L’experte du dialogue interreligieux Samia Hathroubi nous raconte les coulisses de son expérience au Women in the World Summit, où elle est invitée à New York.
Inlassable défenseure du vivre ensemble à travers le monde, Samia Hathroubi, experte du dialogue interreligieux, participe au Women in the World Summit, qui réunit des femmes du monde entier (et pas des moindres) à New York jusqu’à ce soir. Demain, elle sera à Turin pour recevoir le German Marshall Prize récompensant ses multiples actions. Interview entre deux avions avec une jeune leader à suivre.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ça fait quoi de participer à la même soirée qu’Hillary Clinton, Scarlett Johansson et Chimamanda Ngozi Adichie?
(Rires.) En fait ça ne change pas grand chose. Je mets autant d’énergie et de sérieux à préparer un débat à Rennes dans un quartier populaire aux côtés d’une députée française qu’à New York aux cotés de femmes et d’hommes de premier rang au niveau politique, culturel. Bon, il est vrai quand même que cela met une certaine pression d’avoir plus de 2500 personnes devant soi et encore plus en live, et surtout d’être avec des hommes et femmes dont le métier est de participer à ce genre d’événements. Et puis, disons-le, le tapis rouge à l’américaine, c’est drôle!
Si ce genre d’invitations est une forme de reconnaissance à la fois de son travail, de ses écrits et discours, cela ne vient pas sans raison apparente. J’ai rencontré Zainab Salbi, une des productrices et journalistes du Women in The World Summit à Paris une matinée où nous avons échangé pendant près de deux heures, après quoi son équipe m’a suivie dans ma vie quotidienne au sein de mes activités interreligieuses. Après une première interview et édition à Los Angeles, me voilà à New York pour débattre des élections françaises et de cette identité musulmane, française et femme.
À quoi servent ce genre de réunions de femmes?
D’abord à débattre des sujets qui secouent le monde en général et les droits des femmes. Les invités viennent des quatre coins de la planète: Inde, Syrie, France, Canada, États-Unis, Australie, Nigeria pour ne citer que ces pays. Ce sont trois jours de talks et de débats sur le plafond de verre en entreprise, sur les femmes dans la culture etc… C’est aussi un lieu d’inspiration où l’on entend et rencontre des parcours exceptionnels, de résilience, de combativité.
Qu’en attends-tu?
Très honnêtement, c’est une plateforme de choix pour tenter de déconstruire de nombreux préjugés que l’on a sur la France, sur les femmes musulmanes et sur l’islam. C’est ambitieux, je le sais, mais si au moins on pouvait parler autrement des femmes musulmanes que commme étant l’archétype de la femme oppressée ce serait déjà gagné. Et puis je crois qu’il est important pour moi de toujours expliquer et faire preuve d’un peu de pédagogie quand on parle de la France. J’ai échangé avec la consule de France ici à New York, qui, comme moi, est un peu terrifiée de l’image absolument antisémite et islamophobe de notre pays. C’est un comble d’être aussi mal vu par un peuple qui a voté pour un tel misogyne que Donald Trump, dont la première décision avait pour objectif d’empêcher des habitants de pays majoritairement musulmanes d’entrer aux États-Unis. C’est mon deuxième voyage dans l’Amérique de Trump et je dois avouer que j’avais hâte d’être à New York pour voir de plus près ce qui se passait et comment certains pensent, se battent, et vivent sous cette nouvelle administration.
Es-tu fière d’y représenter la France?
Je ne sais pas si je représente la France. Je dois avouer que j’ai toujours refusé d’être la porte-parole de quoi que ce soit. Et puis surtout, sur scène je ne suis pas seule, je débats avec l’ex-journaliste de Charlie Hebdo Zineb El Rhazoui avec qui j’ai de profondes différences de vue et d’analyse sur les sujets de société en France. En tout cas, c’est de fait une fierté pour moi d’être aux cotés de femmes et d’hommes aux parcours et combats nobles. J’ai beaucoup de chance de partager cette scène avec quelqu’un comme Brendan Cox qui a vu sa femme assassinée par un extrémiste de droite lors du vote pour le Brexit, ou encore la médecin Annie Sparrow qui est tous les trois mois en Syrie. Ce sont des hommes, et principalement des femmes, qui redonnent foi en l’action et en une humanité partagée.
Propos recueillis par Myriam Levain
{"type":"Banniere-Basse"}