur le sujet, qu’il n’y a pas “un” féminisme mais “des” féminismes -ce qui a d’ailleurs toujours été le cas. Le féminisme a toujours été traversé par des courants politiques, idéologiques ou sociaux différents. Le fil conducteur de la série, c’est de faire entendre la diversité du féminisme, la pluralité des voix, les oppositions.
© Femmes en lutte 93
En quoi les féminismes que tu as documentés sont-ils “nouveaux”?
Ils le sont d’une part par les thèmes. Je pense par exemple aux violences obstétricales: les jeunes féministes veulent se réapproprier la question de la maternité -une question délicate dans le mouvement féministe qui s’est beaucoup attaché à l’avortement. Il y a aussi le harcèlement de rue, qui, s’il existe depuis toujours, engendre beaucoup de mobilisations d’associations assez jeunes. Mais la nouveauté concerne les aussi les formes de lutte, via Internet et notamment Twitter, où militent par exemple les afro-féministes. Elles ont réussi à créer quelque chose grâce à ce réseau social, et pas dans des associations ou des mouvements politiques. Enfin, j’ai l’impression que la question qui rassemble beaucoup de jeunes féministes, c’est celle de l’intersectionnalité: les questions de classes, de races, de genres, de sexualités… C’est un terme qui se situe au cœur des débats actuels. C’est pour moi la grande nouveauté et le grand clivage avec les anciennes générations.
Quels sont les temps forts des émissions?
Il y a une jeune femme qui témoigne de son viol dans la troisième émission et c’est absolument bouleversant. Elle n’est pas du tout dans la victimisation, elle analyse tout ça avec son approche féministe, questionne ce qui est ancré en nous, les comportements des hommes et des femmes… Et puis dans la deuxième émission, on parle de violences obstétricales et c’est quelque chose qu’on n’entend jamais: la sur-médicalisation des accouchements, les rapports aux gynécologues tout au long de la vie… J’ai l’impression que c’est très éclairant parce qu’on le vit toutes et, une fois que c’est formulé, on se rend compte que beaucoup de choses ne sont pas normales. C’est très révélateur de là où on en est sur l’appropriation du corps des femmes. Enfin, la dernière émission sur le féminisme post-colonial donne la parole aux afro-féministes: il faut absolument les écouter!
Comment se portent les féminismes en 2016? Quel est ton sentiment après être allée sur le terrain?
Il y a beaucoup d’énergie, d’espoir. On sent qu’il y a un renouveau. Dans la première émission, j’ai demandé à L’historienne Michelle Perrot ce qu’elle pensait des féminismes actuels et elle m’a dit: “Après un creux de la vague, j’ai l’impression qu’il y quelque chose qui se passe”. C’est tout à fait ça.
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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