Avec Game Over, son nouveau single en duo avec Maître Gims, la chanteuse Vitaa a opéré un retour remarqué. Au lendemain de la sortie de son nouvel album Ici et Maintenant, portrait de cette trentenaire qui a su se faire une place dans la pop culture made in France.
Vu nos accointances musicales, quand on a reçu un mail intitulé “Vitaa x Cheek” de la part de son attaché de presse, on a d’abord pensé à une erreur d’aiguillage. De Vitaa, on connaissait comme tout le monde Confessions nocturnes, duo avec Diam’s qui l’a révélée au grand public en 2006. Visionné plusieurs millions de fois sur YouTube, parodié par Fatal Bazooka, le titre est devenu un incontournable de la pop culture à la française, qu’on le veuille ou non.
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Sept ans après, cette fois accompagnée de Maître Gims, le sniper du tube échappé de Sexion d’Assaut, Vitaa explose le score. Plus de 18 millions de vues du clip de Game Over en un mois sur YouTube, et ce refrain qui nous poursuit partout, dès qu’on risque un orteil dehors. Alors, passée la surprise, l’idée de savoir qui se cachait derrière cette trentenaire qui fait régulièrement des apparitions tonitruantes dans le top iTunes s’est imposée comme une évidence. Rendez-vous fut donc pris avec la chanteuse au siège de sa maison de disques Universal, qui abrite la division française du label Def Jam (Jay-Z et Rihanna aux US) sur lequel Vitaa est signée. Relégués dans une salle de réu sans âme au fin fond d’un couloir -le genre de décor à vous plomber le moral d’un photographe de guerre, comme Pierre Terdjman, auteur des photos qui illustrent cet article-, nous attendons donc l’entrée en scène de la plus célèbre hackeuse de répondeurs française.
“Je voulais me marier jeune, avoir un enfant tôt. Et j’ai envie d’agrandir encore ma famille.”
Plutôt ponctuelle, souriante, 1m70 à la louche, créoles aux oreilles, moulée dans un pantalon en skaï et chaussée de bottes façon Harley Davidson (“Mon père m’a transmis la passion de la moto”, nous dira-t-elle), Vitaa dégage une sérénité qui décrispe. Même si elle ne pratique ni l’accolade à outrance ni le sourire béat, celle qui se dit “très discrète, un peu sauvage” répand tout de suite une bonne vibe –et on ne parle pas ici de “whohoho”. Charlotte Gonin, voilà pour son vrai nom, est d’origine italienne par sa mère, femme au foyer, et française par son père, cadre chez un concessionnaire de deux-roues. Elle est née à Mulhouse le 14 mars 1983 mais a grandi à Lyon. C’est d’ailleurs dans la région qu’elle possède une maison “en pleine campagne”.
Provinciale de cœur, elle a aussi un pied-à-terre à Paris, mais l’habite uniquement parce que les affaires l’y obligent, avec un mari qui travaille dans le textile et un tout jeune fils de deux ans, Liham. Entre deux albums, elle disparaît complètement et retourne se terrer dans son “cocon”, où elle reproduit méthodiquement le schéma familial qu’elle a toujours connu: “Avec mes parents et mon frère, nous avions une petite vie très calme, un cadre très sain qui m’a guidée dans mes choix et ma façon de voir les choses. Je voulais me marier jeune, avoir un enfant tôt. Et j’ai envie d’agrandir encore ma famille”, explique-t-elle.
© Pierre Terdjman / Cheek Magazine
Si la passion du chant lui est tombée dessus assez tôt -elle chantait par-dessus les disques d’Aretha Franklin, Stevie Wonder ou Marvin Gaye vers onze ou douze ans, avant de leur préférer Mariah Carey et les Boyz II Men-, Vitaa a toujours craint la lumière. Elle assure que la célébrité n’a jamais été un enjeu pour elle et s’étonne de la soif d’exposition des nouvelles générations, qu’elle impute à la téléréalité. “Il ne faut pas faire ce métier pour les mauvaises raisons. La notoriété, une fois qu’on l’a, on ne peut plus s’en détacher. Ça demande des épaules solides et je comprends que certains pètent les plombs.” Les ravages du star system, Vitaa les a vus de près au début de sa carrière, quand son amie Diam’s a perdu pied en 2007, au point de sombrer en dépression et de se planquer sous un voile. “Moi, dès le début, j’ai fait une vraie séparation entre ma carrière et ma vie privée. Mais Diam’s a toujours tout mélangé. La musique, c’était tout pour elle.” Quand Vitaa dit ça, ça n’a rien d’une bitcherie envers celle qui lui a mis le pied à l’étrier et est restée une proche. Elle parle de Diam’s avec une bienveillance très nette, une gratitude visible.
Diam’s prend la direction artistique de Motown France “juste pour pouvoir [la] signer”.
De toute façon, Vitaa est archi-fidèle en amitié. Elle conserve les mêmes amis depuis toujours et n’a pas changé une seule fois de manager. Le dénommé Ben, qui gère sa carrière depuis maintenant douze ans, l’a rencontrée alors qu’elle était en BTS commerce. À cette époque, Vitaa a quitté DSV -Da Swing Voice-, le groupe de r’n’b amateur qu’elle avait intégré à ses quinze ans, depuis un moment déjà. C’est le début des années 2000 et elle fait des featurings sur tout ce que les bacs de la Fnac comptent de compilations rap et r’n’b français. Elle s’est laissé deux ans pour réussir à signer un contrat d’artiste mais, en vraie “défaitiste”, s’imagine déjà tout plaquer si la chance ne lui sourit pas. En fait, c’est après cinq ans de portes dans la figure qu’elle décroche le gros lot, un contrat sur la version française du mythique label Motown, dont Diam’s vient de prendre la direction artistique “juste pour pouvoir [la] signer”.
© Pierre Terdjman / Cheek Magazine
Mis en vente après le carton de Confessions Nocturnes et une tournée des Zénith avec Diam’s, le premier album de Vitaa voit le jour en février 2007 et s’écoule à quelque 450 000 exemplaires. Le succès, Vitaa se le prend “en pleine face”. “Ça a été comme un ascenseur émotionnel. Être autant aimée, mais aussi détestée, je n’y étais pas préparée”, confie-t-elle. À l’arrivée de ses premiers gros chèques, elle s’entoure immédiatement d’un comptable, achète un appartement, une voiture, et met le reste de côté. Pas du tout flambeuse, elle se dit très économe, à l’instar de son père qu’elle a “toujours vu gérer les finances avec rigueur”. La rigueur, c’est un peu le maître mot de Vitaa. Au point que cette accro aux séries américaines a hérité d’un sobriquet qui résume bien sa propension à tout tirer à quatre épingles: “Mes amies me surnomment Bree Van de Kamp”, assume-t-elle dans un éclat de rire. De fait, si son look vestimentaire est clairement plus street que celui de l’héroïne de Desperate Housewives, le fond semble tout aussi strict.
“Avec Game Over, je peux enfin dire aux gens que je suis une fille cool!”
Vitaa interdit par exemple à son fils de regarder la télé, se déclare “allergique à la poufiasserie”, se dit “choquée” par certains clips de Rihanna. Elle considère qu’une fille “doit être classe” et que l’accomplissement féminin passe par la possibilité de fonder une famille. On ne sait pas si ce conservatisme trouve un écho direct dans ses opinions politiques. Quand on la questionne sur le sujet, la jeune femme explique qu’elle a cessé de voter (“Ma mère va me tuer en lisant ça”), qu’elle est déçue, qu’elle paye beaucoup trop d’impôts, et en même temps qu’elle comprend les gamins des quartiers: “Je ne dis pas qu’il faut foutre le bordel, mais le fossé se creuse et à un moment, on va en payer les conséquences.” Pour le reste, elle se moque qu’on la trouve un peu “à l’ancienne”. Vitaa a beau avoir de l’autodérision -elle adore par exemple la parodie de Confessions Nocturnes et confie qu’elle ne peut “même plus regarder le clip originel sans y penser, tellement c’est bien fait”-, la seule chose dont elle veut se débarrasser, c’est de l’image de “cocue qui pleure” qui lui a longtemps collé à la peau à cause de ses singles inspirés de ses relations chaotiques. “Avec Game Over, je peux enfin dire aux gens que je suis une fille cool!”, s’amuse-t-elle. C’est en tout cas ce que quelques millions de personnes ont l’air de penser.
Faustine Kopiejwski
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