Sur scène comme dans ses vidéos YouTube, Tristan Lopin dresse un portrait fidèle de l’entrée dans la trentaine et des interrogations sur la vie et l’amour qui vont avec.
Chez Cheek, on a découvert Tristan Lopin grâce à son hilarante vidéo sur la presse féminine, mise en ligne au printemps dernier. L’humoriste de 30 ans y mettait en scène une conversation téléphonique avec une copine à qui il décrivait, affligé, sa lecture d’un magazine. “Dans le dernier numéro de Glamour, sur 174 pages, t’as une soixantaine de pages mode et une soixantaine de pages de pubs. Je sais pas, les meufs ne s’intéressent pas qu’à ça, quand même?” Bien vu, Tristan Lopin, les meufs ne s’intéressent pas qu’à ça, et sont en effet tiraillées entre les discours anti-grossophobie et les images de filles en taille 32 dont elles sont abreuvées depuis toujours. Si, de toute évidence, Tristan Lopin n’est pas une femme, il en parle très bien et avec beaucoup de bienveillance, notamment dans son spectacle Dépendance affective, qu’il joue dans toute la France et au Théâtre du Marais à Paris, avant de déménager en janvier dans une salle plus grande. “J’ai toujours passé le dimanche à discuter avec mes copines et je voulais recréer sur scène cette ambiance d’intimité, ce moment entre potes”, résume-t-il.
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“Le one-man-show, ça a des côtés horribles: t’es tout seul, tu te mets en danger, et pendant une heure, les gens te regardent et te jugent!”
Comme à la maison, Tristan Lopin accueille donc lui-même son public et lui distribue des bonbons pendant qu’il s’installe, avant de se lancer pendant une heure dans son one-man-show, où il est beaucoup question de rupture amoureuse, pas mal de brunchs déprimants de trentenaires et un peu de Drazik. “Mes références culturelles sont celles de ma génération. Ce que je dis dans le spectacle est vrai: quand c’est le bad, je pense à Britney Spears en 2007, l’année où elle allait tellement mal qu’elle s’est rasé la tête. Je croyais vraiment qu’elle allait faire partie du club des 27, elle était une icône surmédiatisée en train de sombrer sous nos yeux, et finalement elle a remonté la pente. Aujourd’hui, j’adore son côté hyper nature, et je me dis que, comme elle, on peut tous se sortir d’une mauvaise phase.”
Pop culture et blagues générationnelles: Tristan Lopin s’adresse clairement aux trentenaires -il confirme que son public a entre 25 et 40 ans. Lui aussi a visiblement son lot de dimanches lose au compteur, “passés à regarder NRJ12” et à débriefer avec sa meilleure pote, quand ils ne sifflent pas une bouteille de vin en écoutant Beyoncé, comme dans son spectacle. Si elle est toujours obsédée par son ex, lui prétend avoir oublié le sien, même si tout prouve le contraire. Né d’une chronique qu’il tenait sur un blog alors qu’il était encore costumier dans le cinéma, le spectacle de Tristan Lopin est une photographie fidèle du tournant que constitue désormais la trentaine pour les jeunes adultes urbains, qui se retrouvent souvent coincés entre leur liberté de vingtenaire et ce qu’ils imaginent être l’étape suivante, sans pourtant bien savoir à quoi elle va ressembler. Et pour rester dans l’esprit de Dépendance affective, on a fait une interview-apéro avec Tristan Lopin, un vendredi soir, juste avant qu’il monte sur scène.
Alors ça va, pas trop le trac?
Si, avant le spectacle, je me demande toujours “pourquoi je fais ça”? Le one-man-show, ça a des côtés horribles: t’es tout seul, tu te mets en danger, et pendant une heure, les gens te regardent et te jugent! Mais une fois que c’est parti, je n’y pense plus.
Tu n’as pas toujours été humoriste, comment as-tu décidé de te lancer?
J’ai commencé à travailler dans le cinéma, où j’étais costumier, en espérant devenir réalisateur un jour. J’écrivais une chronique sur les relations amoureuses et j’adorais ça: c’est Bérengère Krief, avec qui j’ai tourné un court-métrage alors qu’elle-même débutait, qui m’a conseillé de monter sur scène. Je l’ai écoutée et j’ai pris des cours du soir à l’école du one-man-show; c’est là que j’ai rencontré mon metteur en scène et que je me suis mis à écrire mon spectacle. Un an plus tard, un soir de novembre 2014, je l’ai joué dans une petite salle devant tous mes amis.
Jouer devant ses amis, c’est plus stressant que devant des inconnus?
Tes amis, ils sont à la fois plus bienveillants et plus exigeants que les autres. J’avais hyper peur de mélanger des passages ou d’avoir un trou de mémoire. Mais je ne me souviens pas très bien de cette soirée: c’est comme un accouchement en fait, j’ai tout oublié. (Rires.) Ma première, en revanche, je m’en souviens très bien, car c’était le lendemain des attentats de Charlie Hebdo. C’était… spécial, mais très bien.
“Je n’avais pas envie de parler des applis gays ni de jouer à la grande folle, il y a suffisamment de stéréotypes et de carcans qui alimentent l’homophobie.”
Pourquoi t’être mis à la vidéo alors que ton spectacle était déjà lancé?
Je voulais faire de la promo pour Dépendance affective, et comme j’ai fait une école de cinéma, le format vidéo m’a paru évident. J’ai donc pris une GoPro et j’ai imaginé une conversation téléphonique où je racontais que j’avais recouché avec mon ex. En une journée, elle a fait 50 000 vues sur Facebook, je ne m’y attendais pas, et j’avoue que ça m’a fait bizarre. Mais à partir de ce jour-là, la salle a toujours été remplie.
Dans tes vidéos, tu abordes des thèmes légers, et des moins légers, comme la Manif pour tous, l’homophobie…
La vidéo sur la Manif pour tous est celle qui a le mieux marché, je l’ai tournée en octobre dernier, quand ils ont organisé leur retour. Je gardais un souvenir horrible des manifs de 2013, j’avais trouvé ça hyper agressif, et cette fois j’étais prêt à leur répondre. Autant je comprends que la GPA soit un sujet compliqué, autant je ne vois pas pourquoi le mariage pose problème. J’ai été aussi très choqué de voir, dans un pays laïc, des gens prier devant le Sénat, protégés par un service d’ordre. S’ils avaient été musulmans, je suis sûr que ça aurait créé une polémique…
En revanche, dans ton spectacle, tu ne parles quasiment pas de ces sujets, ni de la culture gay, pourquoi?
Le thème de la rupture amoureuse est universel et je suis content qu’il y ait toutes sortes de gens dans la salle, même si je dirais qu’elle est généralement remplie à 60% par des filles hétéros! (Rires.) Je n’avais pas envie de parler des applis gays ni de jouer à la grande folle, il y a suffisamment de stéréotypes et de carcans qui alimentent l’homophobie. Quand j’ai l’occasion, je défends un thème qui me touche et des idées de fond. Mais dans mon spectacle, je me suis contenté de chanter Céline Dion et danser sur Britney Spears. La culture pop, c’est gay.
L’homophobie, tu y as toi-même été confronté?
Oui, je reçois régulièrement des messages homophobes. Mais il existe surtout une homophobie latente, de gens qui ne font pas gaffe et qui te parlent tout à coup d’untel qui est pédé, alors qu’ils ne diraient jamais d’un noir que c’est un négro.
“Si on me demandait, je dirais que je suis féministe.”
Ton pire cauchemar sur scène?
Que personne ne rie. Ça arrive plus vite qu’on ne le pense: ma chance, c’est que mon public est majoritairement féminin, et les femmes se lâchent beaucoup plus.
Le féminisme, c’est quoi pour toi?
Je ne suis pas fan de ce mot qui est souvent instrumentalisé. Je ne pense pas que Beyoncé soit féministe quand elle chante que son mec l’a trompée tout en lui faisant produire son album. Mais je trouve ça cool qu’elle véhicule des messages en se servant de ce mot. Pour moi, il est trop flou, mais si on me demandait, je dirais que je suis féministe.
Qui sont les humoristes qui t’inspirent?
J’ai grandi avec Muriel Robin, Élie Kakou et Valérie Lemercier, et maintenant j’adore des personnalités comme Vincent Dedienne ou Blanche Gardin. Ce sont tous des gens qui n’ont pas peur de dire des choses hardcore. Sur scène, je dis que si mon mec devait me quitter, je préfèrerais qu’il meure: c’est un truc horrible qu’on a tous pensé, non?
Et le cinéma, ça te plairait?
Pourquoi pas, si on me propose des rôles qui ne sont pas caricaturaux, avec du fond. Pour l’instant, on ne m’a proposé que des rôles de pétasse, alors que j’espère un jour pouvoir faire changer cette vision cliché de l’homosexualité.
On te souhaite quoi pour 2018 alors?
Le meilleur, même si, comme chaque année, on sait qu’on va tous se taper des trucs relous.
Propos recueillis par Myriam Levain
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