Le nouveau documentaire de Rokhaya Diallo défie les clichés attachés à la figure de la Parisienne.
Les femmes que l’on rencontre dans La Parisienne démystifiée, diffusé sur France 3 Paris Ile-de-France le lundi 11 octobre, sont de celles que l’on croise tous les jours dans la rue, les cafés, au boulot, dans le métro ou en soirée, mais beaucoup plus rarement sur les panneaux publicitaires. De Grace Ly, sa partenaire au sein du podcast Kiffe ta race, à Alice Coffin, élue EELV et militante féministe et lesbienne, en passant par Elisa Rojas, avocate franco-chilienne au barreau de Paris et défenseuse des droits des personnes en situation de handicap, Rokhaya Diallo a réuni pour son sixième documentaire des femmes qui habitent la capitale à leur manière, bien loin des clichés entretenus par les industries de la mode, de la cosmétique ou du tourisme. En tentant de comprendre ce qui les rassemble et en questionnant leur rapport intime à Paris, l’autrice et réalisatrice dresse un portrait résolument moderne et vivant d’une Parisienne multiple et en constante évolution.
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Quel rapport entretiens-tu avec Paris?
J’y suis née, j’y ai grandi. Il y a un rapport de l’ordre de l’évidence car c’est là que j’ai toujours vécu. en voyageant à l’étranger je me suis rendu compte que cette ville avait une image très forte, une image de raffinement, de bon goût, qui vient de la gastronomie, de la mode. Paris suscite beaucoup d’admiration. En voyageant, je dis d’ailleurs davantage que je viens de Paris que de France.
Cette Parisienne blanche, longiligne, élégante, très stéréotypée que l’on nous vend, l’as-tu déjà croisée?
J’ai envie de dire que non, mais je vais être plus nuancée: je connais par exemple Caroline de Maigret et c’est quelqu’un que j’apprécie. Elle est justement très éloignée des stéréotypes, de ce que l’on projette sur elle. Beaucoup de choses sont de l’ordre de l’image mais en réalité, les humain·e·s qui sont derrière sont rarement conformes aux stéréotypes.
Ce stéréotype, d’où vient-il?
Ce qu’explique l’historienne Emmanuelle Retaillaud dans le documentaire, c’est qu’il vient beaucoup de l’imaginaire masculin. La France est un pays patriarcal et l’imaginaire qui l’entoure a été conçu par les rapports de genre et les stéréotypes qui y sont inhérents. On peut remonter à Jean-Jacques Rousseau et sa Nouvelle Héloïse ou, plus récemment, observer comment la communication touristique et cosmétique a contribué à forger cette image de la Parisienne.
Gaëlle Prudencio, Alice Coffin, Elisa Rojas… Comment as-tu choisi tes Parisiennes?
J’ai essayé de comprendre quels étaient les stéréotypes qui pesaient sur la Parisienne, et j’ai regardé autour de moi les personnes qui n’y correspondaient pas, qui les défiaient par leur simple existence ou par leurs actions. Il fallait aussi que ces personnes s’identifient comme parisiennes ou aient au moins un lien avec la ville de Paris.
La question du corps est omniprésente dans ton film : habite-t-on Paris de la même façon quel que soit son corps?
Non, pas du tout. Quand on est une femme, déjà, avec le harcèlement de rue, on n’arpente pas les rues de manière aussi libre ; on se pose des questions quand on marche, on ressent parfois de l’inquiétude quand on sent une silhouette derrière nous… C’est aussi une ville très difficile d’accès pour certaines personnes, comme l’indique Elisa Rojas. Si l’on est dans un fauteuil roulant, la ville devient une entrave. Si on a une poussette ou une valise, c’est difficile aussi, voire impossible de prendre le métro. De ce point de vue, c’est une ville assez brutale pour les personnes qui ne correspondent pas à la norme dominante.
Qui croit encore à cette Parisienne aujourd’hui?
C’est un mythe destiné à l’international, qui sert à promouvoir Paris à l’étranger, et tout ce qui s’y rattache. C’est l’image tout à fait idyllique que l’on peut voir dans Emily in Paris, série qui a débarqué pendant la réalisation du documentaire. C’est une image qui vend, qui fonctionne très bien et qui correspond à l’imaginaire collectif.
Comment as-tu choisi les endroits dans lesquels vous avez tourné?
On a demandé à chaque personne de nous retrouver dans un endroit signifiant pour elle. Alice Coffin a choisi la place de la Bastille car elle adore la Révolution française. Elisa Rojas nous a donné rendez-vous dans le Marais car elle aime beaucoup ce quartier ; quant à Grace Ly et Sarah Ourahmoune, on les a retrouvées respectivement chez Tang Frères et dans un gymnase d’Aulnay-sous-Bois.
Franchir le périphérique alors que tu tournais un film sur Paris, c’était une évidence?
Oui, c’est d’ailleurs pour ça qu’on a gardé le moment où Grace dit que ce périphérique est assez unique, sans équivalent dans les autres grandes métropoles, et qu’il forme une espèce de frontière entre Paris et sa banlieue. Paris est une ville toute petite quand on la compare à New York ou Londres, car ces dernières ont une conception d’elle-mêmes beaucoup plus vaste et incluent des territoires que l’on aurait considérés comme la banlieue. En fait Paris, c’est comme si New York se résumait à Manhattan.
La Parisienne démystifiée, de Rokhaya Diallo, diffusé le lundi 11 octobre à 22h50 sur France 3 Paris Île-de-France
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