Pour la sortie de L’Aventura, son nouvel album enregistré entre la France et Rio, on a soumis Sébastien Tellier à un match France-Brésil un peu absurde.
Sébastien Tellier sort L’Aventura, son huitième album, une ode aux douceurs de l’enfance et aux premières fois. Le barbu le plus dément de l’Hexagone a mis de côté l’électro au profit de mélodies plus épurées et d’une instrumentalisation affûtée. Enregistré entre Paris et le Brésil, cet album mêle la sobriété de la chanson française aux rythmes cariocas. Entre deux lattes -on parle ici d’un bon gros joint, pas d’une boisson Starbucks-, on l’a soumis à un match France-Brésil tout à son image: absurde en apparence, sérieux au fond. Rencontre.
Sophie Marceau avec un monosourcil ou Gisele Bündchen avec des doigts boudinés?
Sophie Marceau, même avec un monosourcil! J’étais ado au moment de La Boum, je n’ai pas pu passer à côté de Sophie Marceau. Elle représentait la fille que je voulais croiser à une soirée. Pour moi c’était la plus belle, la plus attirante, la plus touchante. Cela dit, mon premier fantasme sexuel, c’était plutôt Sabrina. J’avais douze ou treize ans quand elle a sorti Boys, c’était le début de ma propre sexualité. Cette poitrine, ce désir qui émanait d’elle, cette façon de dire “je m’offre à toi”… Elle m’a beaucoup fait fantasmer, Sabrina.
Zidane avec une sciatique ou Pelé avec une jambe de bois?
Je préférerai toujours Pelé, son aura m’interpelle. Je trouve Zidane difficile à cerner, ça me fait peur. Enfin, si ça se trouve il est formidable, je ne sais pas. Mais Pelé, même avec une jambe de bois, on a envie de l’avoir à sa table.
Après avoir chanté à l’Eurovision, tu te verrais le faire pour l’ouverture de la Coupe du monde?
Chanter dans un stade, je m’y verrais bien effectivement. J’aime bien ce qui est très médiatisé. L’Eurovision m’a permis de faire le show télé le plus vu au monde, avec ses 170 millions de téléspectateurs. J’ai un esprit pervers -pas sexuel, hein-, mais j’aime bien faire des choses totalement paradoxales. À l’Eurovision, je ne sais pas où ils vont pêcher tous ces mecs, je ne sais même pas pourquoi on m’a appelé moi. C’est quand même le comble du mauvais goût, c’est un peu la fête foraine de la musique. Je trouve ça crade, mais c’est très regardé et c’est sympa pour moi d’être vu.
“Je suis quelqu’un de très studieux, comme tous les excentriques.”
Françoise Hardy version eurodance ou Astrud Gilberto en mode dubstep?
Je préfère Françoise Hardy en version eurodance! J’adore cette artiste, elle fait de grandes chansons. J’aime bien sa voix, son style et sa sensibilité. Comme tout le monde, j’aime ses grands classiques. Et puis, il y a plusieurs façons d’écouter de l’eurodance: on a tous un petit côté vulgos en nous, donc saupoudrer une soirée d’eurodance, pourquoi pas!
Caïpirinha tiède ou Pétrus bouchonné?
Je suis plus Caïpirinha un peu tiède, parce que franchement un vin bouchonné, c’est vraiment pas cool. La caïpi c’est tellement fort qu’au bout de deux, tu ne sens même plus qu’elle est tiède. Bon là, je ne bois plus, mais j’ai toujours adoré les cocktails, c’est jouissif.
Tu as pu profiter des soirées cariocas quand tu étais au Brésil, ou tu passais tes soirées en studio?
Quand j’enregistre, je passe des journées très sérieuses. La musique est ma passion, je ne vais pas commencer à faire le zozo en studio. Je suis quelqu’un de très studieux, comme tous les excentriques. Mais la nuit, effectivement, j’aime découvrir la ville, et puis j’aime bien me faire peur. Je me lance des défis du genre “tiens, je vais me balader dans une favela”. Ce sont des petits risques, mais c’est grisant.
© Ruda Cabral
En termes de gastronomie, tu es plutôt Cassoulet ou Feijoada?
Plutôt cassoulet. Je suis né français et c’est un bonheur de manger de la nourriture française. Quand je suis à l’étranger, ce qui me donne envie de rentrer en France, c’est la nourriture. Avant, je me foutais de la gueule des gens que ça obsédait: “C’est une perte de temps les mecs, il y a tout à faire, écrire des bouquins, faire des films, arrêtez de penser à la bouffe.” Et puis en fait, comme tous les Français, ça a fini par me rattraper et je suis devenu obsédé à mon tour.
Tu as fait des découvertes culinaires pendant ton voyage au Brésil?
Bien sûr! Ils ont la meilleure viande du monde! À Rio, j’ai aussi adoré les corners de jus de fruits. Là bas, c’est facile à trouver: tu veux un petit jus de fruit, on te presse une mangue et hop, t’as un petit jus de mangue! J’adore le côté fruité du Brésil, même si on est loin de la gastronomie française.
Si tu devais rejoindre une secte, tu préfèrerais: ingurgiter des breuvages à base de plantes hallucinogènes avec l’Église universelle du royaume de Dieu ou découvrir le secret de l’humanité avec le Mouvement raëlien?
Jamais je ne pourrais m’associer aux raëliens: pour moi, c’est une bande de tarés. Il faudrait que des gens leur viennent en aide. Pour ma part, j’ai mal vécu le fait d’être un gourou, ça n’amène que des emmerdes. Il y a certaines personnes qui y croient vraiment, c’est dramatique. Des jeunes sont venus me voir pendant la tournée, ils étaient sapés en bleu des pieds à la tête, ça faisait peur. Et puis, il y a les autres, ceux qui se disent “oulalah il devient crado le mec, il est mégalo ou alors fou.” En réalité, cette période de ma vie personnelle était hyper sereine.
“J’ai adoré l’accouchement de ma femme car, outre la douleur, il y a le premier cri du bébé, c’est la préhistoire.”
C’est bientôt les vacances d’été: tu es plutôt accrobranche dans le Cantal ou “aventura” sur l’Amazone avec un radeau en mousse?
Aventura avec un radeau en mousse. J’ai toujours été fasciné par la jungle: quand tu vis en France, qu’y a-t-il de plus exotique? C’est le plus loin, le plus inaccessible et puis ça sent le danger, donc ça m’a toujours attiré. J’adore tout ce qui nous ramène à la nature. Par exemple, j’ai adoré l’accouchement de ma femme car, outre la douleur, il y a le premier cri du bébé, c’est la préhistoire. Quand j’étais dans la jungle, j’avais l’impression d’être à la préhistoire et j’adore, je me dis que c’était comme ça il y a hyper longtemps. Plus il y a de l’âme dans les endroits, plus je me sens bien. J’ai l’impression qu’il y a de l’âme dans la jungle, ça raconte un truc sympa.
De toute façon, pas de vacances pour toi cet été puisque tu vas sûrement tourner, non?
La tournée commence en octobre, car je ne voulais pas la lancer pendant la sortie de l’album: on a tellement de choses à faire à cette période, entre les interviews, les voyages promo, etc… Je veux faire un truc au top et j’aurai l’été pour le préparer. Je dois réarranger toutes mes anciennes chansons façon brésilienne, ce qui demande énormément de travail. Maintenant, j’oublie les ordinateurs, on va jouer sur scène sans outil informatique. C’est dur de revenir en force sans soutien numérique, de pouvoir faire lever les bras à 10 000 personnes sans qu’il y ait les “boums boums” de l’électro, c’est un grand défi. Ça va être du travail, mais j’avance dans ce qui me fait le plus kiffer. La musique, c’est ce qui m’excite le plus, ça me rend fou. Mes claviers, les notes, les accords, les mélodies, c’est toute ma vie.
Propos recueillis par Louise des Ligneris et Maëva Demougeot