Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
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Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
“Hey, t’as le swag, toi.” Si ça ne tenait qu’à moi, le mot swag serait interdit par la loi en France mais ce jeune homme au bonnet violet, croisé au détour d’une rue, ne s’est sûrement jamais posé cette question. Cette pertinente réflexion sur mon “swag” du jour a été suivi d’un: “C’est joli, ça.” Là, je me suis dit que j’avais tiré le gros lot. Et mon alerte “boulet” s’est déclenchée. “WAAARNING, WAAARNING, WAAARNING” (= le bruit à l’intérieur de ma tête).
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Et le bonnet violet de continuer: “Hey, hey, arrête-toi là, vas-y, trois secondes, j’ai un truc à te dire.” Je me suis demandé pourquoi la seule volonté d’un inconnu devait être à l’origine de MON arrêt mais comme il a couru derrière moi et s’est planté là, devant, je pouvais difficilement faire mieux que de m’arrêter. J’ai choisi de faire une moue excédée en espérant que ça allait le décourager. Il a dit: “Ça va?” Donc non, ça ne l’avait pas découragé.
Qui avait bien pu, un jour, lui faire croire qu’un “Hey, t’as le swag, toi” ou un “C’est joli, ça”, balancés à une inconnue dans la rue, pouvaient être considérés comme des tentatives de drague urbaine acceptables?
Et là, je me suis demandé, devant la platitude de sa question, qui avait bien pu, un jour, lui faire croire qu’un “Hey, t’as le swag, toi” ou un “C’est joli, ça”, balancés à une inconnue dans la rue, pouvaient être considérés comme des tentatives de drague urbaine acceptables. Je me suis imaginé la voix intérieure du mec:
– Ouais, là, je sens que ça va marcher si je lui parle de son swag.
Et après (toujours sa voix intérieure):
– Je vais la complimenter, ça va lui faire plaisir.
On en était donc au fameux “C’est joli, ça”.
Je me suis alors représenté une sorte de confrérie secrète à laquelle on ne pouvait adhérer qu’après parrainage et qui enseignerait à tous les relous des phrases-types supposées faire fondre la fille visée par la phrase-type en question. Le genre de club ultra fermé dont tous les boulets de la Terre se chuchoteraient le nom dans des ruelles sombres. “Ouais, ouais, tu vas voir, ça marche à tous les coups.” Et je me suis demandé dans la foulée comment cette confrérie secrète avait fini par valider “c’est joli, ça” parmi les approches-types efficaces.
La confrérie secrète avait mal fait son travail et ce disciple avait dû rater la conférence intitulée “Drague de rue: privilégiez la politesse”.
À ce moment-là, le mec à la phrase-type m’a tirée de mes pensées: “Hey, t’es sourde ou t’entends ce que je te dis?” Là, l’agressivité latente dans le ton de sa question a fini de me convaincre que la confrérie secrète avait mal fait son travail et que ce disciple avait dû rater la conférence intitulée “Drague de rue: privilégiez la politesse”. J’ai répondu: “Non, non, je t’entends (malheureusement). Euh, oui, ça va.” Et là, le bonnet violet, assez content de lui, a enchaîné: “Je te trouve bonne, enfin, euh, charmante.” Sincèrement, je me suis demandé ce que, dans l’absolu, on pouvait répondre à ça. Le mec a continué: “Ça te dirait de prendre un verre là?” J’ai eu envie de rétorquer “Tu suces?” mais je me suis dit que le séminaire “humour” n’était pas forcément au programme de la confrérie secrète.
Donc je me suis contentée d’un:
– Non.
Une réponse qui me semblait relativement claire, concise et sans équivoque. Mais le bonnet violet n’était apparemment pas de cet avis puisque ma phrase ne l’a pas empêché d’objecter: “Mais, vas-y, on va prendre un verre tous les deux, c’est le destin qui nous a mis sur notre route l’un de l’autre.” (sic)
Moi:
– Le destin? Écoute, ton destin peut-être, le mien certainement pas.
Lui:
– Quoi, qu’est-ce que tu racontes? T’es conne ou quoi?
Moi:
– En fait , j’ai un mec.
Oui, c’était facile, c’était sorti comme ça, je n’avais évidemment pas de mec –sauf si l’on prenait en compte mes efforts pour choper la target insaisissable, mon plan cul raté avec le grand pénis, mon autre plan cul raté avec le récalcitrant de la capote, ma nuit cata avec l’impuissant arrogant et j’en passe. Au moment où j’ai prononcé cette phrase, j’ai su que je faisais une erreur car le bonnet violet –il n’y avait aucun doute là-dessus- faisait partie de la catégorie -ils sont très nombreux en son sein- des “Je suis pas jaloux”. Ça n’a pas fait un pli, il a répondu:
– Mais t’inquiète, je suis pas jaloux, moi, hein.
Celle-là, je crois qu’on me l’avait déjà faite environ 4399 fois. Mais je me faisais avoir à chaque fois. Ça finissait par sortir tout seul ce truc débile de “j’ai un mec, laisse-moi tranquille”. Comme si j’avais besoin de dire ça… J’ai fini par répondre:
– Bon, retourne dans ta confrérie secrète, ne rate plus jamais aucun séminaire, prends même des cours du soir si possible. Et tu t’en sortiras peut-être un jour.
Là, le mec m’a regardée. Je l’ai regardé. Et il est parti.
Romy Idol
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