Diffusée à compter du 5 octobre sur OCS, la série documentaire réalisée par Iris Brey, Sex and the Series, explore la représentation du plaisir féminin sur le petit écran. Pourquoi ça vaut le coup d’y jeter un œil.
Le plaisir féminin, un sujet éternellement tabou? Pas tant que ça, et la série réalisée par Iris Brey, collaboratrice de Cheek Magazine, Sex and the Series, nous le montre bien. À travers des entretiens avec des actrices et créatrices de cinq séries, la journaliste interroge la manière dont on représente la sexualité féminine -avec son lot de tabous, de fantasmes, de violences et de doutes- sur le petit écran. Sélectionnées pour la complexité de ses héroïnes et la diversité des sexualités féminines qu’elles mettent en scène, ces séries parlent aussi bien de l’obsession sexuelle (Fleabag) et de l’analyse scientifique du plaisir féminin (Masters of Sex) que de nudité (Girls), de lesbianisme (The L Word) et de transsexualité (Transparent). Autant de sujets que la société occidentale a parfois encore du mal à évoquer mais que certaines réalisatrices -car ce sont surtout des femmes- osent montrer dans leurs séries, un format plus propice au traitement de ces thèmes que le cinéma, qui a quelque chose de “mortifère” selon Iris Brey.
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“Depuis quinze ans, on ose parler de sexe et du plaisir des femmes à la télévision, explique la journaliste dans sa série documentaire. Les séries se sont transformées grâce à l’émergence d’héroïnes en tous genres incarnant la multiplicité de sexualités féminines. L’apparition de ces héroïnes complexes et décomplexées accompagnent des changements majeurs au sein de notre société. Des exemples qui libèrent notre parole et notre regard.” Car la révolution télévisuelle qu’on observe aujourd’hui dans ces séries -qui a débuté avec l’iconique Sex and the City, la première à mettre autant les femmes en avant- se double d’une progression du regard de la société sur les sexualités féminines, tant hétéro que LGBT.
“Aujourd’hui, on en est encore à questionner le genre des créateurs, mais j’espère qu’un jour on n’aura même plus cette question à se poser.”
À 32 ans, la journaliste et chercheuse, qui a publié une thèse sur la représentation des mères monstrueuses dans le cinéma français contemporain et enseigne le cinéma européen sur le campus parisien de l’Université de Californie, est déjà une experte en la matière puisqu’elle a publié l’année dernière un essai qui porte le même titre que sa nouvelle série. Un sujet qui ne perd rien de son actualité, bien au contraire: “Pour moi, cette révolution est en ébullition permanente mais on n’en est qu’au tout début, analyse-t-elle. Ça reste une poignée de femmes qui sont en train de changer les choses. Aujourd’hui, on en est encore à interroger le genre des créateurs, mais j’espère qu’un jour on n’aura même plus cette question à se poser.” Voici trois bonnes raisons de se ruer sur sa série.
Parce qu’on y découvre de nouvelles séries géniales
À moins d’être incollable sur les séries féministes, vous aurez de fortes chances de dénicher au moins une pépite. Sex and the Series nous sert un bon cocktail de séries grand public -comme Girls– et de séries montantes qu’on ne connaît pas encore forcément. Parmi elles, Iris Brey nous recommande Fleabag, sa préférée parmi les cinq. Son entretien avec la très attachante Phoebe Waller-Bridge, qui incarne l’héroïne de la série, nous plonge dans l’univers d’une trentenaire traumatisée par la mort de sa mère et de sa meilleure amie qui se réfugie dans le sexe sans rien perdre de son sens de l’humour. Il y a aussi Transparent, qui raconte le coming out transgenre d’un père de famille, une excellente introduction à l’univers de la transsexualité, encore très peu représentée dans les séries et les films. Sinon, vous pourrez réviser vos classiques, avec la très sexy The L Word qui reste un hymne à l’empowerment des femmes à travers leur homosexualité.
Parce qu’on y apprend des secrets backstage sur nos séries fétiches
Avec sa série documentaire, Iris Brey a tenté d’aller au plus près de ses interlocutrices, en instaurant le rapport intime que nécessite ce type de sujet. Allison Williams, qui incarne le personnage de Marnie dans Girls, raconte par exemple comment elle a surmonté la gêne de la nudité pour les besoins des nombreuses scènes de sexe -osées- de la série. Une question qui revient dans les confidences de Lizzy Caplan, la star de Masters of Sex, qui a dû mettre sa pudeur de côté pour faire semblant de se masturber toute nue de manière convaincante. Quant à l’acteur qui interprète Maura dans Transparent, Jeffrey Tambor, il nous confie ses craintes à l’idée d’incarner un personnage transsexuel tout en étant lui-même cisgenre.
© Zadig Productions / OCS
Parce que Sex and the Series n’a pas peur des tabous
Que ce soit pour évoquer la sodomie et la masturbation féminine -que Fleabag commente avec humour, sans jamais sombrer dans la vulgarité-, pour déconstruire le mythe freudien des deux types d’orgasmes, clitoridien et vaginal -dans Masters of Sex-, pour exprimer les doutes d’un homme récemment devenu transgenre ou d’une femme qui découvre son homosexualité, Sex and the Series ne craint pas de repousser les limites du politiquement correct. Bien au contraire, puisqu’en matière de sexualité féminine, tout est encore à explorer. Les tabous suprêmes qui persistent toujours? “Le sang des règles, faire l’amour quand on a ses règles, et la sexualité des femmes âgées”, répond Iris Brey. Il faut croire que les créatrices de séries ont encore du pain sur la planche.
Sophie Kloetzli
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