Au Mexique, la ville frontalière des États-Unis ne se résume plus seulement à son statut de capitale du crime et de carrefour de la drogue: sa jeunesse est en train de faire émerger une avant-garde prometteuse. Reportage en images.
En France, on ne connaît de Tijuana, ville frontière entre le Mexique et la Californie, que les paroles de la chanson de Manu Chao qui en réduisaient les vertus à “Tequila, sexo y marijuana”. Aux États-Unis, son image n’est pas tellement plus reluisante puisqu’elle est une destination de beuverie bon marché pour les Californiens de moins de 21 ans interdits d’alcool, qui franchissent la frontière le temps d’un week-end ou d’un springbreak à TJ (prononcez Teejay) et se lâchent dans ce pays qui n’est pas le leur.
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Pourtant, quand on quitte les artères de la Zona Norte, aussi appelée Red Light District (ou règnent la prostitution et les trafics en tout genre, frontière oblige), certains signes ne trompent pas: Tijuana, de par sa position géographique unique, est en train de se construire une identité et une culture, à cheval entre l’Amérique du Nord et du Sud.
Chaque jour, la “linea” est franchie dans les deux sens par des centaines de milliers de personnes.
Ni complètement “gringa” ni 100% mexicaine, Tijuana est une ville de passage qui abrite aussi bien les candidats au rêve américain que ceux qui en ont été recalés, où cohabitent la main d’œuvre mexicaine bon marché de Californie -San Diego est à 29 kilomètres- et les retraités américains fuyant la vie chère. Une ville où l’on peut partout régler son café en pesos comme en dollars. Si on y trouve des médicaments ainsi que des soins et des services qui ne coûtent rien, c’est à San Ysidro, du côté américain de la frontière, qu’on achète ses vêtements: les outlets de toutes les grandes marques y bradent leurs produits.
Chaque jour, donc, la “linea” est franchie dans les deux sens par des centaines de milliers de personnes, qui forment la communauté des “transfronterizos” vivant entre les deux Californie (la région de Tijuana s’appelle Baja California). De fait, c’est la frontière la plus traversée au monde. Est-ce cette porosité entre deux mondes n’ayant rien à voir qui insuffle à Tijuana cette énergie si particulière? Depuis quelques années émerge une scène alternative, bien décidée à rester au Mexique ou à y émigrer -comme Derrick Chinn, cet Américain qui a monté un circuit touristique hors des sentiers battus, pour participer à quelque chose de nouveau et d’encore balbutiant. Welcome to Tijuana.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
À 27 ans, Paola Villaseñor alias La Panca est l’une des personnalités de Tijuana. Cette street artist native de San Diego aux États-Unis, fille d’immigrés mexicains, a choisi de se rapprocher de ses racines en s’installant de l’autre côté de la frontière pour trouver l’inspiration. Un pari gagnant puisqu’elle vit aujourd’hui de son art et qu’elle incarne la génération du changement à Tijuana. Elle rêve de connaître Berlin, à laquelle on compare souvent sa ville en pleine ébullition.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Même le street art se réapproprie Frida Kahlo, la Mexicaine la mieux connue des étrangers. Fresques mais aussi mugs, magnets et porte-clés sont à son effigie partout dans la ville.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Qui a dit que Tijuana se résumait à l’Avenida Revolución et ses bars à tequila? Un peu plus loin, dans la Zona Rio, Le CECUT, le centre culturel de Tijuana, abrite expos et salles de cinéma.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Les hipsters de Tijuana sortent à la Mezcaleria, un bar à mezcal proche du quartier touristique mais seulement connu des initiés. Ici, point de mariachis, ni de Ricky Martin dans la bande-son: DJ et rock indé constituent la seule programmation musicale. Tijuana a d’ailleurs donné naissance à un groupe qui monte: Nortec Collective fait partie des fiertés qui s’exportent hors des frontières du Mexique.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Des créateurs locaux ont lancé leur marque, à l’instar de Mexican Fashion, qui propose des vêtements fabriqués dans la région et qui revendique sa provenance de Baja California, en l’imprimant sur une partie des pièces.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Longtemps à l’abandon, les galeries du centre-ville, cachées entre les grandes artères touristiques telles que l’Avenida Revolución et l’Avenida Constitución, sont réinvesties par des galeries et des boutiques.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Le design et l’architecture sont au cœur de plusieurs expositions récentes. L’expo Art Baja a été organisée en 2013 par un galeriste de Los Angeles qui souhaitait créer des ponts entre certains artistes mexicains et d’autres californiens.
© Myriam Levain / Cheek Magazine
Les “murales” (fresques) sont omniprésents dans la culture mexicaine. Pas étonnant, donc, qu’on trouve du street art un peu partout dans Tijuana.
Myriam Levain
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