Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
Le problème quand on commence à passer du côté des gens maqués, c’est qu’il y a plein de débats de fond auquel on ne peut plus vraiment participer, ou bien en se référant à une expérience datée, et parfois carrément obsolète. Même si ça fait seulement quelques mois que je sors officiellement avec Jules, je me suis retrouvée bien embêtée lorsque, hier soir, au beau milieu de l’apéro avec mes collègues, j’ai dû donner mon avis sur ce dilemme existentiel: faut-il attendre avant de coucher avec un mec ou y aller le premier soir? J’avoue, je ne pensais pas que des gens se posaient encore cette question en 2015 -surtout que personnellement je ne me la pose plus depuis les années 90 et ma première relation sexuelle- mais visiblement je ne suis pas représentative, en tout cas pas au sein de mon équipe de travail.
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Je découvre que l’intégralité des meufs de mon service réfléchissent avant d’inviter dans leur chambre un mec qui leur plaît.
Nous en sommes donc à la troisième tournée de l’apéro, qui comme tout apéro réussi, se termine en conversation de cul, quand je découvre que l’intégralité des meufs de mon service réfléchissent avant d’inviter dans leur chambre un mec qui leur plaît. Je manque d’ailleurs de m’étouffer avec mon pastis quand Sarah du marketing justifie son attitude avec ce non-sens absolu: “Si je suis bourrée en soirée et que j’ai envie de tirer mon coup, je m’en fous complètement et j’invite le mec direct chez moi. Mais si j’ai un bon feeling et que j’ai envie qu’il me rappelle, alors je m’autocensure et je le fais patienter.”
J’ai envie de lui rétorquer que niveau sécurité, sa stratégie me semble bancale, et qu’elle a beaucoup plus de chances de tomber sur un serial killer en baisant avec un inconnu aviné qu’avec un mec qui l’emmène au resto depuis des semaines en attendant qu’elle lui concède une petite main sous son t-shirt.
Charles, qui a un sourire de beau gosse insupportable de 22 ans, embraye en nous exposant la théorie du chasseur, bien poussiéreuse.
Je décide de me taire, mais l’intervention ultra-sexiste de mon stagiaire dans le débat achève de me mettre à terre. Charles, qui a un sourire de beau gosse insupportable de 22 ans, embraye en nous exposant la théorie du chasseur, bien poussiéreuse, se résumant à cette soi-disant vérité fondamentale: “Les mecs ont besoin de se sentir conquérants. Ils vont être beaucoup plus attirés par une fille qui leur résiste. Par exemple, si je chope une zouz en soirée bourré (note de l’auteur : décidément, on chope tous en soirée bourrés) et que je couche direct avec elle, le lendemain, j’aurai envie de passer à autre chose. Alors que dans le cas contraire, je me dirai que je n’ai pas fait le tour de la question, et j’aurai beaucoup plus envie de la revoir. En plus, je saurai que ce n’est pas une fille facile.”
Après avoir découvert qu’en 2015, on hésitait encore à coucher le premier soir, je réalise, atterrée, qu’on emploie toujours cette expression digne de la pire telenovela. Je décide donc de réagir et d’entrer dans le débat: le pastis aidant, je ne trouve rien de mieux à faire que de brandir la défense des filles faciles par Jean-Jacques Goldman pour leur expliquer à tous qu’ils sont restés bloqués au Moyen-Âge.
“Moi, j’ai une philosophie non-marchande qui se résume à: si j’ai envie, j’y vais, et plus j’ai bu, plus j’ai envie.”
Je ne suis pas sûre que ma démonstration soit très convaincante, même si, dans ma tête, elle est limpide. Je me souviens juste avoir lâché, avant de quitter la table: “Ces calculs mesquins sur nos fesses respectives nous retirent toute la spontanéité qui fait de nous des êtres humains et non des biens marchands acquérant plus ou moins de valeur en fonction du nombre de jours qu’on a attendu pour investir.” Je suis hyper fière de cette sortie grandiloquente, mais je ne sais pas pourquoi je me sens obligée d’ajouter: “Moi, j’ai une philosophie non-marchande qui se résume à: si j’ai envie, j’y vais, et plus j’ai bu, plus j’ai envie.”
Sur le chemin du retour vers l’appart de Jules, je ressasse évidemment cette conversation, puis j’égrène mentalement tous les mecs que je me suis tapé le premier soir, sans avoir élaboré aucune stratégie. J’en ai revu certains, d’autres pas, mais avoir attendu plus longtemps aurait-il changé l’issue de ces relations vouées à l’échec, non pas parce que je suis passée pour une fille facile mais parce que j’ai jeté mon dévolu sur des “cassoc ”? Je n’en suis pas certaine.
J’explose de rire et le félicite de ne pas être une fille facile, avant de lui sauter dessus.
Quoi qu’il en soit, en débarquant chez Jules, avec qui j’ai attendu patiemment mais involontairement avant de passer à l’acte, je lui demande immédiatement combien de fois il a couché le premier soir. Il commence par devenir rouge écarlate puis tente maladroitement de changer de sujet en me questionnant sur ma journée et en faisant mine de ranger son salon. En insistant un peu, je finis par lui faire cracher le morceau: “Romy, tu sais bien que je suis quelqu’un de timide, et euh, bon, bah, en fait, je n’ai jamais couché le premier soir… c’est trop de pression pour moi.” J’explose de rire et le félicite de ne pas être une fille facile, avant de lui sauter dessus. On en est à notre 148ème soir, on n’a pas à culpabiliser.
Romy Idol
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