La marinière, c’est Armor-Lux. À moins que ce ne soit l’inverse. Symbole du made in France, cet habit de marin mythique a trouvé sa place dans tous les placards. Fabriquée dans le Finistère, la marinière n’en finit pas de se réinventer pour continuer à séduire. Visite guidée en images dans les deux usines de la marque à Quimper.
Dans votre penderie, il y a des basiques comme la marinière. Populaire et facile à porter, cette dernière est même devenue le symbole du made in France depuis qu’Arnaud Montebourg a posé avec en Une du Parisien Magazine. En l’occurence, elle sortait tout droit de l’usine Armor-Lux. Pour comprendre comment les stylistes de cette marque mythique revisitent cet habit de marin, direction Quimper, dans le Finistère.
La visite commence au bureau des collections, le premier maillon de la chaîne, situé dans l’usine en périphérie de la ville. Bienvenue dans la caverne d’Ali Baba de la couturière: des échantillons de tissus sont punaisés sur les murs, des boutons de différentes formes envahissent les bureaux et des bobines de fil sont empilées les unes sur les autres comme des totems.
Camille, Aurélie, Marilyne, Solène et Séverine s’affairent sur “l’automne-hiver 14”. Dans le prêt-à-porter, on travaille toujours avec un an d’avance. Impossible de photographier les prochaines tendances, les pièces de 2014 doivent rester secrètes le plus longtemps possible. La concurrence est rude dans le prêt-à-porter.
À la tête du bureau de style, une femme: Anne-Janie Girard. Cette grande brune aux ongles manucurés vermillon explique le “véritable challenge” auquel son équipe doit faire face à chaque collection. Pour “hipsteriser” la marinière, les filles ont peu de marge de manœuvre et n’ont pas droit à l’erreur. Une marinière à manches longues en coton fabriquée en France se vend en moyenne 49 euros en boutique et les tricots rayés tous modèles confondus représentent 25% des ventes de vêtements grand public de la marque. L’enjeu est donc de taille.
Impossible de leur enlever leurs 21 rayures, symboles des 21 victoires de Napoléon. On ne touche pas comme ça à un vêtement vieux de plus de 150 ans, ancien uniforme de la Marine nationale.
“On n’est pas des modeux mais il faut qu’on soit à la page”, souligne Anne-Janie Girard. Le bureau de collection a le choix entre deux options: créer de nouveaux modèles ou revisiter les deux standards emblématiques d’Armor-Lux: l’Amiral et la Lesconil. Ces derniers répondent à des codes très stricts. Impossible, par exemple, d’enlever une seule de leurs 21 rayures, symboles des 21 victoires de Napoléon. On ne touche pas comme ça à un vêtement vieux de plus de 150 ans, ancien uniforme de la Marine nationale. La largeur des rayures mais également l’espace entre elles doivent également être respectés au millimètre près.
“Sur les deux modèles traditionnels, nous ne pouvons jouer qu’avec la couleur puisque nous sommes tenues de respecter le pas de rayures (ndlr: la fameuse largeur entre chaque rayure)”, complète Anne-Janie Girard. Ceci dit, la palette de couleurs est large: rouge carmin, orange, couleurs fluo l’été dernier, lie de vin, gris souris, violet… Il n’y a aucune limite si ce n’est celle du marketing. Le vert a, par exemple, la réputation tenace de moins bien se vendre.
Deuxième option pour rajeunir l’habit rayé: imaginer de nouveaux modèles. Dans ce cas, le champ des possibles est vaste: col évasé, rayures en lurex, rayures uniquement sur les manches ou sur le haut du col. Quinze à vingt modèles rayés -la rayure est l’ADN de la marque- sortent par collection.
Une fois la conception du vêtement achevée et validée, il faut le fabriquer. Première étape, le tricot. Il a lieu dans une autre usine (ci-dessous) située à quelques kilomètres de là, dans le centre-ville de Quimper.
Les grands rouleaux de tissu sont transportés jusqu’aux couturières. Ces dernières travaillent sur le même site que les filles du bureau de style.
Ensuite, vient l’étape du matelas (ci-dessous): il s’agit de superposer des couches de tissu et de vérifier que les rayures soient bien superposées. Une étape délicate qui demande une grande précision.
Une fois que les couches de tissus sont parfaitement positionnées, on passe à la découpe. Les différents empiècements (manches, torse, dos…) sont dispatchés entre les différentes couturières. “Aucune marinière n’est faite de A à Z par une même personne, précise Anne-Janie Girard. Chacune d’elle s’est spécialisée sur le tas, certaines ne font que les manches.”
Après le contrôle qualité (ci-dessus), les vêtements sont pliés et mis sous une protection plastique. Reste à placer l’autocollant Armor-Lux (ci-dessous) et le paquet est prêt.
Les marinières (ci-dessous dans les mains d’Anne-Janie Girard, la responsable de collection) partiront dans les 50 points de vente français, au Japon ou encore vers la nouvelle boutique new-yorkaise de Mulberry Street.
L’heure tourne. Il est temps de rentrer mais pas avant d’être allée faire un tour dans le magasin d’usine (ci-dessous) où les modèles des collections précédentes sont bradés jusqu’à 60 %. La qualité made in France au prix des marques de fast-fashion. Mais pour ça, il faut faire le voyage jusqu’à Quimper.
Servane Philippe, envoyée spéciale à Quimper