Une nuit par mois, une étonnante brigade de féministes latinas sillonne les rues des quartiers de l’Eastside Los Angeles à vélo pour réaffirmer leurs droits: les Ovarian Psycos. Les Inrocks ont échangé avec Xela de X, la badass à l’origine du crew.
Nom complet? The Ovarian Psycos Bicycle Brigade. Symboles distinctifs? Femmes cyclistes nocturnes d’origine latino-américaine ayant le bas du visage masqué par des bandanas noirs et blancs à imprimés trompes de Fallope. Signe de ralliement? Les doigts placés sous la ceinture, pouces et index soudés pour représenter des ovaires. Terrain de jeu? Les quartiers chauds de L.A. Baseline? “Nos ovaires sont si gros que nous n’avons pas besoin de couilles.”
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The Ovarian Psyco © Michael Raines
De grosses paires d’ovaires et un héritage punk et zapatiste
Cet étonnant crew créé à l’été 2010 fait l’objet d’un documentaire sorti en mars dernier aux États-Unis, cosigné par deux réalisatrices indé –Joanna Sokolowski et Kate Trumbull-LaValle– conquises par la détermination et l’audace de la démarche des “Ovas”. Elles les décrivent comme “un mélange hybride entre les Riot Grrrl (Ndlr: courant punk féministe des 90’s aux USA), les Zapatistes (Ndlr: l’Armée Zapatiste de Libération Nationale du Chiapas, au Mexique) et des militantes de la culture punk.”
Dans le documentaire, on découvre le portrait de trois femmes à travers des scènes de patrouilles et des moments de leurs vies quotidiennes. Xela de la X, mère célibataire et musicienne, a fondé ce collectif de “sisters” il y a six ans “pour briser le silence”. Elle est née dans une famille mexicaine traditionnelle et a été victime d’abus sexuels. Depuis plus de 15 ans, elle travaille dans un centre d’accueil pour les jeunes sans abris et prend part à “toutes les luttes auxquelles sont confrontées les communautés précaires”. Avec elle, Andi, une street artist également d’origine mexicaine, et Evie (Evelyn), élevée par une mère courage salvadorienne réfugiée aux États-Unis, ont accepté d’être filmées.
Le teaser du documentaire Ovarian Psycos
Tant que les excisions, les viols et les violences conjugales existeront
Le choix du vélo pour parcourir la “jungle urbaine” by night s’est imposé aux Ovas pour pointer la vulnérabilité des femmes en selle à L.A., où quatre cyclistes sur cinq seraient des hommes. À cheval sur leurs bicyclettes, elles envoient un message clair aux riverains: les femmes se réapproprient la rue, le jour comme la nuit, avec le moyen de transport qu’elles veulent. Xela espère ainsi “créer un espace sûr où nous (Ndlr: les femmes) pourrons être acceptées telles que nous sommes”. Une nuit par mois, le crew organise des “Lunas Rides”, des maraudes à vélo dans les rues réputées dangereuses de l’Est de L.A., et celles où ont eu lieu des “féminicides”.
Pour Xela et sa brigade, il y a un lien étroit entre les maltraitances faites aux “femmes de couleurs” et le sort réservé à la planète Terre: “Nous sommes simultanément exploitées, occupées et violées dans les sociétés patriarcales.” D’ailleurs, quand on l’interroge sur le périmètre couvert par les Ovarian Psycos, elle déroule: “Nous sommes partout. Nous sommes à chaque coin de rue dans le monde où le patriarcat et la misogynie ont normalisé les meurtres quotidiens de nos camarades […] Nous existons partout dans le monde et nous continuerons à exister tant que les crimes d’honneur, les violences conjugales et les excisions existeront. Tant que les viols et la violence contre les femmes existeront.”
© Michael Raine
La communauté latino de Boyle Heights a dû céder sa place aux hipsters blancs
L’autre cheval de bataille des Ovas est la gentrification, notamment à Boyle Heights -le quartier latino de L.A. où elles ont grandi-, qui est devenu l’un des hot spots de la ville. Xela est sa bande de filles se sont rencontrées à Corzaon del Pueblo, “un espace communautaire autonome géré par et pour la communauté” qui a disparu depuis pour laisser place à des lieux plus branchés. “Les blancs ont ouvert une galerie d’art dans Corazon del Pueblo et le propriétaire a augmenté le loyer”, constate Xela avec amertume. Selon elle, cet ancien QG où se réunissaient tous les jours les différentes générations d’immigrés latino-américains a été transformé en repère de “hipsters blancs qui n’en ont rien à foutre de la communauté, des gens qui la composent, et encore moins de leurs besoins”. Un sentiment d’exclusion partagé dans de nombreuses grandes villes du monde.
Hélène Brunet-Rivaillon
Ce papier a été initialement publié sur le site des Inrocks.
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