Le jeudi 7 avril dernier, Ketanji Brown Jackson devenait la première femme noire à intégrer la Cour Suprême, plus haute instance du pouvoir judiciaire américain, composée à la majorité d’élus conservateurs. Le rôle de la juge libérale sera de veiller au bon respect de la constitution, ainsi que d’arbitrer les débats importants tels que les questions LGBTQIA+ et le droit à l’avortement.
La nomination de Ketanji Brown Jackson illustre la promesse de Joe Biden d’élire une femme noire à la plus haute institution judiciaire du pays. Primée pour la rigueur de son travail, ainsi que ses compétences et ses qualités de juge, elle incarne l’espoir pour la jeunesse afro-américaine. Grâce à l’élection de Brown Jackson, la Cour suprême deviendra également la plus mixte de l’histoire américaine. Depuis sa création, il y a 230 ans, la Cour suprême a abrité 115 juges, dont seulement cinq femmes (quatre blanches et une hispanique) et deux hommes racisés (dont Clarence Thomas, qui y siège toujours). Une place difficile à assumer toutefois puisque, depuis que Donald Trump a élu les trois juges républicains, Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett, la Cour croule sous une majorité conservatrice. Ketanji Brown Jackson a été élue à 53 voix contre 47. L’intégralité des démocrates et seuls trois républicains modérés ont voté favorable. Au moment de l’annonce, les républicains ont quitté la salle. Mais qui est donc celle qui les a fait fuir ?
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Fille d’un avocat et d’une directrice d’école, Ketanji Brown Jackson grandit à Miami avant d’intégrer la prestigieuse université d’Harvard. Consciente de la ségrégation raciale dont sa famille a été victime, elle étudie le système judiciaire américain. De 1999 à 2000, elle est l’assistante juridique du juge Stephen Breyer à la Cour suprême, puis tient le rôle de conseillère et d’assistante au sein de diverses hautes instances de pouvoir. En 2009, le président démocrate Barack Obama la nomme vice-présidente de l’United States Sentencing Commission (une agence indépendante du pouvoir judiciaire, chargée de déterminer les peines pour les tribunaux fédéraux), avant de la faire juge fédérale à Washington en 2013. Durant le mandat de Trump, elle s’oppose au président républicain en écrivant : “Le principal enseignement des 250 ans d’Histoire américaine, c’est que les présidents ne sont pas des rois.” En mars 2021, l’actuel président Joe Biden l’élève au poste de juge fédérale à la Cour d’appel de Washington. Et puisque rien n’arrive par hasard, à la rentrée prochaine Ketanji Brown Jackson remplacera donc Breyer, âgé de 83 ans et auprès duquel elle avait débuté, ce dernier ayant récemment donné sa démission.
La nomination de la juge afro-américaine, avancée par Joe Biden, survient peu avant l’échéance des mid-terms qui risquent de basculer en la défaveur du président. Une candidature mise à rude épreuve : “Certaines attaques contre cette juge étaient injustes, implacables et indignes du Sénat des Etats-Unis“, affirme Dick Durbin, président de la commission judiciaire du Sénat. En effet, la magistrate a dû faire face à une marée de questions – 642 en deux jours – et d’attaques personnelles de la part des conservateurs qui ont profité de cet interrogatoire pour rappeler leurs thématiques de campagne, notamment sur la religion, la pédocriminalité, l’identité transgenre, la criminalité et la question de l’avortement.
Les remous qui ont fait suite à sa nomination reflètent la sempiternelle opposition entre démocrates et républicains au sein des différents lieux de pouvoir. À l’heure où certains droits sociaux sont remis en cause – notamment au sujet des femmes, des LGBTQIA+ et des disparités raciales – , l’élection de Brown Jackson est porteuse d’espoir, d’égalité, de liberté et de tolérance. Face aux républicains en majorité à la Cour suprême, la voix de la magistrate démocrate sera-t-elle entendue ?
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