Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
Au début, Facebook, c’était pas comme ça. On était content de rester en contact avec des gens que l’on ne voyait pas souvent, on étalait nos états d’âme et on n’hésitait pas à écrire sur les murs de nos “friends” des messages du genre “Salu, on se voi bi1tot?” Et puis, on avait le like facile. On likait tout, du statut lapidaire -“Soleil”- au propos sans intérêt -“Je n’aime pas cette journée”- en passant par le post mystérieux et sans intérêt -“Attends impatiemment 19 heures”. À l’époque, on était encore tous des Facebookeurs heureux dont le niveau d’exigence était équivalent au degré de concentration nécessaire pour regarder Qui veut épouser mon fils?. Mais ça, c’était avant.
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Aujourd’hui, dès que je mets le pied sur ma timeline, j’ai le sentiment que ma vie est nulle.
Avant que Facebook ne devienne un outil de promotion de soi: personal branding comme on dit aux States, personal branling comme dirait Twitter. D’un coup, les gens ont voulu montrer la meilleure part d’eux-mêmes. C’est à partir de ce moment-là que les choses ont commencé à sérieusement dégénérer. Finis les statuts niais, place aux phrases mûrement réfléchies, réécrites une bonne dizaine de fois avant publication et aux photos qui pètent. Objectif? Émerveiller sa timeline et mériter son like. Plages idylliques, restaurants ou hôtels 5 étoiles, voyages autour du monde et piscines géantes, tout y passe. Résultat des courses, je déprime à chaque fois que je vais sur Facebook. Aujourd’hui, dès que je mets le pied sur ma timeline, j’ai le sentiment que ma vie est nulle. Tout ça parce que les autres essaient de me faire croire que la leur est extraordinaire. Du coup, j’ai l’impression:
1. De ne jamais partir en vacances
Si je me fie à ma timeline, j’ai très vite l’atroce sensation d’être la seule parmi mes 500 “friends” à ne partir en vacances que deux fois par an. Chaque matin, c’est le même refrain: il est 7h30, je traîne encore un peu au lit, la pluie tombe -ou les grêlons, ça dépend si on est au mois de juin ou pas-, j’attrape mon smartphone sans me méfier et je me connecte à Facebook. Et là, bim, ça ne manque pas, je ne tombe que sur des photos:
– de pieds enfouis sous le sable blanc avec en arrière-plan une mer turquoise
– de palmiers entourant une piscine immense avec des commentaires de type “A room with a view”
– de ciel bleu (“Bleu majorelle”) ou de coucher de soleil (“Sunset”)
En général, ces gens -un brin vicieux- ont activé leur système de géolocalisation: Ibiza, baie d’Along ou Los Angeles défilent ainsi sous mes yeux. Quand je me prends à regarder des photos de vacances de gens que je ne connais même pas, je pars prendre ma douche avec autant d’enthousiasme qu’une huître périmée.
2. De ne manger que des sushis
Les gens me donnent l’impression de passer leur vie au resto. Avant de dîner assise par terre à ma table basse, je ne peux pas tranquillement regarder mon Facebook sans tomber sur des photos de plats gastros avec des noms d’aliments que je ne trouverai jamais dans mon frigo. Et quand je vois défiler un “Rouget grondin, bouillon de crevettes grises et asperges sauvages”, un “chevreuil de chasse cuit sur des marrons grillés” ou un “bar grillé au sel et sésame, avec un avocat frit et une compote de patate douce au citron”, mes sushis achetés en bas de chez moi n’exercent plus tout à fait la même attraction et je finis par m’achever avec Top Chef.
Certains font même le combo rooftop + destination paradisiaque et postent des photos de leur caïpi partout dans le monde, à croire qu’ils ont trop regardé cette saleté d’Amélie Poulain.
3. De ne jamais sortir
Quand mes “friends” ne sont pas en vacances ou au resto de Jean-François Piège, ils semblent qu’ils soient en soirée à boire des cocktails sur des rooftops et ça donne des “A Pastis with a view” –oui, tout le monde écrit toujours en anglais. Certains font même le combo rooftop + destination paradisiaque et postent des photos de leur caïpi partout dans le monde, à croire qu’ils ont trop regardé cette saleté d’Amélie Poulain. Pendant ce temps-là, derrière mon ordinateur avec un replay de L’Amour est dans le pré, j’ai envie de me faire un “Prozac on the table” pour oublier.
4. De ne rien faire d’extraordinaire
Le pire, c’est sans doute le dimanche quand, vers 15 heures, en pyjama, je vois tous ces gens qui font des choses pendant que moi, je m’entraîne à glander consciencieusement. Et hop, un petit selfie à l’expo Mapplethorpe, un autre à Roland Garros ou dans un avion en business direction la Thaïlande: “Le surclassement + moi = <3”. Le soir, aucune accalmie puisque ça continue avec des hashtags #concert, #folie, #happylife. La haine, puis la culpabilité, puis de nouveau la haine s’emparent de moi et je me dis alors toujours la même chose: “Demain, j’arrête.”
Romy Idol
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