Le football américain, un sport de mecs? Détrompez-vous. Une dizaine de joueuses d’une équipe française nous racontent pourquoi elles ont choisi ce sport.
Les deux lignes de joueuses face à face s’affrontent, une transmission au quarterback, le snap, et un touchdown. C’est l’explosion, toutes les filles célèbrent la fin du match, en dansant et en scandant le nom de leur équipe. Cette scène d’ouverture du film Bandes de filles de Céline Sciamma a rappelé que le football américain était également pratiqué par des filles dans l’Hexagone.
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Extrait de Bande de filles
En France, la discipline n’est apparue réellement qu’en 2012 mais le football américain féminin se prépare à son premier championnat officiel cette année. Sylvie Aibeche est une pionnière du genre. Elle a commencé avec Les Sparkles de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne (94), il y a quatre ans et joue aujourd’hui avec l’équipe des Dragons dans le 15ème arrondissement de Paris.
L’équipe est composée de docteurs, d’étudiantes, d’infirmières ou d’agents de sécurité avec un point commun: la passion du football américain.
Mardi 8 septembre, elle nous donne rendez-vous à 18h30, sur la pelouse derrière le stade de rugby du complexe sportif Suzanne-Lenglen pour le premier entraînement de l’année des Dragons. Courses, pompes, abdos, sous la direction de leurs coachs, les treize femmes s’échauffent de la tête aux pieds avant de passer aux choses sérieuses.
L’équipe est composée de docteurs, d’étudiantes, d’infirmières ou d’agents de sécurité avec un point commun: la passion du football américain. Une passion qui leur prend du temps. “Mais si je le pouvais, je ne vivrais que de ça”, nous confie Sylvie Aibeche. Nous sommes allés à la rencontre de ces femmes afin de comprendre pourquoi elles ont décidé de se mettre à ce sport réputé pour ses contacts violents et encore trop souvent perçu comme “réservé aux hommes”.
Anaïs est arrivée dans l’équipe cette année grâce à Sylvie. “Je n’ai pas du tout un profil sportif, je n’aurais jamais pensé aimer mais le côté ‘intellectuel’ et stratégique du sport m’a séduite. Ce n’est pas seulement des gens qui se rentrent dedans! Il y a de la précision, de la technique et c’est une source intarissable de possibilités de jeu. Je ne m’ennuie jamais, c’est toujours intéressant un match. Au-delà de ça, l’équipe c’est comme une grande famille, on s’y sent bien.”
“Être une femme et jouer au foot américain c’est être là où on ne m’attend pas et c’est ça qui me plaît.”
Leïla a 38 ans, c’est la doyenne de l’équipe. Elle travaille dans un centre d’affaires d’où elle part “plus tôt le mardi mais je n’ai pas de contraintes. Au travail, ils savent que je joue au football américain. Mes collègues étaient surpris, ils n’imaginaient pas qu’une fille puisse jouer à ça. J’ai été à l’entraînement des Dragons un jour et j’y ai pris goût. Je n’avais pas prévu de devenir capitaine! (Rires.) Il n’existe pas encore de coach femme et, cette année, je fais partie des quatre joueuses qui vont passer le diplôme. Évidemment, on pense au championnat, et si une équipe nationale se crée, pourquoi pas, ça me plairait bien. Je suis la doyenne mais en Allemagne, des gens dans la quarantaine jouent encore!”
Kamilia est chez les Dragons depuis le début et c’est “par hasard, au détour d’une conversation” qu’elle a entendu parler du foot américain. “Je ne savais pas que ça existait en France et c’est aujourd’hui ma passion. Il y a un côté challenge, je me suis dit ‘allez on essaie’, et l’ambiance m’a plu. On est très peu en France, on se connaît toutes très rapidement donc on se sent comme au sein d’une famille. Puis, être une femme et jouer au foot américain c’est être là où on ne m’attend pas et c’est ça qui me plaît.”
Pauline observe au bord du stade ses coéquipières s’entraîner avec envie car pour elle, pas de football américain cette année. “Je reprendrai peut-être l’année prochaine mais avec mes études en podologie, je ne peux pas prendre le risque de me blesser. Là, en les regardant j’ai juste envie de jouer. C’est grâce à Amandine, une coéquipière, que j’ai commencé à jouer. Je connaissais mais je ne m’étais jamais posé la question de savoir si une équipe existait, puis j’ai essayé et ça m’a plu. Je joue au poste de receveur, et j’adore ça.”
Sylvie est très investie dans son équipe. “La première fois que j’ai mis le casque et les épaulières, c’était magique. On a l’impression d’être un chevalier à la guerre. (Rires.) C’est grâce à la série Friday Night Lights que j’ai eu envie de jouer. À la fac, quand je devais écrire mon mémoire, c’était très dur de résister et de ne pas regarder la série au lieu de travailler! J’ai quand même eu une bonne note. (Rires.) Ce qui nous unit au fond, ce sont les valeurs que ce sport nous enseigne, l’abnégation. Et ce que j’aime beaucoup aussi dans le football américain c’est que chacune peut y trouver sa place et notamment tous les gabarits. La Lingerie Football League, les filles qui jouent en petite tenue, est hautement discriminante et seul 1% de mon équipe pourrait y jouer… Je suis consultante et un jour, je suis arrivée au boulot avec mon sac de sport, car on partait en Espagne le soir même pour un match. Lorsque j’ai expliqué à mes collègues ce que je faisais, ils ont halluciné.”
Maroua est étudiante en droit et, pour elle, “c’est plus que du sport, on est un groupe et on se dépasse parce qu’on voit que les autres le font. Ma mère n’y croyait pas trop au début mais elle me soutient maintenant, tant que je ne me casse pas quelque chose et que je continue d’aller en cours. (Rires.) Un jour, un de mes profs nous racontait qu’il avait essayé le football américain et qu’il avait abandonné au bout de deux jours, bizarrement ça m’a donné envie de jouer. Je jouais au Maroc, avant de venir étudier à Paris et je joue encore quand j’y vais pendant les vacances.”
Amandine joue au poste de running back mais, elle aussi, observe de l’extérieur du terrain ses amies s’entraîner ce soir. “Treize joueuses pour le premier entraînement de l’année, c’est pas mal, et il y en a encore en vacances! Moi, j’ai connu le football américain en regardant les matchs de la Legends Football League (Ndlr: la ligue de football américain féminine internationale), ça passait à la télé, après les matchs que regardait mon copain. J’étais chez les Sparkles et j’ai ensuite suivi Sylvie à la création des Dragons. Pour le championnat, on a nos chances!”
Chloé est passée du roller derby au football américain cette année. “C’est la même chose, les patins en moins! (Rires.) J’avais des amis qui pratiquaient ce sport et j’ai découvert l’équipe en allant sur leur page Web. J’ai suivi le stage d’initiation et me voilà aujourd’hui. Ce que j’aime dans ce sport, c’est le contact, la stratégie et l’esprit d’équipe. Je suis responsable de restaurant et j’ai un petit garçon de 6 ans qui joue lui aussi au football américain”
Margaux joue au poste de corner back, en défense, même si les joueuses peuvent occuper différents postes. “À la base, je ne suis pas fan des sports d’équipe car il y a toujours une tendance à jeter la faute sur un coéquipier mais chez les Dragons, il n’y a que du soutien. Ce qui me plaît, c’est l’état d’esprit du sport, on bosse pour l’autre. Et c’est un sport complet, on fait de la cardio et de la tactique. C’est vrai que je dois jongler avec mes cours, mes stages, et les heures de trajets pour aller à l’entraînement… C’est parfois compliqué mais ça vaut le coup!”
L’équipe des Dragons jouera son premier championnat officiel cette saison. Les “Kick-off” des premiers matchs démarrent à la fin du mois de janvier 2016.
Feriel Rarrbo
Cet article a été publié initialement sur Les Inrocks.
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