1,23 milliard, c’est le nombre de gens dans le monde qui ont un profil Facebook. Rose, Laureline et Lena n’en font pas partie. Ces trentenaires nous racontent pourquoi elles ne se sont jamais inscrites ou pourquoi elles ont fini par quitter le réseau.
J’ai un copain qui adore raconter cette anecdote. Un jour, aux débuts de Facebook en France en 2007, sa mère lui pose cette question saugrenue: “Dis donc, moi aussi je suis sur Facebook?” Il lui explique gentiment qu’il faut s’inscrire pour disposer d’un compte sur Facebook. C’est précisément le pas que Rose, Laureline et Lena n’ont jamais franchi. Ces trentenaires ont décidé de ne pas avoir d’existence virtuelle sur le réseau social fondé par Mark Zuckerberg il y a 10 ans, à l’inverse des 26 millions d’utilisateurs français.
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On les envie presque de n’y avoir jamais goûté. Parce que franchement, la timeline Facebook n’est pas toujours belle à voir. Elle permet, au choix, d’assouvir des pulsions voyeuristes, de passer des heures à détailler les anecdotes trash de Machinette sur sa grossesse, de voir les photos de Bidule qui essaye désespérément de faire passer ses déplacements pros pour des vacances funky ou encore de lire les commentaires “so premier degré” des parents. Ce genre de lecture chronophage ne tire pas vraiment vers le haut. Des psychologues d’une université d’Edimbourg ont d’ailleurs montré que Facebook ajoute du stress au quotidien de ses utilisateurs. Ces derniers ont peur de manquer une information sociale importante, redoutent d’offenser leurs contacts ou peuvent être anxieux d’être jugés. Alors celles qui ont choisi de ne pas être sur Facebook arriveraient presque à nous convaincre de supprimer notre profil. Chiche?
Rose, la repentie
Cette trentenaire a créé son compte en 2008 avant de le fermer en 2011. Elle utilise toutefois Twitter (sous pseudo) pour son job de journaliste et c’est à ça que se limite son existence sur les réseaux sociaux (elle a brièvement utilisé Snapchat l’été dernier).
La photo que Rose aurait choisie si elle avait eu un compte Facebook, DR
“En 2011, je bossais par intermittence. Je passais mon temps sur Facebook: j’étais accro aux statuts et à la vie des autres. Tout en connaissant les mécanismes qu’il y a derrière, je ne pouvais m’empêcher d’envier les uns et les autres. Bref, de la perte de temps qui te crée du mal. En gros, Facebook c’est la vie en mieux, comme si tu photoshopais tes souvenirs. J’ai donc progressivement enlevé les personnes toxiques et je n’ai gardé que mes amis proches dont je voulais vraiment des news. Je me connectais de moins en moins donc j’ai fini carrément par me désinscrire. Une des raisons qui m’a poussée à franchir le cap, c’est qu’une fille que je connaissais au collège racontait sa grossesse de façon intime. Se désinscrire se fait rapidement mais je me suis fait à l’idée que je ne disparaissais pas totalement puisque Facebook conserve mes données.
“Voilà ce que je dirais à un adepte qui veut arrêter: qu’est-ce que tu as peur de rater?”
Je me dis que je rate les photos de mariage de potes ou de leurs vacances mais franchement, rien d’important. On m’envoie des textos ou des mails pour m’inviter aux soirées. C’est précisément ce que je dirais à un adepte qui veut arrêter: qu’est-ce que tu as peur de rater? Et puis il y a toutes ces anecdotes pas glorieuses. Une copine qui avait bu a tenté de recontacter son ex. Elle avait effacé son numéro donc elle a choisi de lui écrire sur Facebook d’abord en messages privés puis directement sur son mur. C’était hyper gênant.”
Laureline, la révoltée
Son truc à elle, c’est de monter sur scène. Cette comédienne de 28 ans a choisi son camp: elle préfère les rôles de composition à la mise en scène de sa vie sur les réseaux sociaux. Cette discrétion virtuelle (pas de profil Viadéo, LinkedIn, Youtube…) n’est pas la norme dans sa profession.
La photo que Laureline aurait choisie si elle avait eu un compte Facebook, DR
“En général, le fait de dire que l’on n’est pas inscrit sur Facebook engendre des discussions sur l’intimité, le contrôle de l’image etc… ‘Mais comment c’est possible?’, ‘je t’envie’, ‘je crois que je vais faire comme toi’: J’entends de tout. Il y a plusieurs choses qui me déplaisent dans les réseaux sociaux en général. Les conditions d’utilisation de Facebook sont-elles vraiment compréhensibles par tous? Ça pose aussi la question de ce que deviennent les données personnelles. Par exemple, je trouve scandaleux qu’à partir du moment où tu postes une photo, elle ne t’appartienne plus.
“Il ne faut pas oublier de se parler ‘en vrai’!”
Je suis peut-être passée à côté de rencontres et d’opportunités professionnelles mais c’est quelque chose que j’assume. Pour mon métier, j’envoie des mails, je passe des coups de fil et je vois les personnes. Si je fais des rencontres sur un tournage, on s’échange nos coordonnées. Je crois à cette idée de réseau mais un réseau, ça s’entretient de façon sincère. Pour mes pièces, je déplace beaucoup plus de public que certains qui donnent les infos via Facebook. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, les gens ne communiquent plus que par ce biais. Il ne faut pas oublier de se parler ‘en vrai’! Quand on organise une soirée avec des amis, on s’appelle. Surtout que dans la bande, on est plusieurs à ne pas avoir de Facebook. Mon meilleur argument si je devais convaincre quelqu’un de ne pas y aller: pourquoi faut-il y être? Parce que tout le monde y est?”
Lena, la résistante
Responsable d’un magasin de lingerie, la jeune femme de 31 ans se connecte sur Whatsapp pour parler avec sa sœur qui habite à l’étranger ainsi qu’avec ses parents. Sinon, elle ne possède ni compte Twitter, ni Instagram, ni Pinterest, ni LinkedIn etc…
La photo que Lena aurait choisie si elle avait eu un compte Facebook, DR
“J’ai entendu parler de Facebook quand je passais mon année à l’étranger en Irlande, en 2003. Tout le monde se créait des comptes. Je ne sais pas expliquer pourquoi mais déjà, je ne kiffais pas l’idée de mettre des données persos sur le Net. Puis Facebook est arrivé en France… J’aurais pu m’inscrire mais je n’en voyais toujours pas l’utilité. À force, c’est devenu une forme de résistance amusante, presque une fierté.
“Facebook ou l’art de rendre fun des soirées chiantes à mourir grâce à de belles photos.”
Quand je dis que je n’ai pas de compte, certains écarquillent les yeux comme si je n’avais pas de toilettes! Les réactions ont quand même changé au fil du temps. Aujourd’hui, je croise davantage d’utilisateurs blasés ou qui se sont désinscrits. J’insiste sur le fait que je n’ai JAMAIS raté une soirée. Mieux que ça, j’ai des textes personnalisés pour mon anniversaire et pour le nouvel an. Au moins, je sais que la démarche est sincère.
Facebook ne me servirait qu’à satisfaire mes bas instincts, c’est-à-dire commérer et perdre du temps pour, au final, rien de constructif. Je ne suis pas dupe de la façon dont les gens font leur propre marketing. Facebook ou l’art de rendre fun des soirées chiantes à mourir grâce à de belles photos. La pire expérience que j’ai pu entendre à propos de Facebook? Demandez à Laure Manaudou! D’ailleurs, si je devais convaincre quelqu’un de ne pas s’inscrire, je lui dirais d’en parler avec la nageuse. (Rires.)”
Propos recueillis par Servane Philippe
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