Quatre ans après son premier album, Owlle revient avec Summer Crisis, un nouvel Ep qui annonce le virage pop de son nouvel album, Heavy Weather, à paraître dans les mois qui viennent.
“Je ne suis pas une autre femme, je suis une femme qui a pris le temps et qui a mûri”, prévient Owlle. La frange s’est allongée et les cheveux ont blondi, les vêtements et les joues ont pris des couleurs mais la voix, l’amabilité, l’enthousiasme de se raconter sont comme dans nos souvenirs, ceux d’il y a quatre ans. Owlle, jeune musicienne d’origine cannoise, se présentait par l’intermédiaire de France, un premier album de pop synthétique aux accents new wave. Assez loin, il est vrai, de la plupart des pop songs solaires de son nouvel Lp, Heavy Weather, attendu pour l’été. “I’m ready for the sun / I’m ready to shine”, chante-t-elle dans In The Dark, le premier single à en être extrait, qui assure cette transition de l’ombre vers la lumière. Manière d’expier un passé artistique marqué par une esthétique sombre, quasi gothique, et de prévenir son monde: dans l’âme, Owlle est une faiseuse de pop qui ne veut plus s’ignorer. Prête à briller, aussi bien à travers sa nouvelle incarnation qu’en restant dans l’ombre des autres.
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Si quelqu’un a changé au cours de ces quatre années, ce n’est pas la personne, mais l’artiste. Certes, France Picoulet, puisque c’est son nom de “personne”, a traversé toutes sortes d’états et d’expériences: “un petit moment de flottement” après la tournée du premier album, une séparation, des envies d’ailleurs. Mais c’est l’artiste qui s’en est trouvée transcendée. À Los Angeles, où sa maison de disques l’a envoyée pour développer ses talents de songwriteuse et s’exercer à l’écriture pour d’autres, Owlle a vaincu son sentiment d’illégitimité et acquis de nouvelles certitudes. Écrire, c’est son truc, et qu’importe si elle est venue à la musique en autodidacte et sur le tard, elle a fini par trouver sa place. Son parcours de musicienne idéal serait un aller-retour perpétuel entre ses propres disques et ceux des autres, auxquels elle participe déjà. Comme le Rather Than Talking de Hollysiz, sur lequel elle a co-écrit un titre, ou le prochain album de Cassius, au générique duquel elle apparaît sur plusieurs morceaux. Dans le genre songwriteuse de l’ombre qui aime prendre la lumière à l’occasion, elle a d’ailleurs trouvé sa sainte-patronne: Sia. La compositrice et interprète de Chandelier, qui a forgé ses talents d’écriture au service des plus grand·e·s avant d’exploser les charts avec ses propres tubes, fait pour elle office de modèle absolu. “Quand je parle d’elle, j’en ai des frissons, je trouve son histoire dingue. Au début, son projet ramait un peu, comme quoi tout ne dépend pas des chansons, mais aussi d’un alignement des étoiles. Elle a été à contre-courant de tous les codes américains, où tu dois être au top à 22 ans (Ndlr: lorsque Chandelier est sorti, elle avait déjà 38 ans, un âge canonique dans le monde de la pop). Son parcours me fait du bien, grâce à elle j’ai compris que l’urgence qu’on nous impose n’existe pas. On est tous gaulés différemment et j’ai envie d’inventer ma propre manière de faire exister ma musique.”
“Il y a sans doute pas mal de filles qui ont abandonné l’idée de produire elles-mêmes en se disant qu’elles n’étaient faites que pour être chanteuses.”
Owlle le clame, ce nouvel album, elle ne “le porte pas pareil” que le premier. Avec Heavy Weather, elle se sent plus sereine, plus proche d’elle-même qu’elle ne l’a jamais été. “Je n’avais pas conscience de cette image assez dark que je dégageais. Moi je me connais, je sais comment je suis, mais je me dis que si je ne connaissais pas cette personne, je trouverais son image et sa musique très froides.” Un peu comme avec la vague du no make-up, qu’elle cite comme une possible source d’inspiration, Owlle a eu envie d’enlever les couches, le “surplus”, pour montrer son visage à découvert. Celui d’une amoureuse de pop, qui n’hésite plus à citer Abba ou les Carpenters parmi ses premières amours. Des groupes dans lesquels elle s’est replongée en compagnie de Dan Levy, moitié de The Do qui a co-produit avec elle ces nouveaux morceaux. Et qui n’a pas hésité à la pousser vers cette lumière pop au bout du tunnel: “Même si on s’est vus à Los Angeles, notre collaboration n’a réellement commencé qu’à mon retour en France. J’avais écrit la moitié de l’album là-bas mais pour lui, j’étais encore loin du compte. Il avait cette vision précise pour moi d’écrire des vrais titres pop. Ça tombait bien car moi aussi, j’avais envie d’aller vers quelque chose de plus radical.”
© Thibaut Grevet
Si cette collaboration avec Dan Levy lui a permis, à l’évidence, d’emprunter un virage artistique qu’elle n’aurait pas forcément réussi à négocier seule, Owlle ne perd pas l’espoir d’enregistrer un jour un disque par ses propres moyens. Ces dernières années passées dans le monde de la musique lui ont fait prendre conscience du sexisme ordinaire qui règne dans le milieu, où les situations de mansplaining sont légion et le paternalisme courant. De ses discussions avec d’autres musiciennes, comme Olivia Merilahti, autre moitié de The Do, elle tire quelques âpres conclusions: “Il y a sans doute pas mal de filles qui ont abandonné l’idée de produire elles-mêmes en se disant qu’elles n’étaient faites que pour être chanteuses. Le fait qu’on ne puisse rien faire seules est tellement inscrit en nous. À chaque fois qu’on a des démos, on nous demande avec qui on aimerait les produire. Ces questions sur la place des femmes dans la musique me semblaient loin de moi au départ, mais avec le recul, je trouve ça fou, cette sensation. C’est un vrai sujet. Moi, je pense que j’ai une âme de productrice. J’ai autant de compétences qu’un homme. Un jour, je saurai assez de choses pour pouvoir réaliser mes albums toute seule et je le ferai.” Le temps qui passe va bien aux femmes, on ne le répètera jamais assez.
Faustine Kopiejwski
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