Avec leur marque d’équipements sportifs pour femmes qui pratiquent les sports de contact, ces deux jeunes entrepreneures veulent envoyer les clichés au tapis.
Joueuses de rugby et diplômées de HEC, Laetitia Pingel et Clémence Fabre ont lancé Révèle, la première marque d’équipements et de protections pour les femmes qui pratiquent des sports de contact -rugby, handball, boxe, roller derby, arts martiaux…. Les deux amies et associées de 25 ans, qui se sont rencontrées en prépa, ont eu l’idée de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale en étant elles-mêmes confrontées à la pénurie de l’offre en matière d’équipement féminin: “Ces sportives sont aujourd’hui obligées de s’équiper chez les hommes ou les enfants, sans protection adaptée! Et pourtant, 95% des femmes qui pratiquent ces sports en compétition connaissent des bleus et des lésions qui abiment le buste et la poitrine”, expliquent-elles.
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Très vite rejointes dans leur aventure par la designer Jennah Meyer Santos, Américaine diplômée d’ESMOD à paris, les deux fondatrices de Révèle veulent conjuguer technicité et style pour “porter l’affirmation d’une nouvelle féminité dans le sport, audacieuse et libre de préjugés”, et visent un développement rapide à l’international. Alors que leur campagne de précommandes sur Indiegogo est sur le point d’être bouclée, nous les avons soumises à une interview express.
En France, les femmes sont-elles nombreuses à pratiquer des sports de contact?
On dénombre 850 000 sportives qui pratiquent le rugby, la boxe, le handball et des arts martiaux de manière licenciée et en compétition. Et un chiffre impressionnant à retenir, c’est la croissance du nombre de licenciées: +25% par an. Et si on y ajoute les pays anglo-saxons, c’est 20 millions de sportives! Les femmes sont donc de plus en plus nombreuses à se lancer dans ces sports et surtout à s’épanouir dans leur pratique.
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Pourquoi selon vous ces sports sont-ils toujours autant associés à la masculinité dans l’inconscient collectif?
L’ancrage historique est encore prégnant: interdiction de participer à certaines compétitions ou disciplines pendant des années -par exemple la boxe n’est ouverte aux femmes que depuis 1997 pour la compétition. Les sports de contact peuvent laisser des traces physiques importantes, la peur d’abimer le corps féminin vient nourrir l’inconscient collectif. Cette phrase de Michèle André reflète bien la situation: “Les femmes qui se lancent dans les sports considérés comme masculins s’exposent à être considérées comme masculines, suivant un procès de virilisation humiliant et sexiste qui commence à partir du moment où les sportives sont trop grandes, trop fortes, trop musclées, trop performantes.” Les clichés de dévalorisation auxquels les petites filles, les adolescentes et les femmes sportives peuvent faire face chaque jour, ralentissent la féminisation des pratiques. Pour nous, pouvoir enfin proposer de l’équipement adapté, c’est lutter contre cette masculinité ambiante: une petite fille qui convainc son père de faire de la boxe et qui ne trouve aucun produit pour elle, est souvent découragée et s’entend dire: “tu vois, ce n’est pas un sport pour toi, il n’y a aucun équipement!”.
“Il faut casser les freins psychologiques internes des femmes et leur dire: vous pouvez le faire!”
Le milieu des sports de contact est-il particulièrement sexiste?
Le milieu du sport en général est encore sexiste mais il se soigne, grâce à des femmes mais aussi des hommes! Il reste beaucoup de travail pour féminiser les instances dirigeantes. La prise de conscience est en marche et il y a de plus en plus d’initiatives pour faciliter l’accès des femmes à ces postes. Aussi et surtout, il faut casser les freins psychologiques internes des femmes et leur dire: vous pouvez le faire! Accéder à des postes importants dans les Fédérations, devenir présidente de club, coach, arbitre, etc.
De g. à d.: Maéva Lastécouères, Anne-Fleur Goll, Lina Guérin et Laura Delahaye. DR
Qui sont vos championnes fétiches dans ces sports?
Il y en a énormément et nous sommes enchantées d’avoir l’opportunité de travailler directement avec certaines d’entre elles. Anaïs Lagougine (rugby) pour son engagement et son calme, aujourd’hui entraineure du Stade Français féminin, mais aussi d’autres joueuses de l’équipe de France comme Lina Guérin ou Camille Grassineau, pour leur fougue et leur simplicité. Prisca Vicot (boxe) pour son authenticité et sa rage de vaincre, Emma Markwell (karaté) pour sa sérénité et parce que ses kicks font très peur -il n’y a qu’à voir notre vidéo de lancement!. Au-delà des championnes, on tire notre énergie de toutes ces sportives, qui par des petits détails, nous donnent envie d’avancer toujours plus loin pour elles!
Selon vous, qu’est-ce que les sports de contact peuvent apporter aux femmes qui les pratiquent?
Pour nous, les sports de contact sont des révélateurs de personnalité: dans chaque femme, il y a une part de force, de folie, de défi. Et puis, les valeurs que nous retrouvons dans ces sports exigeants, comme la solidarité, le dépassement de soi, la résilience ou l’amitié, posent finalement la question de savoir si ces sports n’ont pas été inventés pour les femmes!
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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