Cette trentenaire a fait des questions de genre et d’égalité femmes-hommes sa spécialité. Nous l’avons soumise à quelques stéréotypes pour qu’elle les démonte.
“Vous avez couché avec qui pour entrer dans cette école?” Cette interrogation brutale et misogyne, Pauline Chabbert la doit à l’un de ses professeurs au cours de ses études supérieures alors qu’elle passait un oral devant toute sa classe. “Ce fut peut-être le point de départ de mon féminisme”, analyse-t-elle aujourd’hui. Et peut-être aussi celui de sa carrière. Responsable pendant cinq ans des questions “genre et développement” au ministère des Affaires étrangères français, cette jeune femme de 30 ans, désormais experte des questions de genre et d’égalité femmes-hommes, a créé sa propre société de conseil en matière d’égalité, Autrement conseil, en 2013.
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“70% des personnes qui ont recours au microcrédit sont des femmes.”
L’engagement de Pauline Chabbert ne s’arrête pas là: elle est également vice-présidente en charge du plaidoyer du comité ONU femmes en France et elle a même fait un passage en politique en se présentant sur la liste européenne Féministes pour une Europe solidaire menée par Caroline de Haas “pour défendre les droits des femmes” en juin dernier. Aujourd’hui, son programme d’action est très varié: la trentenaire fait du conseil et dispense des formations pour des ONG, des ministères ou encore des associations internationales. L’une de ses dernières missions a eu lieu à Madagascar pour l’organisation humanitaire Inter Aide, qui lutte contre la pauvreté en permettant notamment un accès au microcrédit. “L’ONG a réalisé que 70% des personnes qui y avaient recours étaient des femmes, explique Pauline Chabbert. C’est un public spécifique, car ce sont elles qui, en plus de leur travail, assument l’essentiel des charges familiales et ménagères. Leurs problématiques sont donc particulières. Il leur faut une réponse adaptée.”
Dans le monde entier, les préjugés sur l’égalité femmes/hommes sont encore nombreux et diffèrent parfois selon les pays. Nous avons soumis quelques stéréotypes à cette experte pour qu’elle les démonte.
Les femmes ont conscience des inégalités —> FAUX
Les femmes n’ont pas toujours conscience qu’elles sont discriminées. “C’est là toute la difficulté du sujet”, remarque Pauline Chabbert. Cette réalité s’expliquerait ainsi: “Rares sont celles qui ont envie de se dire qu’elles sont victimes d’une domination. C’est un constat assez violent.” Alors, comment s’y prendre? “Il s’agit de s’attaquer au changement de comportement. C’est un processus lent, où il est impossible d’aller plus vite que la musique, précise l’experte. Mon travail consiste à aider ce déclic pour provoquer une discussion collective.”
“Dès qu’une femme arrive à un haut poste de pouvoir, certains ont l’impression que l’égalité est acquise.”
Une prise de conscience aussi difficile à accepter en France que dans n’importe quel autre pays: “Dès qu’une femme arrive à un haut poste de pouvoir, comme Ellen Johnson Sirleaf, élue présidente du Libéria depuis 2006, ou encore Christine Lagarde, nommée au FMI en 2011, certains ont l’impression que l’égalité est acquise. Cette exception cache et rend invisible la réalité, rappelle Pauline Chabbert. Mais c’est loin d’être représentatif. Il y a beaucoup de communication sur les femmes, mais peu d’investissements pour faire avancer la société. Lorsque le ministère des droits des femmes existait, c’était le plus petit budget de l’État. Or, sans répercussion financière, pas d’action concrète possible.”
La déclaration universelle des droits de l’homme et de la femme est un concept occidental —> FAUX
“C’est une rhétorique utilisée pour contredire les droits de l’homme, assure l’experte, notamment par des pays comme la Russie, l’Iran, ou l’Égypte. C’est aussi inexact pour les droits des femmes.” Les questions de genre s’inscrivent dans une réflexion internationale. “Ce n’est pas seulement un mouvement du nord vers le sud, note-t-elle. Il y a eu un mouvement féministe considérable, avec notamment des organisations sud-africaines, ou encore indiennes.” Des exemples sont nombreux comme le travail de Gita Sen, une chercheuse indienne qui travaille pour le network féministe Development Alternatives with Women for New Era (DAWN). Ce réseau met en relations des chercheuses, des militantes qui travaillent sur l’économie et les inégalités, notamment entre hommes et femmes. On peut également citer la sociologue iranienne Chahla Chafiq qui se bat pour le droit des femmes.
Il y aurait plus de problèmes ailleurs qu’en France —> FAUX
“Ce qui m’étonne à chaque fois, insiste Pauline Chabbert, c’est que les inégalités de genre se manifestent de la même manière partout dans le monde.” Selon le rapport sur l’accès et le maintien des femmes dans l’emploi au Maroc, en Tunisie et en Turquie de l’Agence Française de développement (AFD), présenté en octobre 2014 à l’université de Marrakech, on retrouve les mêmes formes d’inégalités: une disparité salariale et un plafond de verre, sans oublier la segmentation du marché du travail. “L’argument principal était, en France, de dire: Il y a plus grave ailleurs”, se souvient la trentenaire. S’il y a, en effet, des formes de violences extrêmes dans certains pays, à l’image des mariages précoces, la France n’est pas épargnée pour autant. Le harcèlement sexuel au travail constitue par exemple encore un sujet tabou.
Charlotte Lazimi
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