Le groupe punk canadien White Lung vient de sortir son nouvel album, Deep Fantasy. Emmené par la grande gueule Mish Way, chanteuse et journaliste, le groupe était de passage à Paris en mai. Rencontre.
Le bruit et la fureur: rarement, depuis le roman de Faulkner, ces deux termes avaient-ils aussi bien cohabité. En provenance de Vancouver, les quatre White Lung forment le groupe le plus tapageur entendu depuis des lustres. Batterie véloce, guitares hurlantes et cris de sauvageonne à l’appui, ils ressuscitent le grunge et le punk des années 90 avec l’énergie d’une moissonneuse-batteuse. Derrière le micro, Mish Way, grande gueule peroxydée qui ne mâche pas ses mots -non, elle les broie-, assure avec autant de verve le job de leadeuse que celui de journaliste -côté écriture, on lui doit notamment Je baise donc je suis (I fuck, therefore I am), excellente contribution dans Vice, qui mériterait d’être traduite dans toutes les langues. Pour la sortie de Deep Fantasy, troisième album du quatuor, mais tout premier à être signé sur l’exigent label Domino (Arctic Monkeys, Franz Ferdinand…), on a soumis Mish Way à une interview “Courtney Love ou Lester Bangs?”, histoire de voir si elle connaissait autant les adages de la diva grunge que du célèbre rock critic. Anne-Marie Vassiliou (batteuse) et Kenneth Williams (guitariste, alias Kenny), lui donnent un petit coup de main pour trouver quelle citation émane de qui.
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“Je veux que toutes les filles du monde prennent une guitare et se mettent à crier.”
Mish Way: Ça, c’est de Courtney Love! C’est une citation connue, je me rappelle l’avoir lue dans des tas de magazines. Hole a été l’un des premiers groupes que j’ai vraiment aimés. Parmi la quantité de super groupes de l’époque, c’était le meilleur. Ça jouait fort, vite, c’était agressif et intelligent à la fois, entraînant et sauvage, bref, tout ce que le rock devrait toujours être. On a vu Courtney Love sur scène l’année dernière, sa voix est toujours aussi puissante, c’est impressionnant. Je me demande comment elle fait pour hurler comme ça tout en continuant à fumer comme un pompier.
“En tant que journaliste, j’expose publiquement certaines choses très personnelles, mais dans ce cadre, c’est moi qui fixe les règles.”
“J’ai pris des drogues mais ne le dites à personne, ça ruinerait mon image.”
MW: Courtney Love, non? Ce sarcasme lui ressemble. La semaine dernière, on a été interviewés par Rolling Stone et pour la première fois, j’ai refusé de répondre à une question, qui concernait justement l’usage de drogues. J’ai déjà écrit ce que j’avais à dire à ce sujet, il suffit de chercher sur Google, c’est partout sur le Web. En tant que journaliste, j’expose publiquement certaines choses très personnelles, mais dans ce cadre, c’est moi qui fixe les règles: j’écris l’article, je décide ce que j’y mets et jusqu’où je vais. Quand quelqu’un essaie de t’emmener sur un terrain où tu ne veux pas aller, c’est très différent.
“Rien ne meurt vraiment jamais. Les choses reviennent sous une différente forme.”
MW: C’est de Lester Bangs. Avec White Lung, on ne ressuscite pas le grunge ou le punk hardcore à proprement parler. Ce sont en partie nos influences, mais notre musique est un mélange de tout ça. Rendre hommage à nos aînés tout en produisant quelque chose de nouveau, c’est ça qu’on essaie de faire.
© Piper Ferguson
“La première erreur est de considérer l’art comme quelque chose de sérieux.”
Anne-Marie Vassiliou: Lester Bangs!
Kenneth Williams: On aborde notre musique avec beaucoup de sérieux, mais on n’a aucune prétention à son propos. C’est complètement irresponsable de penser l’art en tant que carrière, car le vent tourne tellement vite.
MW: Au départ, jouer dans un groupe, c’est une impulsion, une envie, une irrésistible attirance. Quand ça commence à marcher un peu, à se professionnaliser, tu es d’abord étonnée, puis tu laisses les choses progresser pas à pas. Pour le plan de carrière en amont, tu oublies.
“Je ne veux pas jouer les divas mais, parfois, tu te réveilles et tu es Barbra Streisand.”
MW: Courtney bien sûr, cette citation est géniale. Moi, j’ai toujours adoré chanter, même si en live, ce que tu ressens dépend beaucoup du public et de la façon dont il te reçoit. En tout cas, il y a quelque chose d’étrange à penser que ce qu’on aime, c’est de se tenir devant des gens. On se demande un peu ce qui ne tourne pas rond chez soi.
“Certaines personnes craignent encore le mot ‘féminisme’, car elles le comprennent de travers.”
“Je préférerais toujours jouer avec des femmes et traîner avec des femmes, et je suis clairement féministe.”
MW: On dirait une citation de Kenny! (Rires.) Mais bien sûr, c’est Courtney. Certaines personnes craignent encore le mot “féminisme”, car elles le comprennent de travers. Perpétuer l’idée que ce mot possède une connotation négative, c’est complètement débile. Ça ne fait qu’alimenter le cercle vicieux. Alors, certes, les lignes bougent un peu. Mais il y a encore du chemin à faire. Il y a deux ans, Katy Perry a été sacrée Femme de l’année aux Billboard Awards et elle a décrété un truc du genre: “Je crois aux femmes fortes, mais je ne suis pas féministe.” C’est vraiment absurde de dire quelque chose comme ça, ça fait plus de mal que de ne rien dire du tout! Mais bon, Katy Perry est un peu bébête, de toute façon.
“J’écris publiquement sur ma vie sexuelle, car ma vie sexuelle est importante à mes yeux.”
MW: Ah ça, c’est de moi! (Rires.) C’est extrait de l’article Je baise donc je suis, que j’ai écrit dans Vice. Je ne savais pas trop où le publier et j’ai pas mal hésité avant de le faire. Quand je l’ai proposé à Vice, ils étaient évidemment super partants. Je savais qu’ils ne changeraient pas un mot de ce que j’avais écrit et n’essaieraient pas de dénaturer mes propos donc, j’y suis allée. Et je ne le regrette pas.
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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