Dans les rues d’Aurillac du 22 au 25 août, les amateurs de théâtre pourront croiser Mélanie Viñolo en train d’interpréter Las Vanitas. Une chorégraphie parlée sur le jugement des autres dont souffrent particulièrement les femmes.
Son arrivée sur scène ressemble à une séquence de Thelma et Louise: “ Imagine, une nana qui débarque dans une voiture un peu destroy, la musique à fond.” Voici comment l’autrice et actrice Mélanie Viñolo, 37 ans, nous décrit les premiers moments de sa dernière création, Las Vanitas, qui a été produite par la compagnie suisse Chris Cadillac et qu’elle présentera au Festival international de théâtre de rue d’Aurillac, du 22 au 25 août, où des centaines de spectacles en plein air seront présentés. Celle qui aime rappeler qu’elle est le sosie de la chanteuse Elsa explique qu’elle a voulu créer “une chorégraphie instinctive avec tout ce que j’ai pratiqué auparavant: la danse contemporaine, le butô (Ndlr: une danse japonaise), le mime, le flamenco, le théâtre gestuel”. En même temps, elle prononce son texte: une ode à la liberté des femmes, qui semble être contagieuse, selon l’artiste “Souvent, les spectateurs se laissent prendre au jeu, ils dansent avec moi. J’ai l’impression d’avoir des pouvoirs magiques.” Interview express.
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Las Vanitas, ça parle de quoi?
Au départ, je voulais l’appeler Combien de fois le sourire se fige?. À travers cette danse contemporaine que je qualifie de “danse de ma vie”, j’aborde le poids du regard de l’autre, la question du jugement, cette tendance à mettre une étiquette selon que l’on soit timide ou exubérant·e, et le problème de se laisser définir par ces appréciations extérieures. J’étais une enfant introvertie et j’ai toujours respecté à la lettre les règles de politesse. J’ai grandi entourée d’hommes, bercée par des discours machos où la femme devait être sexy, désirable; mon cercle familial m’a donc soumise à une certaine vision de la femme. Grâce à Las Vanitas, je veux lancer le débat sur ce qui nous définit car nous sommes tous victimes de notre éducation et des critères imposés par la société.
Pourquoi avoir choisi de poser pour la photo du spectacle sur un parking de supermarché?
Dans les supermarchés, toutes les catégories sociales se croisent. Une chance! Ce n’est pas le cas des théâtres, que je fréquente beaucoup: le public se limite bien souvent aux connaisseurs. En tant qu’artiste, j’ai envie de m’adresser aux “vraies gens” et pourquoi pas m’inviter dans leur quotidien. Alors, un jour, j’ai commencé à danser dans les rayons, comme ça, pour le plaisir. La musique des hauts parleurs m’a plu. Autour de moi, des personnes rigolaient, d’autres semblaient gênées, et finalement, un petit groupe m’a rejoint. Durant quelques minutes, la danse nous a réunis. J’avais partagé cette histoire avec Marion Duval, la metteuse en scène du spectacle que j’ai connue à Lausanne, c’est elle qui a eu l’idée de prendre cette photo, un jour où l’on était ensemble au supermarché.
Les femmes sont-elles assez visibles dans le monde du théâtre?
D’une façon générale, les femmes sont mises à mal dans notre société ultra masculine. À 37 ans, j’aurais pu être plus connue si mon chemin n’avait pas croisé celui de sales types, des mauvaises rencontres qui n’ont fait que renforcer un complexe d’infériorité. Grâce à Las Vanitas, j’investis la rue pour raconter mon parcours, je vois que je ne suis pas la seule à vivre cela. Depuis que je présente la pièce, la boîte de Pandore s’est ouverte: les gens recèlent de récits incroyables. L’autre jour, une commerçante m’a confié avoir réussi à se sortir de 30 ans de mariage avec un pervers narcissique, simplement en discutant avec ses clients. C’est beau.
Y a-t-il un avant et un après #MeToo?
Oui, clairement, et j’adhère à la vague. Je n’ai pas voulu témoigner, je préfère rester discrète sur les réseaux sociaux. J’ai entendu des discours affligeants insinuant que si certaines femmes avaient été violées, ce n’était pas pour rien. Elles étaient trop sexy, trop ceci, pas assez cela. Ça me choque. Dans Las Vanitas, j’aborde l’injustice que connaissent de nombreuses femmes et qui est symbolisée par cette danseuse lumineuse, rayonnante, tout à coup rattrapée par l’ivresse, et qui finit par se sentir humiliée sous les regards malveillants.
Quelle est la pièce que tu rêves de monter?
Je n’ai jamais eu la chance de jouer le rôle fort d’une pièce classique. J’aimerais interpréter Andromaque, cette femme chétive contrainte de répondre aux avances de Pyrrhus, fils d’Achille pour protéger son fils. Au final, c’est elle qui devient reine.
Propos recueillis par Lucie De Castro
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