Ce week-end, l’élection de Miss France 2014 aura lieu à Dijon et la lauréate deviendra l’ambassadrice de beauté du pays. La nouvelle élue disposera alors d’un an pour se forger une media credibility. En vrai, peu sortent indemnes de cette année de ringarditude.
“J’espère un jour prendre votre place!” C’est par cette phrase que Sophie Thalmann (ndlr: big up au graphiste de son site) a répondu à Jean-Pierre Foucault qui lui demandait, le soir de son élection de Miss France 1998, ce qu’elle voulait faire dans la vie. À l’époque, cette réponse très directe avait marqué les esprits. Qu’une Miss dise haut et fort son ambition, c’était surprenant. Aujourd’hui, il n’est pas rare de les voir arpenter les plateaux de télévision. Mais pas forcément les plus prestigieux. Ces quinze dernières années, 14 anciennes Miss ont officié sur le petit ou le grand écran en tant que comédienne, présentatrice, chroniqueuse ou candidate de téléréalité. Une ancienne employée qui chaperonnait les Miss confie: “C’est assez déroutant de les voir le soir de l’élection passer de la lumière à l’ombre au profit de la nouvelle élue. La société Miss France étant surtout là pour faire exister la Miss en titre, les sortantes doivent surtout compter sur leur popularité pour continuer à vivre médiatiquement”. Et c’est souvent là que ça coince.
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Quand les femmes ont remporté un concours de beauté, la tentation est encore plus grande de les juger uniquement sur leur physique.
Quand les femmes remportent un concours de beauté, la tentation est grande de les cantonner à un rôle de potiche et de les juger uniquement sur leur physique. Sylvie Tellier, directrice générale de la société Miss France et ancienne gagnante du concours en 2002, confirme mais reste dans l’ensemble confiante: “Les gens peuvent avoir des a priori mais j’encourage les Miss à faire ce dont elles ont envie. Elles sont très sollicitées pendant leur année mais je leur dis de faire attention. Quand Malika (ndlr: Malika Ménard, Miss France 2010) nous a dit qu’elle voulait devenir journaliste, nous l’avons incitée à le faire sérieusement car c’est un vrai métier. Elle a donc repris ses études et a d’ailleurs été diplômée cette année.”
Les neurones en bandoulière
Ces dernières années, les Miss s’échinent à faire évoluer leur image. Leurs études et leur personnalité sont de plus en plus souvent mises en avant, afin de montrer qu’elles ne disposent pas uniquement d’un physique mais aussi d’un cerveau. Avant son sacre, Marine Lorphelin, Miss France 2013, étudiait la médecine et elle compte bien retourner à la rentrée sur les bancs de la fac. Cette année, Julie Legros, Miss Pays de Savoie en lice pour le titre national, est, elle, gendarme dans un peloton d’intervention. De son côté, Émilie Mika, Miss Picardie 2012 et finaliste lors de l’élection de Miss France 2013, est en master 1 de droit international et prépare les concours des grandes écoles de commerce et de journalisme. La jeune femme a aimé son expérience et en a tiré un constat sans équivoque: “Lors des événements huppés auxquels j’ai pu participer, j’étais inexistante en tant que Miss jusqu’au moment où je mentionnais mes études. Là, seulement, je commençais à exister aux yeux de mes interlocuteurs. Dans les milieux intellectuels, les gens nous prennent encore de haut mais quand ils se donnent la peine de nous connaître et de discuter avec nous, ils changent d’avis sur nous.” Mais pour le commun des mortels, celui qui ne côtoie pas les Miss, elles trimballent l’image de jeunes femmes un peu naïves qui misent avant tout sur leur plastique.
Facebook Émilie Mika, Miss Picardie 2012
Se débarrasser des stigmates
Se défaire de cette étiquette n’est jamais chose aisée. Les Miss doivent montrer qu’elles ont quelque chose d’intéressant, de spécifique, qui va au-delà des clichés qui leur collent à l’écharpe. Nathalie Nadaud-Albertini, sociologue des médias et chercheuse à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), explique: “En sociologie, on appelle cela un stigmate. On vous impute une identité qui n’est pas la vôtre mais qui fait que cela minore de façon très efficace vos chances de prouver que vous n’êtes pas ce qu’on pense que vous êtes”. En clair, vous allez avoir du mal à changer le regard des autres sur vous. Certaines anciennes comme Sonia Rolland -que l’on peut voir à la télévision et au cinéma- ou Mareva Galanter -qui donne dans la chanson- ont néanmoins réussi à tirer leur épingle du jeu en faisant oublier leur étiquette de Miss. Pour ça, il a fallu du temps, du travail et des rencontres professionnelles propices.
Instagram Sonia Rolland
“Il y a une autre façon pour les Miss de se donner à voir sous un autre jour que celui de la potiche: participer à des émissions de téléréalité.”
“Il y a une autre façon pour les Miss de se donner à voir sous un autre jour que celui de la potiche: participer à des émissions, de téléréalité notamment, qui leur permettent de se montrer dans d’autres situations, c’est-à-dire comme des personnes lambda ayant telle qualité ou tel défaut”, analyse Nathalie Nadaud-Albertini. Au vu de la très grande présence d’anciennes Miss dans des émissions telles que Danse avec les stars, Pékin express ou Ice show, le message semble être passé. Pourtant, il n’est pas certain que la participation à ce genre de programmes soit la voie la plus sûre vers la crédibilité. Sans parler du fait, qu’à ce jour, aucune Miss n’a remplacé Jean-Pierre Foucault.
Stéphanie Semedo
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