Alors que les femmes se font rares dans cette campagne présidentielle, les candidats n’hésitent pas à brandir l’argument du féminisme quand il le faut, à l’image de François Fillon tentant de défendre sa femme dans une affaire de potentiel emploi fictif. Opportunisme ou conviction profonde?
Hamon, Macron, Fillon, Mélenchon, Valls… ils submergent les journaux télévisés et les unes de magazines, affichant tous -qu’elle soit rouge ou bleue- la cravate de l’homme présidentiable. Car en 2017, seules deux femmes, toutes deux aux pôles de l’échiquier politique, se profilent candidates: Marine Le Pen pour le Front National et Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière, si elle parvient à atteindre le nombre nécessaire de parrainages. Les autres ont le même sexe, celui du roi, du général, puis du président. Mais si les femmes sont absentes sur les listes, elles sont en revanche bien présentes dans les urnes. Alors que certains candidats n’hésitent pas à se déclarer féministes, d’autres usent de la misogynie, du sexisme et de l’oppression des femmes, non pas pour défendre leurs concitoyennes mais leurs positions.
L’argument massue de François Fillon
François Fillon, dans la tourmente depuis mercredi 25 janvier suite aux révélations du Canard Enchaîné qui affirme que sa femme, Pénélope Fillon, aurait bénéficié d’un emploi fictif, s’est dit le jour même “scandalisé par le mépris et la misogynie de cet article”. Récapitulons. Le Canard révèle que Pénélope Fillon aurait touché 600 000 euros brut pour un poste d’attachée parlementaire auprès de son mari entre 1998 et 2006, puis six mois en 2012. Rien d’illégal à cela, il est tout à fait autorisé de nommer un proche à cette fonction, à condition qu’elle existe. Petit problème, une assistante parlementaire qui aurait dû travailler avec Mme Fillon affirme au Canard qu’elle ne l’a jamais vue, et la connaissait simplement “comme femme de ministre”.
En effet, la femme du candidat à la présidentielle est toujours restée dans l’ombre de son mari et se présente comme une mère au foyer. En décembre dernier, France Dimanche racontait que “Pénélope a renoncé à ses aspirations professionnelles pour élever leur progéniture”. Celle qui aurait pu devenir avocate a même déclaré en octobre dernier au quotidien Le Bien public: “Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari.” Légitime donc, de se questionner sur cet emploi.
Dans la matinée du mercredi, quelques journalistes dont certains du Monde reçoivent un message de la part de l’entourage de Fillon: “Madame Fillon a été collaboratrice de François Fillon. Elle a toujours travaillé dans l’ombre. […] Les hommes politiques ont parfois besoin de conseillers intimes.” Et hop, une petite réflexion misogyne au passage. C’est aussi François Fillon, qui en 2009, alors qu’il était premier ministre, a refusé un poste de ministre à Nathalie Kosciusko-Morizet sous prétexte qu’elle était enceinte, comme l’a révélé la candidate aux primaires des Républicains. Le même homme qui a affirmé lors d’un meeting en juin dernier que “l’avortement n’[était] pas un droit fondamental”, avant d’ajouter: “Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux approuver l’avortement”. Autant dire que François Fillon n’en est pas à son coup d’essai en matière de misogynie.
À cela s’ajoute le témoignage de Christine Kelly, biographe de François Fillon, qui pour avoir livré au Canard Enchaîné qu’à sa connaissance Pénélope Fillon n’avait jamais travaillé pour son mari, a reçu des “menaces”. Elle raconte à l’AFP avoir reçu des coups de fils répétés et prévient sur Twitter qu’elle “ne succombera pas aux pressions”.
Les femmes, l’islam et la laïcité
La gauche, évidemment, s’est emparée de l’affaire. En plein débat de la primaire PS mercredi soir, Manuel Valls a ironisé: “Vous imaginez le général de Gaulle employant Tante Yvonne (Ndlr: son épouse) à l’Élysée?” Doit-on rire ? Sérieusement, imaginez-vous une épouse travailler à l’Élysée? Quel farceur ce Valls! Pourtant il n’a pas hésité au cours de ce même débat, dans la partie consacrée au maintenant classique sujet du port du voile, à déclarer: “Il ne faut rien céder, mais il faut faire attention: dire aux femmes que nous sommes là pour vous aider à vous émanciper”. Merci Manuel Valls pour tant de paternalisme. Mais après tout, la polémique estivale du burkini n’est pas si loin. En attendant, le passage de la loi El Khomri concernant l’égalité professionnelle ne comporte aucune sanction ni obligation pour les entreprises ne respectant pas ce principe.
Plus problématique encore, lors de ce débat du second tour de la primaire de la gauche, la question des droits des femmes n’a été abordée qu’à travers le prisme de l’islam. Le sujet du moment étant celui des femmes évincées de certains cafés de banlieues “sous pression islamiste”. Comme si l’oppression des femmes se cantonnait à une religion. Notons que dimanche dernier, la marche contre l’avortement a réuni des milliers de personnes dans Paris et que le sujet n’a pas été abordé une seule fois lors du débat. Au Parti Socialiste donc, il semblerait que les droits des femmes ne soient qu’une question de laïcité.
Pendant ce temps, Marine Le Pen jubile sans doute, elle qui maîtrise à la perfection l’ambiguïté du positionnement féministe, comme on vous le racontait ici. Car la seule femme en position de force dans cette élection est la pire des réponses concernant le droit des femmes. Le site Internet Droits des femmes contre l’extrême droite a même été créé pour démystifier le discours de Marine Le Pen sur le féminisme. En attendant, les hommes qui se présentent face à elle ont quelque peu du mal à parler aux femmes. En décembre dernier, Emmanuel Macron a fièrement affirmé: “Mon premier objectif de féministe est d’être reconnu comme tel par les femmes.” On espérait mieux comme première mesure en faveur des droits des femmes. Malheureusement en 2017, pour ne pas trop abîmer ces précieux droits, nous devrons voter contre la seule femme qui pourrait gagner.
Virginie Cresci