Avec son documentaire Ouaga Girls, en salles aujourd’hui, la réalisatrice Theresa Traore Dahlberg nous plonge dans le quotidien d’un groupe de jeunes femmes dans un garage de la capitale du Burkina Faso.
“J’ai voulu suivre un groupe de jeunes femmes au Burkina Faso, à l’école, en soirées, dans leurs vies quotidiennes, et les présenter comme amies, sœurs ou mères dans leur dernière année d’études, juste avant de devenir des adultes.” Avec son documentaire Ouaga Girls, en salles le 7 mars, la réalisatrice suédoise Theresa Traore Dahlberg propose un aperçu de la vie d’un groupe d’apprenties mécaniciennes à Ouagadougou. Cette trentenaire qui grandit entre la petite île d’Öland en Suède et la capitale du Burkina Faso, filme Dina, Bintou ou encore Chantale lors de leurs cours d’éducation sexuelle, dans leur garage automobile ou face à la psy qui les suit au long de leur formation. La joyeuse bande de copines en combinaisons bleues, âgées de 16 à 22 ans, suscite l’étonnement chez quelques hommes burkinabés. “Comment se fait-il que des filles s’engagent dans cette branche?” s’interroge l’un d’eux.“Parce qu’elles s’estiment capables de le faire. Une femme peut faire n’importe quel métier, si elle le veut […] Nous aussi on a de la force”, rétorque l’une des protagonistes. Le film propose de mettre en avant la sororité qui règne entre ces jeunes femmes, qui cherchent à trouver comment gagner leurs vies et gérer les tracas du quotidien plutôt qu’à devenir des modèles de féminisme. Interview express de sa réalisatrice.
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Pourquoi t’être intéressée au quotidien de ces jeunes Burkinabès?
J’ai été adolescente à Ouaga et je me demandais ce qu’impliquait être une jeune femme aujourd’hui dans cette ville. Pour mon dernier film, Taxi Sister, j’ai suivi une femme qui a fait le choix engagé d’aller à contre courant en devenant conductrice de taxi à Dakar. Pour les jeunes femmes de Ouaga Girls, c’est encore différent, elles n’ont pas entrepris leur formation avec l’idée de devenir des pionnières. Ce sont juste des filles ordinaires qui se retrouvent à cette place après avoir quitté l’école publique pour diverses raisons allant des problèmes familiaux à la grossesse précoce, et qui y voient un moyen comme un autre d’obtenir un travail. J’aime comprendre ce qui pousse les individus à faire les choix qui marqueront leurs vies, et découvrir comment la société et les pressions sociales peuvent les affecter.
Est-ce que la société burkinabè est particulièrement sexiste?
Je pense que le sexisme est universel. On en a eu la preuve avec le mouvement #MeToo, qui a été global et a concerné toutes les professions. J’ai habité à New York lorsque j’avais la vingtaine et j’ai assisté des réalisateurs qui utilisaient parfois leur pouvoir de façon patriarcale. Mais j’ai aussi pu trouver là-bas un bel exemple de sororité en emménageant avec d’autres jeunes filles qui s’entraidaient dans le quartier de Bushwick.
Au-delà de la sororité, tu abordes de façon détournée le thème de la maternité précoce et celui de la situation politique du pays. Pourquoi?
C’est vrai, j’avais envie qu’on puisse entendre les femmes parler de leurs expériences en tant que filles, sœurs, mais aussi mères. J’ai moi-même fait une fausse couche dans le passé et eu mon premier enfant alors que je travaillais sur ce film, ça a probablement affecté mes choix concernant la réalisation. Pour ce qui est de la politique, le Burkina vivait, au moment du tournage, une transition gouvernementale qui a duré un an. Ce sont des situations difficiles dans ce pays. Mais j’ai choisi de me concentrer sur les filles et laisser la politique être la toile de fond de leurs vies, et s’infiltrer discrètement dans leurs activités de tous les jours.
Propos recueillis par Margot Cherrid
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