En France, la vasectomie ne rencontre pas un franc succès. Entre automatisme de la pilule contraceptive, confusion entre infertilité et perte d’attributs virils ou crainte de son côté définitif, les obstacles à sa démocratisation sont nombreux. Ne serait-il pas temps de briser les clichés tenaces et de voir en la vasectomie une méthode attractive aux multiples avantages pour les femmes?
Faites le test: abordez le sujet de la vasectomie auprès des hommes de votre entourage et vous serez généralement confronté·e à des mines crispées, ne souhaitant pas s’attarder sur la question. Quelles sont les raisons d’une telle réaction? “Un défaut de connaissance, avance Lucie, 34 ans, mariée à un homme vasectomisé. Certains s’imaginent que ça impacterait négativement leur virilité, leur performance.” Pourtant, cet acte de stérilisation a pour seul et unique but de couper le passage des spermatozoïdes dans le sperme. Les hormones ne sont pas impactées et l’opération ne modifie ni le désir sexuel, ni la capacité érectile, comme l’indique Pierre Nevoux, chirurgien urologue de la Clinique urologique de Nantes. Lors de ses consultations, il tient toujours à informer ses patients qu’il est possible de faire une autoconservation du sperme avant opération, si jamais ceux-ci changent d’avis et souhaitent à nouveau procréer.
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Mieux informer pour dépasser les clichés
Le mari de Lucie, Michael, 35 ans, a réalisé une vasectomie en avril 2019. D’origine britannique, il connaissait cette méthode parce que son père et son frère y avaient eu recours avant lui. “La vasectomie est beaucoup plus démocratisée dans les pays anglo-saxons, où environ 20% des hommes en âge de procréer sont vasectomisés”, explique Daniel Aptekier, membre de l’Association pour la Recherche et le Développement de la Contraception Masculine (ARDECOM). Au Royaume-Uni, les généralistes sont tenus d’informer leurs patients de toutes les méthodes existantes, féminines et masculines. A contrario, en France, “on n’en entend pas parler”, note Michael. À tel point qu’il a envisagé pendant un temps de se rendre au Royaume-Uni pour se faire opérer, pensant que sa demande de vasectomie serait refusée par les médecins français. En France, seuls 9 240 hommes se sont tournés vers ce moyen contraceptif en 2018, selon les chiffres de l’Assurance maladie, rapportés par Libération.
“La vasectomie est considérée comme la contraception la moins chère, la plus efficace et celle qui comporte le moins de risques.”
Pourtant, rien de plus simple. Contrairement aux stérilisations féminines, qui sont des opérations lourdes et onéreuses, la vasectomie est “un geste chirurgical excessivement simple et rapide”, selon Daniel Aptekier. “Deux incisions de deux centimètres, réalisées sous anesthésie locale ou générale” décrit le Dr Nevoux, puis quelques jours d’abstinence. “La vasectomie est considérée comme la contraception la moins chère, la plus efficace et celle qui comporte le moins de risques”, poursuit Daniel Aptekier. Toutefois, l’accès à cette méthode est très irrégulier sur le territoire. Si elle est légalisée depuis 2001, certains urologues sont encore réticents à pratiquer la stérilisation masculine, notamment quand la personne est jeune et sans enfant. Mais pas que… Lors de la première consultation, Agnès, 43 ans, a choisi d’accompagner son mari. “Je n’avais plus envie d’assumer la contraception et nous avions fait le choix de la vasectomie. On y allait sans peur et pourtant, au cours de la consultation, l’urologue a été odieux en me disant ‘vous allez bientôt être ménopausée donc est-ce bien nécessaire?’ J’ai ressenti ça comme une grande violence.”
Un outil d’égalité au sein des couples hétérosexuels
“Les professionnel·le·s de santé touchent plus facilement au corps des femmes qu’au corps des hommes”, déplore Daniel Aptekier. Par ailleurs, la question contraceptive est devenue, depuis la fin des années 60, du ressort quasi exclusif (à l’exception du préservatif) des femmes, en accord avec leur médecin ou gynécologue. Des schémas dépassés, qu’ARDECOM souhaite bousculer: “Pour nous, la contraception masculine est un outil de l’égalité femmes-hommes. On souhaite que les hommes se considèrent comme partie prenante de la contraception et que chacun·e puisse choisir la méthode qui lui convient”, explique Daniel Aptekier.
“Je l’ai fait par amour pour mon ex-conjointe, qui supportait mal la pilule.”
Selon Libération, le nombre de personnes ayant eu recours à une vasectomie en France a été multiplié par cinq entre 2010 et 2018. Une augmentation constante dont est évidemment témoin le Dr Nevoux, qui réalise de plus en plus de vasectomies à la clinique. Cette progression peut également être corrélée avec les récentes mises en garde contre les effets secondaires inquiétants des contraceptifs hormonaux féminins. Ce fut l’une des motivations d’Olivier, 56 ans. Il a réalisé l’opération en 2008, car sa compagne d’alors ne supportait plus aucun moyen de contraception. Idem pour Mickael, 47 ans. “J’ai eu recours à une vasectomie il y a quatre ans, juste après la naissance de ma fille. Je l’ai fait par amour pour mon ex-conjointe, qui supportait mal la pilule. Ça la rendait régulièrement nauséeuse et lui donnait des maux de tête.”
Les femmes interviewées sont d’ailleurs unanimes. Elles perçoivent la vasectomie comme un cadeau de la part de leurs compagnons. Un moyen de se décharger de cette responsabilité liée à une relation hétérosexuelle et d’acquérir une tranquillité dans leur sexualité à deux, sans risque de procréer. De quoi libérer les esprits… et les corps.
Anne-Marie Kraus
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