La victoire de Marion Bartoli à Wimbledon n’a pas été accueillie que par des félicitations, mais aussi accompagnée de son lot de critiques sur l’apparence de la joueuse française. Le tennis féminin et son public auraient-ils un problème avec le physique?
Le 6 juillet dernier, Marion Bartoli remportait le mythique tournoi de tennis de Wimbledon. Une victoire qui, au lieu d’enthousiasmer les réseaux sociaux, les a scandalisés, de nombreux internautes clamant haut et fort que la Française méritait moins la victoire que son adversaire, Sabine Lisicki. Pourquoi? Parce que l’une correspond aux canons de beauté actuels de la joueuse de tennis -grande, filiforme, blonde, habillée à la dernière mode jusque sur les cours- et l’autre non. Pour ses détracteurs, Marion Bartoli était “trop moche pour gagner”. Quid de son talent et de son travail?
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Si Florence Carpentier, historienne du sport, se dit surprise “par le nombre et la violence de ces propos”, leur teneur ne l’étonne pas vraiment. “Le tennis est un cas particulier par rapport aux autres sports. Ça a toujours été une fédération très conservatrice concernant les rôles et l’image des hommes et des femmes”, précise-t-elle. Ce qu’elle explique très simplement: historiquement, c’est un sport aristocratique et bourgeois, qui s’est développé autour des valeurs de ces classes sociales plutôt conservatrices.
En 2008, Maria Sharapova défrayait la chronique à Wimbledon en osant porter un short et un t-shirt pourtant on ne peut plus féminin.
“Les tenues des joueuses en sont un bon exemple”, poursuit-elle. “C’est un des rares sports où la jupe s’est imposée aux femmes depuis le début, contrairement aux sports de ballon”. Et de citer l’exemple de l’emblématique joueuse française des années 1910-1920 Suzanne Lenglen: “Très coquette sur les terrains et en dehors -et très médiatisée pour cela-, elle représentait l’image de la sportive qui reste une femme et qui le montre. Ça compensait le fait qu’elle fasse une activité considérée comme masculine.”
Il est des traditions qu’on ne bouscule pas, même un siècle plus tard. En 2008, Maria Sharapova défrayait la chronique à Wimbledon en osant porter un short et un t-shirt pourtant on ne peut plus féminin. Surprenant paradoxe mis en lumière par Rue89: “En entraînement, toutes les filles portent un short, mais dès qu’on est en match, on porte plutôt une jupe. Sur les tournois, 80% des joueuses jouent en jupe.”
Le standard du tennis est une féminité à la Anna Kournikova, à mi-chemin entre sportive et icône de mode.
Le tennis a donc toujours réclamé de ses têtes d’affiches qu’elles soient féminines. Aujourd’hui, son standard est une féminité à la Anna Kournikova, à mi-chemin entre sportive et icône de mode. “On n’attend pas des footballeuses qu’elles soient mannequins. Par contre, c’est ce qu’on demande aux joueuses de tennis”, confirme Florence Carpentier.
Les sœurs Venus et Serena Williams, aux physiques atypiques par rapport aux canons du tennis, ne font-elles pas figure d’exception dans ce paysage? Non, car elles mettent à tout moment leur féminité en scène, à grands coups de jupettes, bijoux, ongles manucurés et coiffures sophistiquées. “Elles sont dans la surenchère esthétique”, analyse la spécialiste. “Elles font beaucoup d’efforts pour se conformer tant qu’elles peuvent aux attentes sociales.”
Celles qui ne jouent pas ce jeu dans la vie ou sur les courts tombent invariablement sous le feu des critiques, telles Martina Navratilova et Amélie Mauresmo, “coupables” d’avoir évoqué publiquement leur homosexualité, ou encore Marion Bartoli, “coupable” de ne pas être assez séduisante. Sollicitées, aucune des deux Françaises n’a souhaité évoquer le sujet, nous laissant imaginer qu’il n’est pour elles pas si anodin.
Raphaëlle Peltier
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