À 31 ans, Tanya Ngangan a décidé de faire du macaron le nouveau goûter des New-Yorkais. Avec une boutique dans le Lower East Side et une autre dans Greenwich Village, la jeune femme originaire de Boston entend se faire une place dans le milieu des maisons de pâtisserie. Rencontre.
Le macaron est exigeant. Sa réussite ne souffre pas l’à-peu-près, la cuisson approximative ou encore le versement aléatoire de la poudre d’amande. L’extérieur doit être croustillant, l’intérieur moelleux, la couleur parfaite. Rigueur, organisation et calme sont donc des qualités requises pour quiconque décide de se lancer dans cette entreprise de haute voltige. Si le gâteau au yaourt -b.a.-ba de la pâtisserie- est comparable à une vulgaire rondade, le macaron, lui, peut être assimilé à un double salto arrière. Par conséquent, Tanya Ngangan, 31 ans, est une gymnaste incroyable.
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Il y a trois ans, cette New-Yorkaise a décidé de faire de cette spécialité française -dont l’origine demeure débattue- le nouveau goûter de Manhattan. Lorsqu’on passe le pas de Bisousciao., sa boutique installée sur Stanton Street dans le quartier en pleine évolution du Lower East Side, on pourrait se croire à Paris si les prix n’étaient pas affichés en dollars. Comptez quand même 2,50 dollars l’unité. Le macaron est précieux et le design de l’endroit minimaliste. Murs blancs sans fioritures à l’exception de quelques carrés en plastique transparent accrochés au mur, au centre desquels trône fièrement la délectable pâtisserie. En face de l’entrée, une vitrine derrière laquelle s’alignent soigneusement les gourmandises de toutes les couleurs. C’est Alexandre, le mari français de Tanya, qui accueille. Ensemble depuis dix ans et mariés depuis 2011, ils travaillent en binôme. C’est d’ailleurs Alexandre qui a inspiré à Tanya le nom de son entreprise. “Bisous, ciao”, voilà ce qu’il a écrit sur le petit bout de papier -sans oublier son numéro de téléphone évidemment- qu’il lui a laissé la première fois qu’il l’a rencontrée.
Dans sa cuisine de Chelsea, elle élabore différentes recettes de macarons, les confectionne et commence à les vendre sur Internet. Petit à petit, les commandes suivent et la première boutique voit le jour.
Tanya Ngangan n’était pas prédestinée au macaron. Son père, dans le bâtiment, et sa mère, dans la restauration, tous deux Thaïlandais, ont émigré aux États-Unis et se sont rencontrés à Boston. La cadette de la famille -elle a une sœur scientifique qui habite Atlanta- y est née et y a grandi avant de rejoindre New York et l’université de Syracuse. Elle y suit des études d’informatique avant de changer d’avis et de se tourner vers “un métier plus créatif”. En 2004, une envie de changement l’amène à Paris. Elle y rencontre Alexandre, un soir de danse au Barrio Latino et y étudie la mode à l’école Mod’Art International. Finalement, elle n’y trouve pas son compte non plus et décide, un an plus tard, d’explorer une autre voie: “Je me suis trouvée une passion pour la pâtisserie.” Plus particulièrement pour les macarons.
© Capucine Bailly / Cheek Magazine
Elle se souvient parfaitement de la première fois qu’elle en a vus: “C’était place de la Madeleine dans la vitrine de Fauchon et je ne savais même pas ce que c’était mais je me suis dit que c’était ça que je voulais faire!” Et comme Tanya Ngangan est du genre à aller droit au but, elle passe un an à l’école Le Cordon Bleu dans le 15ème arrondissement et fait un stage de quelques mois chez Fauchon. De retour à New York, la jeune femme a déjà son idée en tête, elle va monter sa propre entreprise. Une fois la galère du business plan derrière elle, elle se met à travailler de chez elle. Dans sa cuisine de Chelsea, elle élabore différentes recettes de macarons, les confectionne et commence à les vendre sur Internet. Petit à petit, les commandes suivent et la première boutique voit le jour. Depuis l’été dernier, Bisousciao en compte une deuxième située sur Bleecker Street dans Greenwich Village. Aujourd’hui, les deux commerces affichent un joli chiffre d’affaires. Entre 800 et 1500 macarons sortent chaque jour des cuisines. Tanya Ngangan ne compte pas s’arrêter là et rêve la nuit à des franchises à Boston ou Los Angeles.
Impossible d’ailleurs pour la photographe venue ce jour-là d’aller faire un tour dans son bureau situé au sous-sol de la boutique: “C’est trop petit, il n’y a pas de place”, assure avec le sourire et fermeté la maîtresse des lieux.
Pourtant, le défi était de taille. Installer cette délicate pâtisserie au pays du burger et du hot dog n’est pas, si l’on ose dire, une mince affaire. Si aujourd’hui le macaron “décolle” à New York, il reste encore beaucoup d’Américains “qui ne connaissent pas”, explique la jeune entrepreneuse. Surtout que, lorsqu’on prononce le mot “macaron”, ils pensent d’abord à cette petite pâtisserie à la noix de coco, le congolais. Autant dire qu’il y a du boulot. Heureusement pour eux, l’arrivée de Ladurée à New York en 2011, un sacré concurrent, leur a plutôt servi: ils ont profité de la puissance marketing de la marque dans Big Apple. Et puis, de toute façon, “je ne veux pas concurrencer Ladurée”, assure Tanya, “c’est une grande maison pour la pâtisserie”. Du classicisme de cette dernière, Bisousciao tient cependant à s’éloigner: “Nous essayons de faire un design plus moderne.” On la croit sur parole même s’il est clair qu’un novice en la matière est incapable de faire la différence entre un macaron Ladurée et un macaron Bisousciao.
© Capucine Bailly / Cheek Magazine
Tanya Ngangan, elle, en plus de les cuisiner, en goûte tous les jours pour s’assurer que les nouvelles recettes sont réussies. “Délicats, transcendants et légers”, voilà comment cette jeune femme sage et stricte à “l’âme de dirigeante” parle de ses créations. Elle aimerait “voir les boutiques marcher toutes seules” pour pouvoir se consacrer davantage “à la création, avec le packaging, les parfums, les couleurs”. Là-dessus, c’est elle qui a le dernier mot et personne ne se risquerait à prendre la direction des opérations. C’est “quelqu’un qui sait ce qu’elle veut”, précise Alexandre et qui “est du genre à avoir un avis tranché”. Impossible d’ailleurs pour la photographe venue ce jour-là d’aller faire un tour dans son bureau situé au sous-sol de la boutique: “C’est trop petit, il n’y a pas de place”, assure avec le sourire et fermeté la maîtresse des lieux. Tout au plus la laissera-t-elle aller faire un tour en cuisine.
“En tant que femme forte, tu suscites davantage l’intérêt, les gens sont curieux, ils veulent en savoir plus.”
Et en tant que femme, c’est dur de monter son business à New York? “Ça n’a aucune importance que tu sois un homme ou une femme. Les gens sont ouverts si tu as une bonne idée”, explique Tanya. D’ailleurs, ce serait même plus simple à en croire la trentenaire: “Il y a même un taux d’acception plus élevé car, en tant que femme forte, tu suscites davantage l’intérêt, les gens sont curieux, ils veulent en savoir plus.” Côté politique, Tanya Ngangan a voté pour Obama et, si elle estime qu’“il a donné un souffle à plein de jeunes qui croyaient en lui”, elle ne peut s’empêcher de préciser qu’un “certain nombre d’entre eux ont été déçus”. Elle ne le dit pas, mais on suppose qu’elle fait partie de ceux-là car, même si elle “ne le regrette pas”, elle “garde aujourd’hui l’esprit ouvert”. Et puis, de toute façon, c’est elle-même qui le dit: elle aime la nouveauté.
Julia Tissier
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