Etudiant, acteur, réalisateur, écrivain… A force d’être sur tous les fronts, James Franco agace par son arrogance et son omniprésence. As I Lay Dying, son nouveau film en tant que réalisateur, pourrait bien nous donner une raison supplémentaire de le détester.
On connaît tous quelqu’un qui nous a donné suffisamment de raisons de le détester pour qu’on puisse le faire en toute impunité. Prenons James Franco par exemple: en l’espace de deux ou trois ans, il est devenu l’acteur tête à claques par excellence.
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Disparu le souriant et magnétique acteur de Freaks & Geeks et de Spiderman, oublié le beau brun ténébreux qu’on aimait à considérer comme le nouveau James Dean. Aujourd’hui, James Franco, c’est l’acteur qui descend les choix de carrière des autres (comme ceux de Henry Cavill), qui aurait fait virer un professeur de la NYU qui avait eu le culot de le punir pour ses absences répétées, qui crie partout qu’il est un génie littéraire incompris… Bref, aujourd’hui, James Franco est aussi agaçant que Lady Gaga.
A force de vouloir que tout le monde reconnaisse son talent monstrueux et pluridisciplinaire, Franco a obtenu l’effet inverse: on l’attend tous au tournant, prêts à le mettre en pièces. Le bruit de fond qui émane déjà des journalistes avant la projection de As I Lay Dying, son dernier film en tant que réalisateur, vient renforcer cette impression: on s’attend au pire. On ne lui pardonnera rien. Il y aura du sang.
Surtout que son film fait lever les sourcils avant même d’en avoir vu une minute. Franco a en effet décidé de s’attaquer à l’adaptation du roman de William Faulkner Tandis que j’agonise, le premier livre qu’il ait lu “sans y être obligé, hors lectures scolaires”. Eh oui, pendant que nous lisions R.L. Stine, le petit génie découvrait déjà les grands écrivains du XXème siècle. On en est là avec Franco, à sentir cette fatigante prétention dans tout ce qu’il raconte ou entreprend.
Prétentieuse, la première partie de As I Lay Dying l’est tellement qu’on se demande si l’on va réussir à tenir les deux heures que dure le film. Elle s’ouvre sur l’agonie d’Addie Bundren (Beth Grant) qui attend d’être emportée par la mort entourée de son étrange famille, le tout dans une succession éreintante de split screens. On ne sait où poser notre regard: comme Addie Bundren, on ne connaît pas le repos. La musique lugubre et la photographie terne donnent l’impression d’être en présence d’une nouvelle adaptation de Massacre à la tronçonneuse. On ne serait pas étonné de voir surgir Leatherface ou Norman Bates.
Ces trente premières minutes sont si pénibles qu’on lutte pour ne pas quitter la salle. Et puis, soudain, le miracle se produit. La mère meurt, la famille charge son cercueil sur une charrette et se lance dans un voyage jusqu’à la ville de Jefferson où la défunte souhaitait être enterrée. Les split screens se font plus rares, leur usage devient donc intéressant et justifié. Alors qu’ils alourdissaient la narration, ils la facilitent désormais: les éléments mis en avant par ce procédé permettent au spectateur de comprendre davantage les enjeux de l’histoire et la psychologie des personnages, qui évoluent dans un film laconique. Il en est de même pour les monologues intérieurs. L’ambiance malsaine disparaît, la photographie se fait plus lumineuse, les personnages cessent d’être terrifiants et l’on se surprend à sincèrement s’intéresser à l’histoire et aux secrets de cette famille si étrange.
As I Lay Dying est à l’image de son réalisateur: au premier abord, on le trouve indigeste. Puis, on se demande si on n’est pas en présence du génie. Car il y a bel et bien du génie dans ce film, celui du mélange des genres. Du film d’horreur, on passe à un voyage qui emprunte au cinéma de Terrence Malick ou plus récemment à Mud de Jeff Nichols, pour finir sur une scène au comique décalé qui n’a rien à envier à celui des frères Coen. Comme il touche à tout dans sa vie artistique, Franco a réalisé ce film comme un alchimiste, en réunissant les genres, en tentant des alliances osées et contre toute attente réussies. Satané James Franco! Au moment où on était prêt à l’enterrer, il nous étonne. Une raison supplémentaire pour le détester?
Linda Belhadj / almost-kael.com
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