Tout au long de l’année, l’artiste Safia Bahmed-Schwartz part à la rencontre de ses pairs pour tenter de définir ce qu’est l’art.
Paul Hamy est Julien, l’amoureux de Sara Forestier dans Suzanne, film magnifique qui raconte le destin hors du commun d’une jeune fille comme les autres. Pré-nominé aux César 2014 pour ce rôle, je l’ai rencontré pour qu’il me parle de cinéma, d’art, et de lui.
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Qui es-tu?
Paul Hamy, 32 ans, designer de personnages avec tout ses défauts.
Julien, c’est ton premier rôle en tant que personnage principal?
Ce n’est pas un personnage principal, c’est un personnage important, dans un film tous les personnages doivent être importants. Dans Elle s’en va, j’ai pris mon rôle très au sérieux, et j’ai l’impression qu’il a beaucoup d’impact dans le film, au moins visuellement. Je n’ai pas encore eu de premier rôle mais je n’ai pas hâte, j’ai des propositions mais je n’ai pas le désir d’en obtenir un.
Pourquoi tu n’as pas ce désir de premier rôle?
Car un premier rôle, c’est comme un second, en fait. Faire un film, c’est un travail d’équipe, qu’il réussisse ne tient pas à toi. Vouloir un premier rôle absolument, c’est avoir un esprit business. Évidemment qu’un jour j’ai envie d’en avoir un, mais ce n’est pas un but, c’est sur le chemin des choses.
Pourquoi tu as dit oui pour le rôle de Julien?
Parce que je voulais faire du cinéma, je voulais essayer, c’était une rencontre extraordinaire. J’adore la caméra, je tourne depuis que j’ai 24 ans dans des courts métrages et dans des pubs, j’ai toujours rêvé de ça. Katell Quilléveré a fait un premier film (ndlr: Un Poison violent) plein de potentiel, plein d’humanité, mais pas du tout grand public. Suzanne, le film au travers duquel je l’ai rencontrée, en est la continuité. Elle est tellement forte. Elle nous a laissé vivre dans son film, c’est une super directrice d’acteurs.
© Sarah Rende / DR
Tu t’es retrouvé dans Julien?
Bien sûr. Julien, je le vois comme un gars qui n’a pas eu la chance que j’ai eue: celle d’avoir le Louvre ou Montmartre à proximité, de voyager dans le monde entier, d’avoir la double nationalité franco-américaine comme moi, etc. Mais au-delà de ça, on est tous des hommes, on a tous un cœur, on vit tous les choses de la même manière, mais dans des situations différentes. Julien, il avance, il fait comme il peut, il tombe amoureux. Et avec cette femme, Suzanne, qui le suit aveuglement, ils vivent quelque chose qui est plus fort. Je pense que c’est l’amour qui le sauve, et sa douceur. On le déteste, mais on l’aime malgré tout. Je voulais qu’on comprenne que Suzanne suive ce mec.
Avec moins de chance, tu aurais pu être Julien?
On peut tout être: Julien, Oussama, Obama… Certaines personnes sont des rescapés.
“Après le film avec Katell, je me suis dit que je n’allais travailler qu’avec des femmes.”
À l’écran comme à la ville, tu es entouré de beaucoup de femmes. Tu aimes ça?
J’ai la chance de travailler avec des gens avec lesquels je m’entends, comme si on se connaissait depuis longtemps. C’est fabuleux, simple, doux, énergique. Après le film avec Katell, je me suis dit que je n’allais travailler qu’avec des femmes parce que dans la vie comme dans le travail, il y a une part de séduction et une approche presque complémentaire des choses, il n’y a pas de confrontation. La complémentarité qu’elles ont à offrir, c’est tout l’univers, elles te laissent vivre le moment présent mais elles vont encore plus loin, plus profondément dans les choses, c’est super agréable. J’aime le point de vue de la féminité, on vit à une époque où on met la femme en avant, c’est bien, échangeons un peu. De toute façon, les hommes sont des fainéants. (Rires.)
Tu es aussi artiste, tu fais quoi exactement?
De la sculpture, sous différentes formes. C’est un joli rêve, qui demande beaucoup de travail, que je mets de côté en ce moment, parce que l’art est quelque chose de tellement obsédant que je ne peux pas faire deux choses en même temps.
C’est quoi l’art pour toi?
Un gouffre.
Et le cinéma?
Une grosse illusion, une énorme force de propagande.
Propos recueillis par Safia Bahmed-Schwartz
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