À 28 ans, Soko revient avec un deuxième album très new wave, baptisé My Dreams Dictate My Reality. On a rencontré la musicienne et on l’a confrontée à ses pires cauchemars.
Clairement, Soko s’est toujours traîné un gros paquet d’angoisses. On se rappelle son tout premier morceau, celui qui l’a propulsée star de MySpace en l’espace d’une cyber-seconde: I’ll Kill Her. On était en 2007, Soko était brune, jouait de la musique de hippie mais avait des envies de meurtre.
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Soko n’a désormais plus du tout envie de tuer personne -et encore moins des animaux.
En 2015, Soko s’est versé un flacon d’eau oxygénée sur la tête, a électrifié sa guitare et endossé un blouson en cuir. Du cuir synthétique sans doute, car malgré son attirail de mauvaise fille, Soko n’a désormais plus du tout envie de tuer personne -et encore moins des animaux. Végétalienne convaincue, expatriée à Los Angeles, la musicienne et actrice sort son deuxième album, My Dreams Dictate My Reality. Un titre qui reflète sa volonté de vivre ses rêves plutôt que de rêver sa vie. À 28 ans, la Bordelaise d’origine, qu’on a vu dernièrement faire le buzz dans la vidéo First Kiss, a décidé d’embrasser son existence à pleine bouche. Finies les lamentations, plus de traînage de patte pendant les journées promo, c’est une Soko chargée positivement qu’on retrouve au sous-sol de sa maison de disques. Et, comme on aime les contradictions, on s’est dit que cette pièce sans fenêtre et insonorisée, d’où personne ne peut vous entendre crier, était l’endroit rêvé pour la soumettre à une interview “Cauchemar”.
La dernière fois que tu as fait un cauchemar?
Cette nuit. J’ai fait un rêve très bizarre avec mon ex. Je me suis réveillée tellement angoissée que je me suis sentie obligée de l’appeler pour prendre de ses nouvelles. J’écoute beaucoup mes rêves, ce sont des signes que je prends vachement au sérieux.
“J’ai besoin de me calfeutrer et de vivre dans un monde de bisounours pour aller bien.”
Un cauchemar récurrent?
Récurrent, je n’en ai jamais vraiment fait. Mais je me rappelle l’un de mes rêves d’enfant les plus terrifiants: toute ma famille s’était transformée en animaux géants, ils étaient dans des cages et en sortaient pour venir me manger. Peu de temps après cet épisode, mon père est mort. La semaine qui a précédé son décès, je faisais des cauchemars tous les soirs. Ma mère venait dans ma chambre me réconforter et à la fin de la semaine, alors qu’elle était avec moi, mon père s’est mis à crier. Quand elle est arrivée dans leur chambre, il ne respirait plus. Rupture d’anévrisme.
Quelle autre situation réelle t’a déjà donné l’impression d’être dans un mauvais rêve?
J’avoue que je filtre vachement… J’ai tellement d’anxiété que, si je m’attache à des trucs négatifs, je ne pense qu’à ça. Du coup, toutes les situations un peu cauchemardesques, dès que je les vis, je les oublie. J’ai besoin d’évacuer, de me protéger.
© Lucia Ribisi
Un film qui te provoque des cauchemars à tous les coups?
Je suis complètement anti-violence, donc je ne peux rien regarder de trash: ni films d’horreur, ni films de guerre. J’ai besoin de me calfeutrer et de vivre dans un monde de bisounours pour aller bien. Je suis trop sensible. J’ai de l’empathie pour tout. Quand je tombe par hasard sur un film horrible, ma réaction est d’exploser de rire. Récemment j’ai vu Black Swan au cinéma et je ne m’attendais pas du tout à ça. À un moment, je me suis mise à hurler (Ndlr: elle se lève et hurle pour de vrai, comme prise d’une crise de démence) “oh my god, oh my god, holy shit!”.
“Ça fait maintenant huit ans que je vis dans ma valise et en vrai, c’est insupportable.”
L’un des morceaux de ton dernier album s’appelle Peter Pan Syndrome. Vieillir est-il forcément un cauchemar?
(Ndlr: elle est parcourue d’un frisson) Eueueh. Gamine, j’ai toujours voulu être plus âgée. Quand j’avais 10 ans, je voulais être une adulte, vivre seule, être indépendante. À 16 ans, je suis partie de chez moi et je suis devenue responsable. Du coup, arrivée vers 22 ans, je me suis dit “qu’est-ce que je fais? J’ai un appart, j’ai tout fait comme il faut, j’ai une vie sans embûches”. Ça m’a fait flipper. Je me suis donc collé des challenges de fou pour me sortir de cette espèce de routine complètement plan-plan.
Quels challenges?
Faire de la musique, parcourir le monde, vivre dans ma valise. Je me suis dit que je n’avais pas besoin de posséder quoi que soit… Même si j’adore les fringues et que je ramasse plein de trucs vintages dans toutes les villes où je vais. Mais bon, ça fait maintenant huit ans que je vis dans ma valise et en vrai, c’est insupportable: c’est un truc d’idéaliste, de l’extérieur tu te dis que c’est génial. Ça l’est pendant trois mois, mais après, ça devient un peu pesant. J’ai une espèce de dualité, avec l’envie de me poser d’un côté et en même temps, une trouille terrible de la routine.
© Lucia Ribisi
Une pensée qui t’apaise quand tu te réveilles d’un cauchemar?
Quand je me réveille, je suis juste contente d’être en vie. Vu que mon père est mort dans son sommeil, à chaque nouvelle journée je me dis “yes, j’ai battu la nuit, je respire!”.
“Je liste des choses qu’il faut que je fasse avant de mourir et je ne me laisse même pas 24 heures pour m’y mettre.”
Un truc qui fait peur à tout le monde, sauf à toi?
J’aime bien les gens qui ont un côté dark. Il y en a beaucoup que ça fait fuir mais moi, je trouve ça assez fascinant. J’ai toujours envie de creuser pour savoir ce qui se passe derrière tout ça.
Et à l’inverse, un truc qui ne fait peur à personne, sauf à toi?
La mort fait peur à tout le monde, mais j’ai l’impression que la plupart des gens n’y pensent pas tous les jours. Moi oui. Ça me rend hyper intense mais au fond, c’est juste une soif d’être dans le moment présent. J’en souffre beaucoup, car j’ai l’impression que la plupart des gens ne sont pas dans cette course contre la montre. Je liste des choses qu’il faut que je fasse avant de mourir et je ne me laisse même pas 24 heures pour m’y mettre. Je me dis que l’ennui, c’est la mort. Du coup, même quand je ne fais rien, je le fais à fond. Hier, par exemple, c’était mon seul jour off et je l’ai vécu aussi intensément que possible: j’ai pris un bain, commandé de la bouffe vegan, dormi, regardé des dessins animés… J’ai fait tout ça en kiffant un max.
Ton pire cauchemar: manger un steak de chat ou être rapatriée en France par un rosbeef géant?
Hahaha! Je crois que les deux sont assez cauchemardesques! Je peux pas plutôt faire des câlins à des chats et être rapatriée en France par des Bisounours avec des têtes de chats?
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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