Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
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Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
Rien de tel pour retrouver le moral que de croiser par hasard une star de son adolescence en pleine déchéance de coolitude. Pourtant, on est en janvier, je n’ai plus un rond, j’ai trois kilos de trop, et ma peau a oublié depuis longtemps le concept de soleil. C’est donc avec un enthousiasme digne d’un premier rencard que je me suis motivée pour aller à la fête des 30 ans de ma pote Vaness’, avec qui j’ai fumé mes premières clopes, roulé mes premiers joints et débriefé mes premiers mecs.
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Vaness’ et moi, on a été inséparables de la seconde à la terminale, on dormait l’une chez l’autre une fois par semaine, on s’échangeait nos fringues, on squattait les lignes fixes de nos parents six soirs sur sept (normal, le samedi soir on était ensemble). Bref c’était ma “meilleure copine”, avec laquelle je n’ai jamais totalement coupé les ponts même si nos vies n’ont désormais plus rien à voir. Et c’est typiquement la personne dont je ne pouvais pas louper les 30 ans, au nom de notre amitié d’ados.
C’est là que la catastrophe -ou le miracle, je ne sais toujours pas- s’est produite. Alors que j’étais en pleine conversation avec la petite sœur de Vaness’ (que j’ai accompagnée s’acheter son premier soutif et ça, ça crée des liens À VIE), un mec s’est dirigé droit sur moi et m’a serrée dans ses bras en disant “Romy, tu peux pas savoir comme ça me fait plaisir de te revoir”. J’ai bien tenté la technique du sourire figé, puis celle des yeux plissés, il n’a pas compris que je ne le remettais pas. J’ai donc rapidement cherché des indices dans sa tenue, des fois qu’il aurait oublié d’enlever son badge ou qu’il aurait un accessoire complètement dingue, genre menottes ou stéthoscope qui me mettraient la puce à l’oreille.
Passée la joie de revoir un objet d’adoration de ma jeunesse, le degré de déception était à peu près proportionnel au degré de cool qu’il avait pu posséder à l’époque.
Rien à faire. Son crâne dégarni me laissait penser qu’il avait une petite dizaine d’années de plus que moi. Pourtant son 501 ultra-délavé aurait dû me faire comprendre qu’il s’agissait d’un rescapé des nineties, resté bloqué dans une faille spatio-temporelle. Enfin, ses lunettes rectangulaires (les mêmes que celles qu’on avait à la fac) ont achevé de m’embrouiller l’esprit puisqu’à l’époque, il n’en portait pas. Et c’est là qu’il a lâché cette bombe: “C’est moi, Romain, Rom’, tu sais on était ensemble en espagnol”. À ce moment-là, j’ai éprouvé la même sensation que quand j’étais retombée sur ma Game Boy en emménageant dans mon premier appart: passée la joie de revoir un objet d’adoration de ma jeunesse, le degré de déception était à peu près proportionnel au degré de cool qu’il avait pu posséder à l’époque. À commencer par son surnom, qui aujourd’hui m’évoque malheureusement davantage des bidonvilles que Dylan McKay.
Rom’, c’était notre sujet de prédilection avec Vaness’, on pouvait passer des heures à commenter sa journée et à tenter de savoir s’il avait cassé ou pas avec Jess’.
Rom’, c’était le grand brun aux cheveux mi-longs, qui assurait autant en EPS qu’en français, qui fumait des Lucky Strike dans un paquet mou, et qui jouait tous les ans avec son groupe pour la fête de la musique. Une passion qu’il n’avait jamais abandonnée, puisqu’il m’apprit à cet instant qu’il était chef de rayon à la Fnac, un job d’étudiant qu’il avait finalement adopté après des années de micro-festivals et de concerts dans des bars vides. Mais à ce stade, aucune de ses révélations ne pouvait plus m’atteindre, j’étais déjà en pleine descente et je comprenais enfin le sens du roman Les illusions perdues, qui m’avait pourtant valu un 8 à l’oral de français.
Rom’, c’était notre sujet de prédilection avec Vaness’, on pouvait passer des heures à commenter sa journée et à tenter de savoir s’il avait cassé ou pas avec Jess’, son âme sœur et son égale dans l’échelle du cool. Jess’ ne faisait pas de musique, mais elle venait au lycée en mob’ et passait ses mercredis à se confectionner des vêtements hyper stylés ce qui lui valait d’être enviée par toutes les filles. Les garçons, eux, la connaissaient surtout pour son bonnet D et ses longs cheveux blonds, qu’elle s’était mise à teindre en violet, mais à l’époque on avait trouvé ça génial.
Mes neurones ayant toujours du mal à connecter le Rom’ que je viens d’évoquer avec le trentenaire chauve en train de me raconter sa vie, c’est tout naturellement que je lui ai demandé des nouvelles de Jess’, sans penser que quinze ans plus tard, elle n’était probablement qu’un vieux souvenir pour lui.
J’ai compris que l’aura des stars du lycée, c’était comme le CDD, ce n’était pas destiné à durer.
Mais évidemment, comme tous ces gens dont l’apogée s’est située en terminale, Rom’ avait gardé tous ses amis de lycée, y compris Jess’, devenue une super pote, à tel point qu’elle était témoin à son mariage. Quand il a entrepris de me montrer des photos d’elle sur son téléphone, j’ai compris que l’aura des stars du lycée, c’était comme le CDD, ce n’était pas destiné à durer. Cette blonde engoncée dans son jean taille 46 ne pouvait pas être LA Jess’ de mon adolescence, bien qu’elle ait toujours de gros seins. Et ces trois enfants à côté d’elle ne pouvaient pas être les siens. Sans parler du chien et du barbecue en arrière-plan. “Et voilà sa petite famille! Ok, ils vivent un peu loin maintenant, mais Jess’ est hyper contente d’élever ses enfants dans un jardin, et puis comme elle bosse pas, elle est aussi bien à la campagne.” En une phrase, qui me semblait à la fois terriblement cruelle et terriblement réconfortante, Romain venait de me résumer les dix dernières années de la vie de Jess’. Et moi je ne m’étais jamais sentie autant au top.
Romy Idol
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